Photo Jang Dong Gun et Lee Jung Jae (Typhoon)

Critique : Typhoon, un film d’espionnage ambitieux mais inabouti avec Jang Dong Gun et Lee Jung Jae

Jang Dong-Gun et Lee Jung Jae s’affrontent dans ce thriller d’espionnage prévisible mais efficace. Découvrez la critique du film coréen Typhoon.

ARCHIVE – En Asie du sud-est, un cargo américain transportant un chargement ultra secret est volé par des pirates. Ces derniers ont mis la main sur un système de guidage par satellite du calibre de ceux qui dirigent les missiles nucléaires. Or, les autorités sud-coréennes découvrent que les pirates sont menés par Sin, un dangereux terroriste nord-coréen. Chargé de l’enquête, l’agent spécial Gang tente de faire la lumière sur les circonstances du vol afin de retrouver Sin.

Jang Dong Gun dans le film coréen Typhoon

Le tabou des réfugiés nord-coréens

Réalisé en 2007 par Kwak Kyung Taek, Typhoon orchestre un face-à-face entre deux acteurs très bankable du cinéma coréen : Jang Dong Gun et Lee Jung Jae.

Avec Friend, son œuvre la plus personnelle puisqu’elle est en partie autobiographique, Kwak Kyung-Taek explosait littéralement le box-office coréen en 2001, battant un record détenu jusqu’alors par JSA (Joint Security Area) de Park Chan-Wook. Fort d’un succès critique et public, Kwak s’imposait à l’époque comme l’un des cinéastes les plus prometteurs du Pays du Matin Calme et propulsait du même coup au sommet l’acteur Jang Dong-Gun (Frères de Sang, Coast Guard). Entre Friend et Typhoon, Kwak s’est notamment illustré dans le biopic Champion, l’histoire véridique du boxeur Kim Deuk-Gu, mort en plein combat sur le ring. Destiné à un public dépassant les frontières de la Corée, Typhoon bénéficie d’un budget confortable et marque la seconde collaboration du réalisateur avec la star Jang Dong-Gun qui interprète ici le pirate Sin.

Typhoon s’inscrit dans la vague des blockbusters locaux initiée par Kang Je-Gyu avec Shiri, des films d’action qui jouent la carte du divertissement tout en causant de choses graves.

Lee Jung-Jae dans Typhoon

Débutant comme un polar d’espionnage, Typhoon s’appuie sur un scénario bien ficelé et sur une mise en scène redoutablement efficace, à défaut d’être véritablement novatrice. Ponctué de séquences d’action musclées privilégiant le réalisme et la violence, notamment lors de quelques gunfights survoltés, le film nous emmène au-delà des frontières de Corée pour explorer les réseaux terroristes qui s’étendent de la Thaïlande à la Russie.

Sur la question du terrorisme, Kwak Kyung Taek fait dire beaucoup de choses à ses personnages mais reste finalement en surface quant au fonctionnement de ces groupes armés et aux motivations de ces hors-la-loi prêts à tuer des innocents pour faire se faire entendre. Le véritable sujet du film ne se dévoile qu’à l’issue de la première heure, à l’occasion d’un retour sur la tragédie familiale qui est à l’origine de la haine de Sin.

Comme dans les films précédents de Kwak Kyung-Taek, Typhoon n’est pas exempt de lourdeurs. Qu’il s’agisse des séquences d’action ou des élans dramatiques, la narration se repose sur des effets trop appuyés, à commencer par les interventions d’une composition musicale pesante et redondante avec le récit.

Pourtant, on ne peut rester indifférent au contenu politique mais aussi émotionnel de l’histoire, qui aborde un pan souvent ignoré des conséquences de la guerre de Corée. En vérité, ce n’est pas le drame du passé de Sin qui sert de justification au scénario, mais plutôt le genre du thriller d’espionnage qui sert de prétexte à revenir sur le sujet tabou des réfugiés nord-coréens. Cette question dérangeante fait régulièrement parler d’elle, mais il est assez rare qu’un film s’y intéresse de près.

Si l’écriture des personnages de Typhoon s’avère somme toute assez conventionnelle, le film fait passer quelques messages forts, notamment sur l’indifférence et le cynisme rencontrés par les réfugiés. Qu’importent les quelques débordements lacrymaux qui interviennent vers la moitié du film, le but est atteint lors du flashback particulièrement poignant sur le passé de la famille de Sin, un moment choc qui justifie à lui seul la vision du film.

Le moins que l’on puisse dire est que Sin emploie les grands moyens pour se faire comprendre : le terroriste cherche tout simplement à détruire toute la péninsule coréenne, estimant les deux pays coupables du drame qu’il a vécu.

Lee Jung-Jae face à Jang Dong-Gun

De par son caractère excessif et ses plans pour le moins rocambolesques (dont nous ne dévoilerons rien afin de ne pas gâcher le plaisir), ce sombre personnage aux allures de voyous revenus de tout aurait pu aisément devenir grand-guignol. C’était sans compter avec le charisme et la puissance de jeu et de Jang Dong-Gun, crédible en toute circonstance et véritablement métamorphosé pour le rôle – l’acteur a perdu beaucoup du poids et arbore fièrement tatouages et cicatrices.

Face à lui, Lee Jung-Jae (The Last Witness, Il Mare) trouve le ton juste, adoptant un jeu tout en sobriété sans pour autant s’effacer devant son partenaire. On l’a deviné, Gang et Sin symbolisent les deux Corées prises dans le tourbillon des forces politiques, le premier agissant à contre cœur au nom d’une justice qu’il finit par trouver contestable, tandis que le second justifie ses excès par la rage et la douleur qui l’animent.

L'acteur sud-coréen Jang Dong Gun

Selon une logique très prévisible, l’affrontement des deux hommes se transforme en une histoire d’amitié impossible, amitié qui s’exprime de manière « virile » lors d’un affrontement viscéral à l’arme blanche, une séquence impressionnante qui se déroule en pleine tourmente – le fameux typhon dont parle le titre.

Typhoon n’est pas exempt de poncifs et le discours qui en ressort ne fait pas forcément dans la dentelle – on s’interroge un peu sur la vision de Kwak Kyung-Taek du terrorisme – mais les prestations d’acteur sont solides et le sujet de fond laisse difficilement indifférent.

Elodie Leroy

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