Critique : Secret Sunshine, avec Jeon Do Yeon et Song Kang Ho

Secret Sunshine explore les errances d’une femme en deuil et donne l’un de ses plus beaux rôles à Jeon Do Yeon. Découvrez la critique du film le plus émotionnel de Lee Chang Dong.

ARCHIVE – Secret Sunshine est le quatrième long métrage du réalisateur Lee Chang-Dong et a valu à l’actrice Jeon Do-Yeon un Prix d’Interprétation au Festival de Cannes 2007. Une récompense amplement méritée puisque sa présence crève littéralement l’écran. Jeon Do Yeon incarne Shin-ae, une jeune femme qui vient tout juste de perdre son époux et dont l’affection se reporte entièrement sur son petit garçon. Sans dire un mot à sa famille, elle part s’installer à Milyang, la ville natale de son mari, et démarre une activité de professeur de piano. Elle fait aussi la connaissance de Kim Jong Chan (Song Kang Ho), un garagiste jovial qui entreprend de l’aider à s’en sortir coûte que coûte. Mais alors que la vie de Shin-ae reprend petit à petit son cours, la tragédie frappe une nouvelle fois à sa porte…

Song Kang Ho console Jeon Do Yeon dans Secret Sunshine

On ne sort jamais indemne des films de Lee Chang Dong. Avant Oasis, le cinéaste signait en 1997 le très sombre Green Fish qui racontait avec un réalisme glaçant la descente aux enfers d’un jeune homme enrôlé dans la pègre locale. Trois ans plus tard, il revenait avec Peppermint Candy, récit déchirant conté à rebours et dressant le tableau noir d’une Corée du Sud encore profondément marquée par la dictature. Enfin, Oasis narrait l’histoire d’amour singulière entre un jeune homme attardé et une tétraplégique et s’imposait alors comme son œuvre la plus poignante. Trois films qui utilisaient avec force le destin d’un ou plusieurs personnages pour radiographier une société meurtrie, broyant les individus.

Secret Sunshine s’avère tout aussi torturé que les précédents, mais marque un changement de registre pour le cinéaste, qui met de côté les thématiques politiques et sociales pour s’intéresser au vécu d’une jeune femme. Tout le récit s’articule autour des tourments psychologiques de Shin-Ae, sa détresse incommensurable et finalement sa reconstruction.

Le film Secret Sunshine de Lee Chang Dong

Alors que bien d’autres cinéastes se seraient contentés avec un tel sujet de délivrer une succession de scènes tire-larmes, Lee Chang Dong imprègne son œuvre d’une intensité et d’une authenticité telles que l’on est littéralement pris aux tripes du début à la fin.

Évitant tous les pièges du misérabilisme, le film ne tente pas de faire passer son personnage principal pour une victime, ses réactions pouvant se révéler extrêmement violentes, comme dans cette scène cathartique au cours de laquelle elle perturbe une messe en plein air. A ce titre, le thème complexe du deuil, approché avec beaucoup de sensibilité, s’accompagne d’un propos incisif sur l’endoctrinement religieux. Les sectes se réclament d’une église sont légion en Corée du Sud et le film montre le mécanisme d’emprise mentale dont les personnes en détresse psychologique sont les cibles.

Pour interpréter un personnage dont les humeurs de la jeune femme passent d’un extrême à l’autre, l’actrice Jeon Do Yeon (No Blood No Tears) déploie une palette d’émotions et un langage corporel impressionnants. Elle exprime la souffrance de Shin-Ae de manière très physique, aidée en cela par une mise en scène qui laisse une grande latitude en privilégiant les plans longs. Le rythme du récit n’en est pas pour autant ralenti, contribuant au contraire à renforcer le caractère imprévisible des événements.

Aux côtés de Jeon Do Yeon, on retrouve l’excellentissime Song Kang Ho (The Foul King), dont nous vous avons dit tout le bien que nous pensions dans notre portrait, et dont chaque intervention sonne très juste dans le rôle de ce guy next door très attachant.

Un film à voir en prévoyant un bon paquet de mouchoirs !

Élodie Leroy

Article publié sur Filmsactu.com le 16 octobre 2007

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