Photo Kang Dong Won et Ha Ji Won (Duelist)

Combat & séduction au cinéma : 9 scènes à revoir

Quelles sont les scènes de combat les plus sexy au cinéma ? De Hollywood à la Corée du Sud, en passant par la Chine, entre un homme et une femme ou entre personnes du même sexe, voici notre tour d’horizon international.

Au cinéma comme dans la vie, le combat est bien souvent l’occasion d’un retour de l’homme à l’état primaire. Cependant, les possibilités de la fiction et notamment du cinéma sont illimitées. Ainsi, certains cinéastes ont imaginé de donner au combat une toute autre signification. Armé ou qu’il se fasse à mains nues, le combat est l’occasion d’un contact physique rapproché, avec parfois une forte connotation érotique.

Premier contact amoureux, jeux de séduction, préliminaires ou même scène de sexe déguisée, dans un film d’action hollywoodien comme dans un wu xia pian chinois, il arrive que les combats d’un film deviennent le moyen pour deux êtres attirés l’un par l’autre de se laisser aller à leurs fantasmes refoulés.

Dans le sageuk d’action Duelist, Lee Myung-Se va très loin dans l’exploitation de cette idée en choisissant de substituer, aux scènes amoureuses, les affrontements martiaux. En Orient comme en Occident, d’autres réalisateurs ont exploré le concept du combat en tant que jeu de séduction, allant de la simple provocation à l’échange torride, sur un ton de la dérision ou avec le plus grand sérieux.

Nous vous proposons une petite sélection de scènes de combat / séduction issues de films destinés à un large public. Ces scènes sont plus ou moins violentes, plus ou moins chaudes, plus ou moins humoristiques, et bien sûr plus ou moins réussies.

Duelist (2005)

Les opposants
Elle : Damo Namsoon (Ha Ji Won)
Lui : Sad Eyes (Kang Dong Won)

Le choix des armes
Elle : deux dagues reliées
Lui : épée

Humour : ++ / Sensualité : +++

Si le scénario de Duelist s’appuie sur une intrigue policière, les amateurs du genre auront compris que la trame principale réside dans l’histoire d’amour de la pétillante Namsoon avec le sublime Sad Eyes. La séquence nocturne dans la ruelle illustre à merveille le concept du combat à caractère érotique. Alors que Namsoon passe tranquillement, déguisée en homme, dans une sombre ruelle, une présence se manifeste soudain derrière elle – situation renversée par rapport à la poursuite qui se jouait auparavant, dont Sad Eyes était la proie.

Avant d’apparaître, précisons que Sad Eyes laisse entendre sa voix, elle-même mixée à la manière d’une voix off afin de renforcer l’intimité qui se crée entre les personnages. L’affrontement qui s’ensuit est explicite sur les intentions du réalisateur : les corps à corps et les regards, les respirations haletantes, la musique envoûtante au diapason avec le rythme du combat, les va-et-vient à travers la zone plongée dans l’obscurité… Cette magnifique scène de combat va jusqu’à intégrer des éléments de tango, danse sensuelle s’il en est et qui se marie ici à la perfection avec les arts martiaux.

Dans Duelist, chaque affrontement entre Namsoon et Sad Eyes contribue à faire avancer d’un pas leur histoire d’amour. Rien que la démonstration au sabre que Sad Eyes effectue en public s’apparente du point de vue de Namsoon à une sorte de parade amoureuse. Le choix des armes participe lui aussi à expliciter leur attirance : Sad Eyes utilise une épée, symbole phallique par excellence, tandis que Namsoon se bat avec deux dagues reliées par un tissus, une arme susceptible d’emprisonner celle de son partenaire. Dans la scène où Namsoon suit Sad Eyes qui quitte le bordel, elle le frappe dans le dos pour l’obliger à répliquer et le jeune homme ne peut s’empêcher de dégainer brutalement. Namsoon le supplie alors presque de la transpercer.

Duelist est l’exemple du film dans lequel les dialogues deviennent inutiles dans l’expression de la passion amoureuse que vivent les protagonistes. Les mouvements des corps parlent d’eux-mêmes, la narration n’est plus seulement visuelle mais sensorielle. Prenant le concept très au sérieux, Duelist est l’œuvre la plus radicale et la plus poétique dans l’exploitation du combat à caractère érotique.

Les Exécuteurs de Shaolin (1977)

Les opposants
Elle : Fang Yong-Chun (Lily Li)
Lui : Hong Xi-Guan (Chen Kwan-Tai)

Le choix des armes
Elle : néant (position de blocage en défense), puis à mains nues
Lui : à mains nues

Humour : +++ / Sensualité : +

Si l’Occident a vu ce concept se développer surtout à partir des années 90, période au cours de laquelle les héroïnes d’action devenaient à la mode, il ne datait pas d’hier en Chine et notamment dans le cinéma de la Shaw Brothers. La nuit de noces de Hong Xi-Guan et Fang Yong-Chun dans Les Exécuteurs de Shaolin en est un charmant exemple.

Quand on se marie et qu’on a la malchance de n’avoir en guise d’amis qu’une bande de gros lourds décidés à gâcher les festivités, il devient difficile pour le jeune marié de réclamer son « dû » quand vient la nuit de noce… Décidée à punir son époux Hong Xi-Guan des taquineries affligeantes de ses amis, Fang Yong-Chun lui lance un défi : ils ne dormiront pas ensemble tant qu’il ne sera pas parvenu à lui écarter les jambes.

D’abord incrédule, notre homme l’avertit qu’il risquerait de la blesser. Mais la belle ne semble point impressionnée par la musculature qu’il fait pourtant valoir fièrement, le torse bombé. Relevant le challenge, le valeureux Hong Xi-Guan a beau s’escrimer de toutes ses forces, son kung-fu ne parvient pas à écarter les jambes de son épouse, laquelle jubile ouvertement. Le jeune marié est condamné à dormir sur le pont (ils sont sur un bateau). Le lendemain, il triche en demandant un tuyau au maître de Yong-Chun, et le soir venu, Yong-Chun se laisse surprendre et capitule. Mauvaise joueuse, la mariée contre-attaque, ce qui donne lieu à un affrontement sur le lit nuptial, combat que nous ne verrons pas dans son intégralité. Le lendemain, Hong Xi-Guan pratique fièrement son kung-fu, il semble animé d’une force nouvelle.

Ce mode de relations hommes / femmes n’a rien de surprenant venant du réalisateur et chorégraphe Liu Chia-Liang. Dans ses films de kung-fu, l’histoire, les enjeux ou encore le développement des personnages se ramènent inévitablement aux arts martiaux. Ainsi, il n’est pas rare que le premier contact de séduction entre un homme et une femme se fasse à travers une confrontation de styles de kung-fu. On pourrait à ce titre citer Les 18 armes légendaires du kung-fu ou encore La Mante Religieuse. Dans Les Exécuteurs de Shaolin, les relations entre les deux mariés avaient d’ailleurs commencé par un combat. Plus tard, les deux époux se chamailleront d’ailleurs constamment sur la valeur de leur kung-fu respectif, et l’histoire aboutira à une fusion de leurs deux styles.

Batman, le Défi (1992)

Les opposants
Elle : Catwoman (Michelle Pfeiffer)
Lui : Batman (Michael Keaton)

Le choix des armes
Elle : fouet, griffes de chat, coups de pied
Lui : main nues, gadgets de Batman

Humour : +++ / Sensualité : +++

Un grand classique du combat érotique !

Selina Kyle (Michelle Pfeiffer) est décidément trop maladroite avec les hommes pour attirer leur attention. Mais lorsqu’elle revêt le costume de Catwoman, le moins que l’on puisse dire est que sa technique de drague devient plutôt… agressive ! Pour rappel, avant sa transformation, Selina avait été déjà rencontré Batman, qui l’avait secourue. Le malheureux avait alors fait l’erreur d’ignorer sa tentative (louable) d’engager la conversation. Il est donc parfaitement normal que Catwoman, n’ayant pas eu droit aux égards qu’elle méritait, se venge.

Leur première confrontation se joue sur le toit d’un immeuble, un toit visiblement brûlant puisque la chatte agresse sans ménagement notre héros dès son arrivée, histoire de le mettre tout de suite dans l’ambiance. Ayant reçu quelques coups de fouet et quelques coups de pied, dont certains bien placés, notre Batman finit par répliquer, mais son esprit gentleman le pousse à retenir ses coups. Jugeant sans doute cette hésitation désuète, notre Catwoman moqueuse n’hésite pas à lui jouer un tour pour le piéger :  » Comment pouvez-vous ? Je suis une femme ! « . Quelques échanges de coups plus loin, Batman manque de la faire tomber de l’immeuble (superbe plan où elle tente de s’accrocher avec ses griffes). Il la rattrape heureusement, ce qui leur permet d’échanger un premier corps à corps au cours duquel la dame entreprend de tâter le terrain, afin de trouver « l’homme derrière le masque »…

La suite, on la connaît. Batman tente quelques jours plus tard de sauver une digne représentante de l’esprit de Noël kidnappée par le Pingouin, mais il s’agit encore une fois d’un piège : Catwoman l’attend, armée de son fouet. Un peu plus tard, alors que Batman a échoué à sauver la mère Noël, Catwoman revient narguer notre héros, qui se trouve être comme par hasard allongé sur le dos à ce moment-là. La suite se passe de commentaire (nous vous renvoyons à l’illustration ci-dessous).

En plus d’être magnifiquement réalisées et éclairées, ces deux scènes sexy sont aussi pleines d’humour, un aspect comique que l’on doit notamment au jeu des acteurs (Michelle Pfeiffer, excellente et inégalée dans le rôle de Catwoman) ainsi qu’aux dialogues croustillants qu’ils échangent. Ici, le combat manifeste les pulsions refoulées des deux protagonistes. Batman, qui n’a guère le temps d’avoir des aventures, découvre avec stupéfaction que ce qu’il considère comme son devoir, et du même coup sa malédiction, peut être source de sensations inattendues.

De son côté, Selina a comme nous l’avons vu refoulé ses désirs pendant trop longtemps. Suite à son premier passage de vie à trépas, elle redécouvre son corps et sa sexualité, laquelle explose littéralement lorsqu’elle prend l’identité de Catwoman. Il lui faudra cependant du temps pour maîtriser ses pulsions et vivre une relation normale dans la vie quotidienne. Bruce Wayne et Selina Kyle auront aussi le loisir de se rencontrer à visage découvert. La scène de danse au cours de laquelle chacun se révèle involontairement est l’une des plus touchantes du film. Ces scènes constituent aussi un bon prétexte pour revoir ce chef d’œuvre de Tim Burton, de loin le meilleur de la franchise.

L’Auberge du Dragon (1992)

Les opposants
Elle : L’Aubergiste Jade (Maggie Cheung)
Elle : Yau Mo-Yan (Brigitte Lin Ching-Hsia)

Le choix des armes
Elle : vêtements, à mains nues
Elle : vêtements, à mains nues

Humour : ++ / Sensualité : +++

Convaincu que le groupe de guerriers venu trouver refuge dans son auberge n’est pas uniquement formé d’hommes, Jade entreprend d’espionner Yau Mo-Yan dans son bain, sans doute pour procéder à quelques vérifications anatomiques. Prise en flagrant délit de féminité, Mo-Yan n’a pas dit son dernier mot et attire de force l’aubergiste dans la salle de bain. Dans cette atmosphère moite, souterraine, hantée par des couleurs chaudes, les deux jeunes femmes se livrent à un duel original qui consiste à s’arracher les vêtements mutuellement, le but du jeu étant d’être plus couverte que l’autre. Jade finira éjectée dehors, entièrement nue.

Si les deux femmes ne se montrent pas indifférentes au charme de Cho Wai-On (Tony Leung Kar-Fai), cette séquence constitue le moment fort en termes d’érotisme de L’Auberge du Dragon. Mentionnons aussi que Yau Mo-Yan passe la plus grande partie du film travestie en homme, ce qui ne semble pas déplaire à son fiancé officiel.

Réalisé par Raymond Lee, L’Auberge du Dragon porte indubitablement l’empreinte de son producteur. A l’esthétique soignée (direction de la photographie par Peter Pau) s’ajoute l’élégance des mouvements qui fait le charme des œuvres wu xia de Tsui Hark.

Les deux comédiennes n’en sont d’ailleurs pas à leur coup d’essai dans l’univers de ce dernier. Dans Green Snake, Maggie Cheung entretenait des relations sulfureuses avec ses trois partenaires. Le moment le plus érotique était bien entendu la scène avec le moine Fa-Hai (Chiu Man-Cheuk), mais on ne pouvait s’empêcher de voir une ambiguïté dans son affrontement avec sa compagne le Serpent Blanc (Joey Wong).

Quant à Brigitte Lin, elle interprétait dans Swordsman 2 le terrible Invincible Asia, un transsexuel qui, une fois devenue femme, tombait amoureuse de l’homme qui n’était autre que son ennemi (interprété par Jet Li), abandonnant du même coup son amante. Invincible Asia revenait dans The East is Red (troisième volet de la trilogie Swordsman) dans lequel les confusions d’identité sexuelle atteignaient des sommets.

Evil Cult (1993)

Les opposants
Elle : Princesse Chao Min (Sharla Cheung Man)
Lui : Cheung Mo-Kei (Jet Li)

Le choix des armes
Elle : une lyre
Lui : à mains nues

Humour : +++ / Sensualité : +

L’enjeu est pourtant simple : Cheung Mo Kei (Jet Li) doit obtenir de la Princesse Chao Min (Sharla Cheung Man) qu’elle lui remette l’antidote qui sauvera ses hommes. Mais la jeune femme, qui n’hésite pas à se qualifier elle-même de « veuve noire », ne paraît guère décidée à coopérer. Filmé en contre-plongée sous un soleil aveuglant, Mo-kei commence dès son arrivée par une démonstration de force (parade amoureuse ?) en mettant au tapis quelques gardes.

De son côté, la jeune femme a entamé son chant de séduction grâce à l’instrument de musique qui lui servira d’arme de combat. Lorsque Mo-Kei la somme de livrer l’antidote, la princesse le questionne d’un air malicieux : « Vous me suppliez ou vous me forcez ? ». Après quelques menaces mutuelles (chacun promet peur et douleur à l’autre), c’est finalement elle qui attaque la première.

S’ensuit un affrontement surréaliste en deux temps. Le premier est marqué par l’attaque musicale de la princesse, qui envoie sur Mo-Kei les cordes extensibles de sa lyre, manœuvrant simultanément l’instrument pour déstabiliser l’adversaire. Ces préliminaires sont entrecoupés de brefs plans sur les yeux séducteurs de la princesse.

Le second temps se définit par un affrontement à mains nues initié encore une fois par la dame. Seul à maîtriser la technique des neuf Yang (une technique forcément virile), Mo-Kei pourrait reprendre le dessus, mais la perverse utilise ses scrupules de gentleman pour faire durer le plaisir. « J’aime ça !« , « Mes pieds vous intéressent ? Il fallait le dire franchement !« . Mo-kei finit par oublier la galanterie et utilise alors l’arme suprême : la déshabiller – partiellement bien entendu. Le désarroi de la princesse est très de courte durée, elle utilise le recours à cette facilité pour ridiculiser encore davantage son ennemi, feignant de croire qu’il veut la forcer à l’épouser.

Outre l’humour charmant qui la caractérise, cette séquence joliment chorégraphiée exploite à merveille la grâce naturelle des deux protagonistes (il est artiste martial, elle est danseuse). L’humour doit quant à lui beaucoup à la timidité de Mo-Kei mais aussi à l’attitude taquine adoptée par Sharla Cheung Man. Pour couronner le tout, signalons que l’actrice interprète aussi la mère défunte de Mo-Kei au début du film… Il s’agit là peut-être de la meilleure scène de Evil Cult, en tout cas la seule scène coquine ayant échappé à la « touche Wong Jing » (qui se traduit par des vulgarités).

Par ailleurs, l’utilisation de l’instrument de musique évoque inévitablement une scène similaire du dessin-animé japonais Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque), réputé pour les fortes connotations sexuelles des combats (entre hommes, surtout). Au cours de la scène en question, un guerrier d’Asgard armé d’une lyre endormait la méfiance de son adversaire avant de l’attaquer avec les cordes de son instrument. Les événements prenaient cependant une tournure autrement plus sadique que dans Evil Cult.

The Bride With White Hair (1993)

Les opposants
Elle : la Louve (Brigitte Lin Ching-Hsia)
Lui : Yi Hang (Leslie Cheung)

Le choix des armes
Elle : fouet, cheveux
Lui : main nues, brindille

Humour : +++ / Sensualité : +++

Jiang Hu (de Ronny Yu) met en scène une brève mais marquante scène de combat / séduction entre la Louve et Tchao Yi-Hang.

The Bride with White Hair: Leslie Cheung et Brigitte Lin

Ils sont ennemis, Yi-Hang appartient au clan du Wu Tang, la Louve œuvre pour les parias bannis du Jiang Hu. Pourtant, les deux protagonistes sont liés par une première rencontre survenue pendant leur enfance. Lorsqu’ils se revoient adultes, c’est le coup de foudre – ils ne savent pas encore qui ils sont l’un par rapport à l’autre. Yi-Hang a l’imprudence de suivre la sorcière jusque dans sa caverne où elle est allée se prélasser un moment dans l’eau pour se détendre. Le décor est fort bien choisi puisque les murs sont tapissés de peintures érotiques.

Lorsqu’elle prend conscience qu’un voyeur l’observe, la Louve ne peut laisser passer un tel affront. Si son arme favorite reste le fouet, elle utilise tout d’abord ses cheveux (une arme redoutable, mais si !) pour attraper le jeune homme et l’emprisonner dans l’eau avec elle. En fait, elle n’utilise pas seulement ses cheveux, si l’on en croit le regard amusé que Yi-Hang jette en direction de l’eau. La réaction ne se fait pas attendre, la Louve se sépare brutalement de lui. Quelques coups de fouets manqués, sans doute exprès, et la belle doit repartir.

Ils se retrouvent quelque temps plus tard au cours d’une bataille opposant leurs deux clans. Ayant l’ordre de le tuer, elle le poursuit frénétiquement, le fouet menaçant à la main. L’a-t-elle reconnu ? A-t-elle réellement l’intention d’obéir aux ordres ou cherche-t-elle à retrouver les sensations qu’il lui a fait découvrir ? L’intrusion de la condisciple possessive de Yi-Hang, qui tire une flèche empoisonnée sur la Louve, les aidera à tomber dans les bras l’un de l’autre. Leur fuite se soldera par la scène sensuelle dans la caverne au cours de laquelle Yi-Hang aspire le poison de l’épaule de celle qui devrait être son ennemie.

La plupart des combats de ce wu xia pian sulfureux portent une double signification. Non seulement les rencontres entre Yi-Hang et la Louve s’apparentent à des jeux de séduction, mais les affrontements faisant intervenir les autres personnages s’avèrent bien souvent ambigus. Ainsi, lorsque les deux siamois (interprétés par Francis Ng et Elaine Lui) se vengent de la trahison de la Louve, ils ont bien évidemment recours à des châtiments corporels sadiques, se délectant de la voir souffrir, de préférence habillée le plus légèrement possible.

Enfin, lors d’un dernier affrontement entre les deux amoureux, un geste de la Louve retiendra particulièrement l’attention : alors que Yi-Hang doute d’elle et la menace de son épée, elle enfonce brutalement l’arme dans son propre corps en le regard droit dans les yeux. Un geste hautement évocateur à la fois émotionnellement (la trahison comme blessure mortelle) et sexuellement (elle lui rappelle leur passé).

Le Masque de Zorro (1998)

Les opposants
Elle : Elena (Catherine Zeta-Jones)
Lui : Zorro (Antonio Banderas)

Le choix des armes
Elle : épée
Lui : épée

Humour : + / Sensualité : +

Belle tentative de combat érotique que cet affrontement entre Zorro (Antonio Banderas) et Elena (Catherine Zeta-Jones), qui utilise aussi la musique pour rythmer la chorégraphie. Dommage que le réalisateur Martin Campbell n’ait pas compris ce qui permettait de maintenir la tension érotique jusqu’au bout : l’absence de véritable gagnant.

Alejandro (Zorro sans masque) avait déjà eu l’occasion de se frotter à Elena lors d’une danse sensuelle au cours de laquelle ils avaient monopolisé l’attention de tous, y compris du fiancé mécontent et surtout du père d’Elena, légèrement intrusif dans cette affaire. Quelques temps plus tard, Zorro dérobe justement un bien précieux au père, comme par hasard, qu’il affronte en même temps que le fiancé au cours d’un combat non dénué d’humour.

Poursuivi, l’homme masqué finit par se réfugier dans l’écurie, dans laquelle Elena l’attend de pied ferme. D’abord réticent, Zorro finit par dégainer, ce qui donne lieu à un plan sur notre héros, le sourire aux lèvres, faisant brusquement apparaître l’épée (symbole phallique) dans le champ. C’est elle qui passe à l’action la première en le provoquant en duel. Le couple glamour se livre alors à un petit jeu qui consiste pour chacun à déchirer les vêtements de l’autre, le tout entrecoupé des cris rageurs de la dame mais aussi de baisers volés. A la fin de la séquence, Zorro ne résiste pas à la tentation de la déshabiller.

Cette séquence utilise habilement les jeux de lumière ainsi que les costumes pour mettre en valeur les sujets. Quant aux comédiens, ils se débrouillent très bien et l’on discerne à peine le recours aux cascadeurs. Le problème de cette scène réside dans son dénouement. L’issue du combat est finalement assez similaire à celle de Evil Cult, à savoir la domination physique de l’homme sur la femme. Mais dans Evil Cult, la femme l’emportait psychologiquement. L’équilibre ainsi conservé ouvrait des perspectives d’affrontements futurs. Dans Le Masque de Zorro, l’issue du combat fait rire, ce qui a pour conséquence fâcheuse de casser la tension érotique, malgré la tentative de recréer cette tension à travers le baiser (trop) hollywoodien qui suit.

Enfin, rappelons que l’histoire se déroule au 19e siècle. On ne peut s’empêcher de trouver peu crédible qu’Elena se remette aussi facilement d’une telle « humiliation », compte tenu de la place fondamentale que la pudeur tenait dans la vie des femmes de bonnes familles à cette époque. Une issue assez vulgaire, donc, et surtout trop contemporaine.

Daredevil (2003)

Les opposants
Elle : Elektra (Jennifer Garner)
Lui : Daredevil (Ben Affleck)

Le choix des armes
Elle : à mains nues
Lui : canne d’aveugle

Humour : ++ / Sensualité : +

A voir pour le fun.

Chorégraphiées par Yuen Cheung-Yan (frère de Yuen Wo-Ping), les scènes de combat de Daredevil sont loin de remporter l’adhésion. Cela dit, le petit jeu de séduction auquel se livrent Elektra et Daredevil lors de leur première rencontre semble tout droit sorti d’une production hongkongaise.

Pour faire un rappel des faits, les présentations se déroulent dans un café où Daredevil fait un brin de causette avec son ami quand soudain, une présence retient son attention : Elektra entre dans la pièce. Après une tentative de drague pour le moins ratée, Elektra quitte les lieux, laissant toutefois une ouverture suffisante pour que son prétendant se sente autorisé à faire appel. Nous les retrouvons ensuite dans un jardin d’enfants. Le combat n’est pas très équitable au départ : il est aveugle, elle voit de ses deux yeux. En revanche, il est armé puisqu’il se sert de sa canne d’aveugle (symbole phallique, encore une fois)… Au cours de leur affrontement surréaliste, les deux adversaires ne manquent pas de prendre quelques poses de danse.

Le décor de cette séquence aurait certes gagné à bénéficier d’une atmosphère plus intime. Un jardin d’enfants avec des gamins qui encouragent tout autour… Quel meilleur tue-l’amour pouvait-on imaginer ? Les deux opposants se retrouveront un peu plus tard sur le toit d’un immeuble, chacun dans leur tenue (SM) de superhéros, pour un affrontement plus violent. Mais c’est paradoxalement le meurtre de la jeune femme par le Tireur (Colin Farrell) qui aura la connotation sexuelle la plus évidente.

Mr and Mrs Smith (2005)

Les opposants
Elle : Mrs Smith (Angelina Jolie)
Lui : Mr Smith (Brad Pitt)

Le choix des armes
Elle : un peu de tout (flingues, lames, à mains nues…)
Lui : un peu de tout (flingues, lames, à mains nues…)

Humour : +++ / Sensualité : ++

Le mariage, c’est pas facile tous les jours. Il arrive toujours un moment où les époux traversent une de ces énormes crises pouvant se transformer en véritables mises à l’épreuve du couple. C’est ce qui frappe John Smith et Jane Smith, qui consultent ensemble puis chacun de leur côté un thérapeute afin de laisser sortir leur colère et leur désarroi. Comme dans tous les couples, chacun a ses petits secrets. Mais dans le cas de M. et Mme Smith, les secrets prennent des proportions pour le moins inédites : ils sont tous les deux tueurs professionnels et chacun cache son activité à l’autre.
Après la découverte du pot au rose, le couple s’affronte une première fois par voiture interposée, tout cela parce que Jane a mal interprété une balle perdue envoyée par John – il n’avait pas fait exprès de lui tirer dessus. Mais il était trop tard, la guerre était déclarée.

Mr and Mrs Smith n’est pas le premier film a mettre en scène un couple ennemi. C’est en revanche l’un des plus explicites sur la connotation sexuelle de l’affrontement. Avant le combat décisif, les deux époux s’affrontent à travers un tango, l’occasion pour chacun de fouiller l’autre, juste au cas où (M.Smith oublie juste de se fouiller lui-même). Le combat qui nous intéresse se déroule dans leur foyer.

Les hostilités commencent par une agression de Mme Smith, décidément amateure du rentre-dedans en voiture, à l’encontre de son époux visiblement scandalisé. Après que sa femme a pris possession de leur luxueuse demeure (qu’elle avait peut-être l’intention de garder après le divorce), M. Smith s’y introduit par effraction afin d’accéder à ses munitions. Comme pour montrer à quel point cette scène révèle le vrai visage de leur union, M. Smith utilise le verre recouvrant la photo de mariage comme miroir pour trouver la cachette de son épouse.

Une fois chacun découvert, le combat se déroule en deux temps. La maison est d’abord le théâtre d’une fusillade impressionnante qui s’assortit de quelques piques et se solde par des explosions. Le second temps consiste en un affrontement sauvage à mains nues : il faut crever l’abcès. Véritable déchaînement de rage, ce combat varie les positions (ils sont tour à tour au-dessus, elle le coince entre ses jambes), met à contribution les éléments du décor (vases, canapé) et s’accompagne de quelques répliques savoureuses (« Come to Dad ! » – « Who’s your daddy now ? » / « Viens voir Papa » – « C’est qui, le papa, maintenant ? »). L’issue du combat ? Ils se retrouvent enfin. Les voisins, eux, ont de quoi porter plainte pour tapage nocturne.

Cette scène de combat pleine d’humour relève ainsi d’abord du règlement de compte conjugal puis de la redécouverte pour chacun du désir qu’il ressent pour le corps de l’autre. Une scène très fun qui tire bien entendu parti de l’image glamour de ses interprètes.

Arts martiaux et séduction : le bilan

S’il fallait relever un schéma de relation récurrent dans toutes ces joutes érotico-martiales, ce serait la présence d’un enjeu extérieur privant les deux combattants de la possibilité de vivre leur passion amoureuse. C’est le cas dans Duelist, où les deux jeunes gens sont opposés par la Loi, tandis que dans Jiang Hu, la séparation tient à une guerre de clans. Dans les deux cas, on peut associer à la Loi ou à l’autorité du clan la valeur symbolique d’autorité paternelle, comme en psychanalyse, notamment en ce qui concerne les personnages féminins. D’ailleurs, dans les deux films, les héroïnes ont dans leur entourage un homme qui les surveille – le personnage bienveillant interprété par Ahn Sung Ki dans Duelist, qui veille sur la jeune fille en tant que mentor, et le siamois désaxé joué par Francis Ng dans Jiang Hu, qui nourrit une obsession malsaine à l’égard de la mariée aux cheveux blancs.
Dans Batman le défi, Catwoman est également séparée de Batman par la Loi puisqu’elle cherche à accomplir sa propre vengeance envers Max Shrek (encore un homme de pouvoir, qui plus est son patron !), ce qui la pousse à choisir le mauvais camp par stratégie.

Le combat peut cependant aussi exprimer avec dérision la difficulté de communication entre deux personnes. L’exemple-type est bien entendu la guerre conjugale qui se joue dans Mr and Mrs Smith, et qui associe à la rivalité entre les intérêts qu’ils servent la crise de couple qui se joue entre les deux époux. La bagarre de la nuit de noces des deux jeunes mariés des Exécuteurs de Shaolin relève peut-être elle aussi d’un besoin pour l’épouse de faire passer un message à son mari. Enfin, le combat permet aussi tout simplement d’exprimer un coup de foudre et le désir fulgurant entre deux êtres autrement que par les voies mille fois explorées au cinéma. C’est le cas dans Daredevil, Batman le Défi, Le Masque de Zorro, Duelist ou même L’Auberge du Dragon.

Les opposants utilisent le plus souvent des armes blanches mais le combat à mains nues semble être celui qui laisse le plus de possibilités de corps à corps. Parmi les instruments récurrents, les femmes semblent aussi affectionner tout particulièrement le fouet (Jiang Hu, Batman, le défi) tandis que les hommes multiplient les symboles phalliques pour affirmer leur virilité (le sabre de Sad Eyes, les armes de Daredevil, Mr Smith et son fusil à pompe, Zorro dégainant son épée de manière évocatrice). La tenue de cuir semble être de rigueur pour les héros modernes décidés à faire des rencontres nocturnes sur les toits, pour les femmes (Catwoman, Elektra) comme pour les hommes (Daredevil, qui fait preuve d’excentricité en choisissant une autre couleur que le noir).

Autre élément récurrent : la danse, elle intervient presque toujours d’une manière ou d’une autre. Lorsque les protagonistes en ont l’occasion, danser constitue pour eux l’occasion idéale de faire connaissance (Le Masque de Zorro), de séduire l’être désiré (Batman, le défi) ou même de faire monter la sauce avant l’affrontement (Mr and Mrs Smith).

Si aucune occasion ne se présente, la danse risque fort d’être directement intégrée au combat ou même fusionnée avec les arts martiaux. La scène de combat de Daredevil n’invente rien en interrompant régulièrement l’affrontement par des postures de danse, ce genre de duos ayant déjà largement été exploré dans le cinéma de Hong Kong (Evil Cult avait recours au même procédé). Les combats de Duelist sont plus novateurs dans l’utilisation des mouvements de tango, qui fusionnent de manière inédite avec les mouvements d’arts martiaux. Et comme on danse rarement sans musique, le combat s’accompagne bien souvent de morceaux appropriés. C’est le cas dans Duelist, Mr and Mrs Smith ou encore Le Masque de Zorro. L’originalité de Evil Cult est à ce titre d’avoir intégré directement la musique à la scène, allant jusqu’à faire intervenir l’instrument dans le combat.

On pourrait répertorier bien d’autres scènes de combat traduisant un jeu de séduction voire chargés d’une forte connotation sexuelle. Nous aurions pu à ce titre évoquer le duel final de Intimate Confessions of a Chinese Courtesan (Chu Yuan) et sa dimension castratrice pour l’une des protagonistes, mais cela nous aurait obligés à dévoiler la fin d’un superbe film. Black Mask met aussi en scène un combat ambigu entre le héros (Jet Li) et sa disciple (Françoise Yip). Dans X-Men (Bryan Singer) se tient également un affrontement sulfureux entre Wolverine (Hugh Jackman) et Mystique (Rebecca Romijn), une dimension essentiellement exprimée à travers les poses aguicheuses de la jeune femme et les œillades qu’elle lance à son adversaire.

D’autre part, la sélection aurait aussi pu s’étendre aux combats à distance et intégrer ainsi le duel sensuel entre Kass (Alice Taglioni) et Marcelli (Benoît Magimel) par Mirages 2000 interposés dans Les Chevaliers du Ciel (Gérard Pirès). Enfin, il arrive que la violence au cinéma soit chargée d’ambiguïté sans pour autant qu’il y ait de combat direct entre les deux protagonistes. On pense notamment à The Blade (Tsui Hark), pour la scène au cours de laquelle Tête d’Acier (Moses Chan Ho), provoqué par la prostituée (interprétée par Valerie Chow), se défoule de manière évocatrice sur un guerrier qui l’invitait à boire. De même dans Azumi 2 (Shusuke Kaneko), le meurtre de Nagara (Yuma Ishigaki) par Kozue (Chiaki Kuriyama) trahit des intentions perverses de la jeune fille – le film possède plus d’une référence au sado-masochisme. La liste est longue, libre à chacun de laisser travailler son propre imaginaire…

Elodie Leroy

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