Jung Jae Young dans Confession of Murder

Critique : Confession of Murder, de Jung Byung Gil

Confession of Murder vaut le détour pour son face-à-face psychologique entre les acteurs Jung Jae Young et Park Shi Hoo, en dépit d’un dernier tiers moins convaincant.

Pour son premier long métrage de fiction, le réalisateur Jung Byung Il choisit comme toile de fond la résolution d’une affaire de meurtres en série pour livrer une critique acerbe des médias. Mise en scène maîtrisée, scénario solide, direction d’acteurs impeccable, Confession of Murder est réussi à plus d’un titre. Il est dommage que le jeune réalisateur nous perde parfois en route avec des scènes d’action ultra-spectaculaires en total décalage avec son propos.

Le détective Choi Hyeong Goo (Jung Jae Young) poursuit en vain un serial killer soupçonné d’avoir tué dix femmes entre 1986 et 1990. Quinze ans plus tard, en 2007, alors que le délai de prescription a expiré, un homme du nom de Lee Dong Seok (Park Shi Hoo) affirme être l’auteur de ces crimes. Il a consigné le détail de sa confession dans un livre qui devient immédiatement un best-seller. Très bel homme, Lee devient rapidement le chouchou du public, en particulier lorsqu’il prétend vouloir se repentir. Choi est d’autant plus ulcéré que Lee se permet d’aller narguer les familles des victimes. Il ne se doute pas que ces dernières n’ont jamais laissé tomber l’idée d’une vengeance, à commencer par la mère de la dernière victime, Han Ji Soo (Kim Young Ae)…

Réalisé en 2012, Confession of Murder est le deuxième film de Jung Byung Gil, quatre ans après le documentaire Action Boys consacré à la Seoul Action School. Accueilli favorablement par la presse, il a réuni plus de deux millions de spectateurs à l’époque de sa sortie. Preuve que son contenu a éveillé l’intérêt, il vient de faire l’objet, en 2017, d’un remake japonais avec Tatsuya Fujiwara et Hideaki Ito dans les rôles de Park Shi Hoo et Jung Jae Young.

Comme beaucoup de films coréens mettant en scène des tueurs en série, Confession of Murder met en exergue la question cruciale du délai de prescription en matière de meurtre. Cette question était déjà au centre du Blood and Ties de Gook Dong Suk, qui en dénonçait l’ironie. L’action de Confession of Murder se déroule en 2007, soit l’année où la loi coréenne a justement fait passer ce délai de 15 à 25 ans. Depuis 2015, il a même été définitivement abandonné concernant les meurtres au premier degré, ouvrant la voie à la résolution de nombreux crimes impunis.

Avec ses meurtres en série de femmes, Confession of Murder fait référence à la plus célèbre affaire du genre en Corée du Sud, celle de Hwaseong, déjà explorée dans le remarquable Memories of Murder de Bong Joon Ho. Depuis, cette affaire a servi de toile de fond à plusieurs dramas, tels que Gab Dong, Signal et le récent Tunnel. L’une des bonnes idées de Confession of Murder, qui sera d’ailleurs reprise par la suite dans ces dramas, est de donner un visage à ce tueur insaisissable, offrant ainsi au public une possibilité de catharsis à la manière d’une thérapie collective.

Tant que Confession of Murder s’en tient à la confrontation entre son flic désabusé et sa star arrogante, on reste suspendu à son intrigue riche en suspense et en rebondissements. Le rythme est soutenu, les cadrages et la photographie sont soignés, le réalisateur fait du bon travail.

Les deux personnages principaux bénéficient de la même attention. Désagréable et rentre-dedans, Choi Hyeong Goo est évidemment l’exact opposé de Lee Dong Seok, plus policé et séducteur. Le contraste entre les deux est mis en valeur par la façon dont la lumière se reflète sur leurs visages respectifs. Si Jung Jae Young (Welcome to Dongmakgol) est égal à lui-même, c’est à dire impliqué et convaincant, Park Si Hoo (The Princess’ Man) crée la surprise avec son interprétation ambigüe à souhait d’un personnage qui n’a rien de banal.

A travers l’ascension fulgurante de Lee Dong Seok, Jung se livre à une critique acerbe du star-system. Celle-ci n’est pas des plus fines mais elle n’est pas non plus complètement à côté de la plaque. Le réalisateur aurait toutefois dû se reposer sur Park Shi Hoo pour appuyer son argument, plutôt que de le surligner lourdement. On sent même une certaine amertume de sa part lorsqu’il fait dire à l’un des reporters : « de nos jours, même les tueurs doivent être beaux ».  Un sentiment renforcé par la façon peu flatteuse dont sont dépeintes les jeunes filles, « fangirls » en émoi devant le beau tueur en série.

Cette observation nous amène inévitablement à la question du traitement des personnages féminins dans Confession of Murder, qui ne diffère pas vraiment du thriller coréen moyen. Cantonnées à des rôles périphériques requérant peu de dialogues, les femmes sont soit des victimes, et dans ce cas elles sont idéalisées, soit des créatures inutiles qui gênent les hommes dans leur noble travail. De l’adolescente, qui se fait traiter de « sale pute » par un livreur, jusqu’à la journaliste ou l’experte en psychologie qui se font, au mieux, taxer de « vieilles », les femmes se font systématiquement rabattre leur caquet par un homme dès qu’elles s’aventurent à parler.

Outre cette misogynie, Confession of Murder souffre d’un autre défaut, celui de vouloir trop en faire. Les scènes d’action sont très bien exécutées, mais leur dimension volontairement fun est en totale rupture de ton avec le fond sérieux du film. Les deux scènes de course-poursuite sur l’autoroute sont tellement invraisemblables (les personnages y accomplissent des cascades dignes des plus grands professionnels) que l’on ne parvient pas vraiment à en profiter.

Jung Byung Gil aura malgré tout sans doute mis à profit cette expérience  pour The Villainess, le film d’action avec Kim Ok Vin, qui a rencontré un certain succès auprès des festivaliers de Cannes cette année.

Caroline Leroy

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