Critique : Three Days, avec Park Yoochun

par Caroline Leroy

Ce drama d’action et d’espionnage au budget ambitieux avait tout pour convaincre. Dommage que le résultat soit en demi-teinte.

Le drama coréen Three Days s’annonçait sous les meilleurs auspices : un pitch excitant, un casting éclectique confrontant jeunes acteurs prometteurs (Park Yoochun, Park Ha Sun) et pointures du petit écran (Son Hyun Joo, Jang Hyun Sung, Yoon Je Moon), et des affiches spectaculaires dignes de posters de cinéma.

Malgré un budget s’élevant à plus de 10 milliards de won (7,8 millions d’euros), Three Days ne se hisse jamais à la hauteur des attentes et s’impose au mieux comme un honnête divertissement. Reste un bon duo d’acteurs et des scènes d’action bien exécutées, dont l’intensité ne faiblit pas au long des seize épisodes.

Three Days : poster de Park Yoochun
Membre des gardes du corps présidentiels, Han Tae Kyung (Park Yoochun) ne peut pas aller au chevet de son père hospitalisé après un grave accident de la route. Sous la direction de son chef Ham Bong Soo (Jang Hyun Sung), il doit assurer la sécurité du président de Corée du Sud Lee Dong Hwi (Son Hyun Joo), en visite sur un marché traditionnel.

Tandis que son père est en train de mourir, Tae Kyung échoue à protéger le président d’une attaque bénigne. L’incident lui vaut les foudres de Shin Kyu Jin (Yoon Je Moon), le Secrétaire Général de la Maison Bleue. L’affaire prend une autre tournure lorsque le président disparaît de manière inexpliquée sur son lieu de vacances.

Avec l’aide de la policière Yoon Bo Won (Park Ha Sun), Tae Kyung va tout faire pour le retrouver et dénouer le mystère qui entoure les récents événements, quitte à déterrer des dossiers explosifs.

Park Yoochun et Park Ha Sun dans Three Days
Sur le papier, Three Days inspire une confiance totale avec les noms du réalisateur Shin Kyung Soo, à qui l’on doit Tree With Deep Roots, et de la scénariste Kim Eun Hee, auteure du brillant cyber-thriller Ghost avec So Ji Sub, diffusé sur SBS en 2012.

Dans sa note d’intention révélée avant la diffusion de Three Days, la scénariste est très claire : à travers l’histoire de Han Tae Kyung et de ses collègues, elle s’intéresse à la difficile condition des gardes du corps présidentiels, un métier peu connu du grand public et auquel les fictions coréennes ne se sont jusque-là pas intéressées. Elle tient à mettre en exergue leur dévouement aveugle au président, qui annihile toute vie privée et les amène à constamment mettre en jeu leur existence, quand bien même le président ne serait pas digne d’un tel sacrifice.

Le dilemme auquel doit faire face le personnage de Tae Kyung dès le premier épisode (répondre à l’appel de l’hôpital lui annonçant la mort de son père ou continuer sa mission comme si de rien n’était) est éloquent à ce sujet. Même une fois informé du décès de son père, le jeune homme doit passer sous silence son profond chagrin et faire son mea culpa auprès de ses supérieurs pour sa négligence.


La mise en place de Three Days est ainsi plutôt efficace en ce qu’elle pose clairement les enjeux de l’intrigue et nous laisse espérer un développement intéressant des personnages principaux.

Alors qu’on ne l’a jamais vu dans ce registre auparavant – l’écriture de son personnage de flic dans I Miss You laissait largement à désirer côté vraisemblance –, Park Yoochun est immédiatement crédible en garde du corps stoïque, notamment dans l’action pure. Il séduit aussi dans les scènes de jeu, à l’instar de ce moment émouvant où il pleure silencieusement la mort de son père.

Dès les premiers épisodes, le courant passe avec ses collègues plus expérimentés, qu’il s’agisse de son supérieur incarné par Jang Hyun Sung (Vampire Prosecutor) ou du président joué par Son Hyun Joo (The Chaser).

Park Yoochun, qui était étonnant de naturel et de drôlerie dans Rooftop Prince, n’aura malheureusement guère l’opportunité de s’épanouir dans son rôle. Le drama souffre en effet d’un manque de focus ainsi que d’une incapacité à impliquer émotionnellement le spectateur dans l’histoire en dépit de la présence de bons acteurs.


L’investissement de Park Yoochun sur le projet n’est pas à remettre en cause. Il s’est d’ailleurs blessé sérieusement à l’épaule sur le tournage des premiers épisodes, ce qui ne l’a pas empêché d’enchaîner courageusement les scènes d’action difficiles, même si celles-ci ont bien sûr été réaménagées en conséquence. Pourtant, son absence se fait sentir plus d’une fois au cours des six premiers épisodes et donne la désagréable impression au spectateur que le drama se disperse.

La vérité, c’est que Park Yoochun filmait simultanément le long métrage d’action Sea Fog (Sim Sung Bo) durant les premières semaines, et ce au moins jusqu’à la diffusion du premier épisode de Three Days. Il était arrivé le dernier sur le plateau alors que les autres acteurs avaient déjà bouclé plusieurs scènes (cf. conférence de presse de Three Days du 26 février 2014). Le tournage du drama, qui était censé débuter début décembre 2013, avait en effet été soudainement retardé par la chaîne SBS pour une durée indéterminée, sans autre forme d’explication. On en était venu à se demander si Three Days verrait le jour car Park Yoochun, engagé entre temps sur Sea Fog, était sur le point de se désister bien à contrecœur.

Au final, la diffusion prévue initialement le 24 février, a été décalée au 5 mars 2014 seulement, mais on comprend que ces contraintes ont pesé sur l’équipe et sur l’acteur principal. Elles ont en tout cas un impact regrettable à l’écran.


Cependant, ces aléas ne sont pas les seuls à expliquer le sentiment d’inachevé qui se dégage de Three Days. Le personnage central de Han Tae Kyung n’est pas suffisamment écrit. Les fils narratifs qui pourraient servir à le définir, tels que sa relation avec son défunt père, ex-conseiller économique du président, ou son lien de subordination conflictuel avec son chef direct Ham, nous sont jetés négligemment sous les yeux sans développement ultérieur. Tae Kyung se résume à ses actions et à ses principes inébranlables au moment où se déroule l’intrigue qui nous occupe, mais c’est à peu près tout ce que l’on saura de lui.

Et ce ne sont pas les rôles féminins qui vont contribuer à révéler la dimension qui lui fait défaut. Park Ha Sun, vue récemment dans Two Weeks, est notamment tellement sous-exploitée que son personnage ne paraît jamais avoir pour vocation de faire avancer l’intrigue. Le gâchis est important car elle promet dans les premiers épisodes et son alchimie avec Park Yoochun fonctionne.

Envisagée initialement comme le second rôle féminin, Cha Young, jouée par So Yi Hyun (Cheongdamdong Alice), prend finalement plus d’ampleur que Bo Won de par les péripéties qu’elle rencontre et le doute qui plane sur ses intentions. Mais cela ne suffit pas à en faire non plus un personnage passionnant, sans compter que l’actrice ne fait qu’arborer le même air plaintif du début à la fin.

Même Yoon Je Moon, fabuleux dans The King 2 Hearts et Midas, ne brille pas plus que cela dans Three Days, un drama qui a décidément du mal à mettre ses protagonistes en avant.


Reste le grand méchant de l’histoire, le PDG Kim Do Jin dont le sadisme notoire n’a d’égal que le raffinement (il nous est constamment montré en train d’écouter de la musique classique de manière extatique dans son bureau luxueux, entouré de ses figurines en kit).

Choi Won Young (The Heirs) ne fait pas de fausse note, pourtant son interprétation monotone ne convainc guère. Son personnage a plus d’une affinité avec le méchant de Ghost, imaginé par la même Kim Eun Hee, mais il est loin de posséder le charme vénéneux de Uhm Ki Joon.

La mise en scène assez plate de Shin Kyung Soo ne parvient pas à relever des scènes à fort potentiel dramatique, telles que ces échanges supposés tendus entre le président et son ennemi Kim Do Jin, qui se révèlent sans saveur – on pense alors avec nostalgie aux face-à-face électrisants entre Lee Seung Gi et Yoon Je Moon dans The King 2 Hearts. Le réalisateur peine à induire la tension qui sied au genre du drama, créant un décalage fréquent entre les intentions affichées et le résultat à l’écran.

Comme si cela ne suffisait pas, de nombreuses scènes de Three Days se voient dépossédées de leur intensité par l’utilisation intempestive d’une musique pompeuse, un travers hérité des longs métrages coréens des années 2000 aux thématiques patriotiques.


Three Days serait-il in fine un simple pétard mouillé ? Oui et non. La liste des doléances est, on vient de le voir, assez longue. Sans doute à la mesure des attentes créées par l’un des dramas les plus ambitieux de l’année 2014.

Cependant, Three Days n’est pas désagréable à regarder et réserve quelques moments de bravoure. Les scènes d’action, on l’a dit, sont variées et bien exécutées, même si on peut leur reprocher un manque de lisibilité. A la manière des grands films d’action, elles font appel à tous types de décors en extérieur ou en intérieur, allant jusqu’à nous proposer un affrontement particulièrement violent entre Park Yoochun et Kim Hyun Kyu (le tueur à gages Yo Han) dans l’espace réduit d’un ascenseur (fin de l’épisode 7).

Ces scènes font une certaine impression et participent à pimenter une intrigue qui, même si elle n’est pas toujours bien amenée, ne manque pas complètement de substance non plus.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Three Days ne consiste pas en une course contre la montre étalée sur trois jours, les comparaisons avec Two Weeks ou God’s Gift: 14 Days voire avec le célèbre 24 heures Chrono, ne sont par conséquent pas vraiment pertinentes. Les “trois jours” sont en réalité neuf jours divisés en trois segments de 72 heures : Part 1: The Prelude, Part 2: The Showdown, et Part 3: Judgement. Soit assez de temps pour exhumer de vilains secrets d’Etat, ainsi qu’on l’espère forcément de la part d’un thriller dont l’intrigue a pour protagonistes les locataires de la Maison Bleue.


Le secret en question nous est rapidement dévoilé, du moins en apparence : il est surnommé « l’Incident Yangjinri », en référence à un mystérieux génocide de militaires et de civils qui eut lieu en 1998 dans cette ville et dont la responsabilité fut attribuée à l’époque à la Corée du Nord. On se doute que les choses ne sont pas si simples et sur ce plan, la scénariste Kim Eun Hee ne déçoit pas.

A l’inverse du drama Shark, qui convoquait les monstres du passé à travers l’évocation explicite du massacre de Gwangju de 1980, Three Days articule son intrigue autour d’un événement fictif impliquant un petit nombre de personnes. Le but est moins de questionner, comme Shark, les fondements parfois douteux de la démocratie coréenne actuelle que d’explorer les failles et les dilemmes de celui qui siège au sommet de l’Etat, et ses relations avec le personnel qui l’entoure.

Au prix de multiples rebondissements, Three Days se centre peu à peu sur le personnage du président Lee Dong Hwi incarné avec beaucoup d’humanité par Son Hyun Joo. On l’a dit, la note d’intention du drama concernait la condition tragique des gardes du corps présidentiels. En réalité, ce qui semble intéresser la scénariste, c’est le personnage mélancolique de ce président solitaire, défaitiste, rongé par la culpabilité.

Plus on avance dans le drama, et plus il gagne en importance, ce qui explique sans doute que le dernier tiers de Three Days, la partie consacrée au Jugement, soit la plus cohérente et inspirée.


De même, c’est lorsque Han Tae Kyung entre en interaction avec Lee Dong Hwi qu’il acquiert lui-même davantage d’envergure, les rares moments où les deux acteurs se donnent la réplique comptant aisément parmi les plus réussis du drama (la belle scène de fin de l’épisode 7, la scène du cabinet présidentiel de l’épisode 11).

Tandis que de multiples scandales de corruption ne cessent d’éclater en Corée du Sud et ailleurs, Kim Eun Hee souhaite offrir aux téléspectateurs un regard unique sur la figure du président de la république, un homme qui ne serait ni un héros ni une ordure, à la fois symbole et être humain ordinaire, qui a lui aussi besoin des autres, si insignifiants puissent-ils sembler au premier abord, pour poursuivre le chemin qu’il s’est fixé.

C’est sous cet angle finalement assez surprenant que Three Days remplit le mieux son office, celui de nous divertir tout en donnant humblement matière à réflexion.


Grâce à l’aura de Park Yoochun en tant que hallyu star, Three Days fait non seulement partie des rares dramas coréens à avoir bénéficié d’un financement conséquent de la part des Japonais (plus de 200 000 dollars par épisode, selon l’article de Sports Hankooki publié le 10 novembre 2013), mais il est parvenu à vendre littéralement tous les espaces publicitaires disponibles sur les 60 minutes que dure un épisode : à mi-parcours, le drama encaissait 378 449 dollars par épisode en recettes publicitaires de la part de ses sponsors, soit plus de 3 millions de dollars sur les huit premiers épisodes (cf. Sports Seoul du 2 avril 2014).

Mieux, Three Days s’est exporté en Chine à 600 millions de won (environ 587 601 dollars), soit le prix le plus élevé jamais atteint pour un drama coréen, battant les records détenus précédemment par The Heirs et You Who Came From The Stars, deux hits de SBS sortis fin 2013.

Autant dire que la popularité des dramas coréens n’est pas prête de retomber avec de tels projets, et que Park Yoochun a un bel avenir d’acteur devant lui.

Son autre projet important de l’année, Sea Fog de Sim Sung Bo, est le premier long métrage produit par le réalisateur Bong Joon Ho (Memories of Murder). Une vidéo promotionnelle du film d’une durée de dix minutes était présentée au dernier festival de Cannes dans le cadre du Marché du Film. Il sortira en août prochain sur les écrans coréens. Park Yoochun, action star en devenir ? Pourquoi pas, il vient de prouver avec Three Days qu’il en avait l’étoffe.

Caroline Leroy

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Three Days : poster de Son Hyun Joo

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