Welcome to Dongmakgol : interview de Park Kwang Hyun

Invité du Festival Paris Cinéma en juillet 2006, le réalisateur coréen Park Kwang Hyun, 29 ans, venait présenter son premier film, Welcome to Dongmakgol, succès surprise de 2005 en Corée avec plus de 8 millions d’entrées au terme de son exploitation en salles. Le film était projeté deux soirs de suite au MK2 Quai de Loire, suivi à chaque fois d’une session de questions-réponses entre le réalisateur et les spectateurs. Détendu et souriant, Park Kwang Hyun a accepté de répondre à nos questions le dimanche 9 juillet, évoquant la genèse du film, ses partis-pris en tant que réalisateur et les nombreuses difficultés rencontrées lors du tournage.

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Caroline Leroy : Comment avez-vous été amené à travailler sur Welcome to Dongmakgol qui est une adaptation d’une pièce de Jang Jin ?
Park Kwang Hyun : J’avais travaillé sur un projet de court-métrage avec l’auteur original, Jang Jin, environ deux ans avant le film (NDLR : il s’agit du segment My Nike du film No Comment). C’est à cette époque que l’on a commencé à se dire qu’on pourrait travailler ensemble sur un long-métrage car il était satisfait de cette collaboration avec moi. Il avait fait une première mouture du scénario de sa pièce de théâtre et me l’avait proposée. Mais ce n’est pas comme si le scénario existait déjà, qu’il était déjà prêt et que je n’avais eu qu’à l’adapter.

Le réalisateur Park Kwang Hyun de Welcome to Dongmakgol
Le film est aussi produit par Jang Jin et certains acteurs font partie de sa troupe de théâtre, comme Shin Ha Gyun. Avez-vous eu votre mot à dire sur le casting ?
On ne peut pas mettre les acteurs de force sur un film et pour ma part, je ne les aurais pas acceptés s’ils m’avaient été imposés. J’ai donné mon scénario à des stars et la plupart ont refusé. Je crois même que le scénario est tombé entre les mains de tous les acteurs connus de Corée et qu’il était réputé pour être refusé par tous. Jang Jin avait travaillé avec certains des comédiens auparavant et nous avons bien sûr fait appel à eux mais cela ne concerne que deux acteurs, Shin Ha Gyun et Im Ha Ryong, qui ont pris les mêmes rôles que ceux qui leur étaient destinés dans la pièce. Les autres ont été sélectionnés à l’issue d’un casting.

Peut-on considérer le village du film comme une utopie ? Ses habitants sont coupés du reste du pays, ils ne connaissent pas la notion de hiérarchie ni les armes à feu et vivent dans une harmonie parfaite. Est-ce une façon de porter un regard critique sur le monde tel qu’il est devenu ?
Je ne peux pas dire par exemple que je cherchais à critiquer les armes avec ce film et c’est d’ailleurs l’une des questions que je pose au spectateur, c’est à lui de se faire une idée. Ma tâche consiste justement à faire ressentir quelque chose au spectateur. Ce que je souhaitais montrer à travers ce village, c’est qu’il est indépendant et vraiment très libre par rapport à la violence et à la guerre puisqu’il n’en a jamais entendu parler. Comme je le dis dans le film, « Dongmakgol » signifie en coréen « le village qui vit comme un enfant », c’est-à-dire un village vraiment insouciant, un paysage utopique, paradisiaque. Je voulais montrer des gens qui avaient la naïveté et la pureté des enfants. Des personnes au contact desquelles les hommes qui sont habitués aux armes les abandonnent.

Ryu Deok Hwan dans Welcome to Dongmakgol
On a aussi l’impression, lorsque les soldats arrivent dans le village, qu’ils sont emprisonnés dans leurs uniformes : tant qu’ils les portent, ils ne pourront jamais s’entendre et être libres.
C’est exactement ça !

Votre vision des choses est très onirique, beaucoup de scènes naviguent entre rêve et réalité. Pourriez-vous nous parler plus particulièrement de cette incroyable scène du sanglier, qui est totalement surréaliste et qui semble être le pivot du film ?
Il s’agit d’un procédé assez classique au cinéma : quand des gens ne s’entendent pas, on essaie de trouver un ennemi tiers afin qu’ils s’unissent dans l’adversité. Je souhaitais utiliser ce procédé mais de manière plus ludique, d’une façon que l’on n’aurait jamais vue auparavant. J’ai donc interprété cette scène comme une fête davantage que comme une catastrophe qui arriverait aux villageois. Mon but n’était pas de faire quelque chose de réaliste mais de créer une scène hypnotique, fantastique, pour que les spectateurs s’amusent plutôt qu’ils ne s’interrogent sur son réalisme. J’ai écrit ce scénario en 2002 et c’était l’époque, tout comme maintenant, de la Coupe du monde en Corée du Sud. Tous les Coréens étaient unis autour de cet événement et au-delà d’une fête nationale, c’était aussi une fête internationale. Je voulais que ce sentiment rejaillisse dans cette scène.


Quel est le plus grand challenge que vous ayez rencontré durant ce tournage ? J’ai entendu dire que la construction du village avait été particulièrement difficile à réaliser.
Le film a bien marché commercialement mais il est vrai que nous avons rencontré énormément de difficultés avant de le faire. A l’époque, les investisseurs étaient très frileux et personne ne voulait s’engager sur ce projet qui suscitait beaucoup de perplexité. Comme notre budget était vraiment restreint, le plus difficile a été de trouver les lieux adéquats. Bien sûr, nous avions dans l’espoir qu’une collectivité locale nous invite à tourner le film gratuitement et il n’y a finalement qu’une collectivité du nom de Pyongchang-goon qui nous a émis un avis favorable. Le problème, c’est lorsqu’on s’est rendu compte qu’il s’agissait d’une ancienne mine au fond de la montagne, dont tout le sol était couvert de restes de charbon. Tous les arbres que l’on plantait mourraient très vite. Je me souviens en particulier d’une scène particulièrement pénible durant laquelle tous les membres de l’équipe avaient beaucoup de mal parce qu’ils étaient contraints de respirer de la poudre de charbon. Il était déjà difficile, avant le tournage, de récréer toute cette atmosphère aride et les choses ne se sont pas arrangées avec le tournage, au cours duquel tout le monde a beaucoup souffert. On ne s’en rend pas compte en voyant cette scène-là car elle est vécue comme quelque chose de magique et de très beau à l’écran. Pour ce qui est du grand arbre que vous voyez dans le film, à l’origine nous voulions mettre un arbre gigantesque qui apparaisse comme une métaphore de Dieu or cette impression s’est avérée particulièrement difficile à créer.


Welcome to Dongmakgol est l’un des plus gros hits de l’année 2005. Vous attendiez-vous à un tel succès ou aviez-vous au moins le sentiment que le film serait bien reçu du public ?
Non, bien sûr, même les plus grands réalisateurs ne peuvent jamais prévoir le succès d’un film, donc vous imaginez, pour un premier film ! Je ne m’y attendais pas du tout. Ma femme était allée consulter une sorte de diseuse de bonne aventure, en moins bizarre, un genre de personne dont il n’existe pas d’équivalent ailleurs qu’en Corée. Cette femme lui avait dit que le film marcherait bien (rires). C’est amusant parce qu’il y a eu tout de même énormément de problèmes avant et pendant le tournage, comme la carcasse de l’avion qui s’était envolée et avait tout détruit sur son passage, mais à chaque fois qu’une catastrophe survenait sur le plateau, je me disais qu’il fallait y croire et que tout allait bien se terminer (rires).

Êtes-vous déjà sur un nouveau projet ?
Oui, je suis en train d’en écrire le scénario en ce moment. C’est drôle car je n’aime pas du tout les films de guerre et j’en ai fait un, je n’aime pas non plus les films d’action mais mon prochain film sera un vrai film d’action. Quand je dis vrai film d’action, j’entends par là que j’espère me démarquer nettement des films d’action traditionnels coréens. Ce sera quelque chose de très différent.

Propos recueillis par Caroline Leroy

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