le drama A New Leaf (2014)

Critique A New Leaf : Kim Myung Min en quête de rédemption dans un drama juridique inégal

Même s’il ne tient pas toutes ses promesses, le drama A New Leaf n’en offre pas moins un contenu social intéressant, témoignage incisif d’une époque où le cynisme des uns fait plus que jamais le désespoir des autres. A redécouvrir.

Kim Seok Joo (Kim Myung Min) est un brillant avocat d’affaires qui officie pour le compte du cabinet Cha dirigé par Cha Young Woo (Kim Sang Joon). Froid, retors et ambitieux, Seok Joo ne recule devant aucun moyen pour remporter ses procès. Jusqu’au jour où il est lui-même victime d’un accident qui le laisse amnésique. Son patron et Lee Ji Yoon (Park Min Young), une jeune stagiaire, sont les seuls à être mis dans le secret. Mais Kim Seok Joo n’est plus le même. En proie à une profonde remise en question, il ne tarde pas à s’apercevoir qu’il ne peut plus suivre la direction donnée par son mentor Cha Young Woo…

A New Leaf est écrit par Choi Hee Ra, la scénariste de la série médicale à succès Golden Time. Il est réalisé par Park Jae Bum, à qui l’on doit Scandal: A Shocking and Wrongful Incident, plusieurs fois primé aux MBC Drama Awards 2013. Lors de sa diffusion sur MBC entre le 30 avril et le 26 juin 2014, A New Leaf s’est contenté d’une part de marché de 8,5%* en moyenne, ne réalisant qu’une seule fois un score à deux chiffres – 10,2% sur son 8ème épisode. Il n’est jamais parvenu à inquiéter ni You’re All Surrounded (SBS), leader sur le slot, ni même Golden Cross (KBS2) qui affichait pourtant des résultats décevants.

Cela explique que le drama, initialement prévu pour durer dix-huit épisodes, n’en fasse « que » seize au final. Comme on pouvait s’y attendre, cette décision prise à mi-parcours, visiblement dans l’urgence, en affecte malheureusement l’impact dramatique et la cohérence d’ensemble.

Difficile d’expliquer un tel flop, d’autant que le premier épisode fonctionne plutôt bien, entre drame procédural et comédie romantique (un quiproquo gentiment sulfureux entre l’avocat campé par Kim Myung Min et la jeune stagiaire interprétée par Park Min Young). Surnage tout de même une impression de déjà-vu : celle de voir Kim Myung Min endosser une fois encore le rôle du génie cynique et cassant, craint par ses ennemis comme par ses collègues, dont la sensibilité enfouie ne demande qu’à s’éveiller au contact de jeunes âmes enthousiastes.

Il nous a séduit de cette façon en chef d’orchestre caractériel et fascinant dans Beethoven Virus en 2008, et nous livrait fin 2012 une prestation dans la même veine en producteur charismatique dans The King of Dramas. Mais devant ce qui ressemble à un énième ersatz de Kang Mae ou d’Anthony Kim, l’ennui n’est pas loin. Il faut donc attendre que Kim Seok Joo perde la mémoire dans des circonstances obscures pour que notre confiance en ce formidable acteur qu’est Kim Myung Min soit instantanément restaurée.


C’est évidemment lorsque notre avocat découvre avec une horreur grandissante quel homme détestable il a été, dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée, que le titre alternatif du drama, Repentance (« Repentir » en français), prend tout son sens. Repentir à l’égard des innocents qu’il a contribué à enfoncer plus bas que terre pour sa seule gloire ; repentir vis-à-vis de son père avec lequel il tente de rétablir une communication tristement rompue depuis des années ; repentir envers une fiancée négligée, livrée en pâture aux requins de sa famille…

La quête de vérité de Seok Joo constitue la moelle épinière des deux premiers tiers du drama, amenant son lot de situations embarrassantes pour notre héros. Celui-ci est en effet constamment obligé de recoller les morceaux des affaires complexes dont il avait la charge avant l’accident, tout en multipliant les acrobaties afin que personne, pas même ses amis proches, ne se doute qu’il a perdu la mémoire.

La scénariste Choi Hee Ra nous plonge ainsi sans ménagement dans des imbroglios financiers aux ramifications multiples, qui s’avèrent au fur et à mesure mettre en lumière la malhonnêteté du cabinet Cha mais aussi de Seok Joo lui-même.


L’idée intéressante de la première partie de A New Leaf est de mettre en scène un protagoniste principal qui se révèle peu à peu être son propre ennemi. Et un ennemi redoutable si l’on en juge par le nombre de personnes qui nourrissent une mortelle rancune à son égard. Lorsque Seok Joo l’amnésique se retrouve par hasard nez à nez avec Hye Ryeong (Kim Yoon Seo), l’actrice dont il a fait annuler sans état d’âme la plainte pour viol dans l’épisode 2, il est stupéfié qu’elle lui crache à la figure.

Le drama décolle pour de bon dès l’instant où il décide de convaincre celle-ci de le prendre pour avocat quand elle est accusée, un peu plus tard, d’avoir assassiné son petit ami et violeur, un fils de chaebol au comportement de voyou. Une affaire délicate abordée sans tabou, sans niaiserie ni racolage actif comme le font les séries occidentales dès qu’il est question de viol.

La composition en finesse de Kim Myung Min confère à A New Leaf un relief particulier, un ton pragmatique et humain à la fois. Sans se départir de cette pointe d’arrogance qui fait son charme, l’acteur se fond totalement dans la peau de cet homme perdu et déterminé à la fois, qui semble constamment habité par un sentiment d’urgence.

Il nous livre de très beaux moments d’émotion dans les échanges avec ce père dont Seok Joo essaie de conquérir patiemment l’estime après l’avoir déçu pendant si longtemps. Les choses ne sont évidemment pas si simples et ce dernier aura lui aussi sa part d’effort à fournir (Choi Il Hwa, très touchant en paternel sévère et buté).

On pourrait croire que le thème de la mémoire est exploité de manière excessive – Seok Joo est devenu amnésique, son père est atteint d’Alzheimer – et pourtant cette surenchère apparente confère une profondeur inattendue à leurs rapports douloureux.

Le thème de la mémoire sous-tend en réalité A New Leaf dès le premier épisode, qui s’ouvre sur l’arrivée triomphale de Seok Joo au tribunal où il va permettre à la société japonaise Jeil de remporter le procès que lui a intenté un groupe d’ouvriers victimes de travail forcé pendant l’occupation. A l’instar de tous les charognards de son espèce qui tirent leur puissance de la misère des autres, ce Seok Joo-là a perdu de vue depuis longtemps qui il est et d’où il vient…

Dans la peau du machiavélique patron auquel se heurte Seok Joo dans sa quête de rédemption, Kim Sang Joon est parfait d’ambigüité. Lorsqu’on découvre Young Woo au début du drama, il est en train de se faire féliciter par un journaliste pour avoir remporté durant trois années consécutives le prix du contribuable modèle. Quelques épisodes plus tard, la scène paraît d’une ironie cinglante.

Un tel personnage aurait néanmoins gagné à être encore développé pour hisser le face à face entre Kim Myung Min et Kim Sang Joon vers les sommets espérés.

Contrainte de compresser la fin du drama pour le faire tenir sur seize épisodes, la scénariste a quelque peu négligé ses personnages secondaires. L’actrice Park Min Young, que l’on avait perdue de vue depuis Time Slip Dr Jin en 2012, est la première à en faire les frais, littéralement abandonnée sur le bord de la route vers le milieu de A New Leaf. Malgré son profil archétypal de jeune recrue idéaliste qui sert simultanément de défouloir verbal à notre héros mal luné, le personnage de Ji Yoon contribuait à dynamiser le premier acte de par son implication grandissante dans les affaires criminelles.

Elle se voit éclipsée au profit de la barbante fiancée de Seok Joo, Yoo Jung Sun (Chae Jung An), dont les déboires familiaux peu palpitants constituent à l’évidence le ventre mou de A New Leaf. Quant à l’irrésistible Oh Jung Se (Marry Him If You Dare), qui joue le meilleur ami de Seok Joo, il se retrouve peu à peu cantonné à quelques apparitions sporadiques.

Tout aussi gênant est le cas de Jeon Ji Won (Jin Yi Han), jeune juge honnête mais ambitieux qui bascule du côté obscur en embrassant une carrière d’avocat véreux sous les ordres de Cha, soit un parcours à l’opposé de celui de Seok Joo. Or sa présence se résume à quelques interventions ici et là et à une ébauche de romance peu crédible avec Ji Yoon – un programme un peu léger pour un deuxième rôle masculin.

La procureure intègre Lee Sun Hee (rien à voir avec la chanteuse), jouée par Kim Seo Hyung (Giant), bénéficie d’un traitement plus satisfaisant, mais sa relation avec Ji Yoon, dont elle représente le modèle, reste là aussi une piste narrative inexploitée.

Tout cela est d’autant plus frustrant que les quatre derniers épisodes de A New Leaf sont particulièrement captivants, véritable plongée au cœur d’un monde moderne vicié de toutes parts par la corruption.

Cet acte ultime est centré sur les fraudes commises par les grandes banques pour s’enrichir au détriment des particuliers et des petites et moyennes entreprises. Sont abordés avec beaucoup d’intelligence un ensemble de thèmes à la résonance universelle : l’endettement des ménages, les manipulations des cabinets d’avocat influents pour désigner le procureur de la République de leur choix, les entourloupes de consultants qui manipulent les comptes de ceux qu’ils prétendant sauver, les luttes sans espoir des syndicats, ou encore la corruption de la Cour Suprême elle-même, dont les juges, tous plus ou moins de sensibilités similaires, sont désignés dans l’ombre par les banques ou les grandes entreprises…

Le drama ne se contente pas de détailler les procédés utilisés par le cabinet Cha pour tenter de voler sa victoire au procès qui accable les banques, mais prend clairement position pour les victimes, qu’elles soient sympathiques (les amis du père de Seok Joo, la cousine de Ji Yoon) ou non (le patron Jin de Baekdu Soju). La détresse de ces citoyens ordinaires est rendue palpable par l’enchaînement d’injustices qui les frappe de manière inexorable.

A New Leaf porte ainsi un regard réaliste et désenchanté sur la société coréenne actuelle, sans céder à la tentation d’instrumentaliser ces drames pour les besoins de son intrigue. C’est ce qui le différencie par exemple d’un drama comme Big Man (diffusé à la même époque sur KBS2), qui évoque des thèmes de société similaires mais dans le seul but de mettre en valeur son héros et justifier son désir de vengeance.

N’était sa fin un peu abrupte pour les (malheureuses) raisons mentionnées précédemment, A New Leaf aurait pu être un grand drama procédural. Son principal défaut est finalement qu’il s’achève au moment où il se montre sous son véritable jour, autrement dit au moment où il devient passionnant.

Reste un drama dense et solide, qui a le mérite de chercher à communiquer un message essentiel sur les dérives de nos sociétés. Kim Myung Min y livre une belle interprétation tout en sobriété qui mérite à elle seule d’y jeter un coup d’œil.

Caroline Leroy

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