Critique : Black, drama coréen macabre avec Song Seung Heon

par Caroline Leroy

La série Black nous entraîne dans une sombre enquête au frontières de l’au-delà. Si l’ensemble est inégal, il laisse néanmoins échapper quelques fulgurances. 

Quelques années après Vampire Prosecutor, la chaîne OCN renoue avec le genre du thriller fantastique mâtiné de créatures surnaturelles. Cette fois, ce ne sont plus les vampires, mais les fantômes et autres avatars de la mort qui s’en mêlent. Cependant, s’il est une raison, une vraie, de voir Black, c’est avant tout pour Song Seung Heon, son interprète principal, qui nous épate avec un personnage à la fois cool, touchant et furieusement drôle à ses heures. Dommage que l’actrice Go Ara ne se montre jamais à la hauteur pour lui donner la réplique. On regrette d’autre part que le scénario présente un caractère un peu confus dans sa première partie. Des défauts qui ne doivent pas vous empêcher de tenter l’aventure.

Song Seung Heon dans le drama coréen Black

Tandis qu’il enquête sur le cadavre d’un homme découvert en forêt, Han Moo Gang (Song Seung Heon) fait la connaissance de Kang Ha Ram (Go Ara), une jeune femme qui a le don de voir les ombres de la mort. Les deux conviennent de faire équipe afin de sauver des vies, mais Moo Gang est tué peu de temps après, au hasard d’une prise d’otages. Sa mort est confirmée par son ex-petite amie, la médecin Yoon Soo Wan (Lee El). A la surprise générale, et notamment de son partenaire Na Gwang Gyun (Kim Won Hae), il fait son retour au commissariat comme si de rien n’était. En réalité, le corps de Moo Gang est possédé par un grim reaper qui se fait appeler Black. Ce dernier approchera lui aussi Ha Ram, mais il semble animé par des intentions peu claires.

Diffusé entre le 14 octobre et le 10 décembre 2017, Black est l’avant-dernier titre du superbe line-up de thrillers que nous a offert la chaîne câblée OCN pendant toute l’année. Ce drama coréen fantastique en 18 épisodes a été imaginé par la scénariste Choi Ran, à qui l’on doit les inoubliables Iljimae et God’s Gift – 14 Days. Il est réalisé par Kim Hong Sun, qui a dirigé l’excellent Voice ainsi que Liar Game, le remake coréen du drama japonais culte.


Avec son mélange de polar poisseux et de fantastique tendance macabre, Black démarre sous les meilleurs auspices, en digne thriller OCN qu’il est. Les protagonistes principaux étant tous deux reliés au monde des morts, le drama propose sa propre mythologie de l’au-delà, qui sera développée tout au long de l’intrigue. Une mythologie peuplée de diverses créatures plus ou moins inquiétantes, et relayée par des effets spéciaux réussis.

A l’issue du premier épisode, plutôt efficace, on est déjà en train de faire la connaissance du substitut de Han Moo Gang, j’ai nommé Black le grim reaper – « la Grande Faucheuse » en français, mais je m’abstiendrai de féminiser notre homme viril. Car oui, Black, ou « 444 », est à la hauteur de son nom. Il est cool, il est classe, il en jette.


Soyons clair : le premier mérite de Black est d’être parvenu à me faire changer radicalement d’avis sur Song Seung Heon. De Autumn Tale à Time Slip Dr. Jin, je n’ai jamais eu une grande estime pour ses compétences d’acteur jusqu’à présent. Cette année, pourtant, il a su me surprendre avec ses prestations inspirées, la première dans le très beau Saimdang, Light’s Diary, et la seconde dans le drama qui nous occupe, Black.

Car l’atout majeur de Black est bien contre toute attente Song Seung Heon lui-même. Dans la peau de Han Moo Gang, il interprète un flic maladroit, qui vomit devant le moindre cadavre et sape le travail de ses collègues. Derrière ses airs un peu benêts, Moo Gang mène en réalité une enquête à l’insu de ses collègues et de ses proches. Une fois possédé par Black, il opère toutefois un virage à 180 degrés en termes de personnalité. Ce qui aurait pu être caricatural offre au contraire un changement de ton salvateur.


Avec ce personnage décalé, Song Seung Heon introduit brutalement un humour irrésistible dans un drama très sombre par ailleurs, si l’on excepte quelques personnages secondaires un peu bouffons. Venu tout droit du monde des morts, Black ne connait en effet rien au monde des humains. Désinvolte, sans-gêne à un point invraisemblable, Song Seung Heon se prête à des gags de situation hilarants en laissant loin derrière lui son image d’éternel romantique. Ces séquences comiques resteront jusqu’à la fin parmi les moments les plus mémorables de Black.

En dehors de ces scènes, Black peine cependant à démarrer pour de bon. L’intrigue de fond donne l’impression d’être décousue dans les premiers épisodes. Le scénario manque de focalisation, comme on l’observe notamment dans l’épisode 7, où trop de temps est consacré à une histoire annexe au détriment des personnages principaux, dont on ne sait toujours pas grand-chose. L’intrigue manquant de mystère et de continuité, on peine à s’attacher aux protagonistes à l’exception de Black.


Il faut dire que comme à son habitude, Go Ara se retrouve à camper un personnage très stéréotypé, qui ne lui pose guère de challenge. Les rôles de gentilles gaffeuses un peu puériles, elle connaît. Même si elle fait mieux que dans Hwarang, the Beginning – ce qui n’est pas trop difficile –, elle est loin d’en imposer. Jouant presque constamment en apnée, elle déclame ses répliques sans nuance, avec un débit de mitraillette, telle une débutante. Le personnage de Kang Ha Ram perpétue d’autre part le cliché voulant que les femmes sont davantage possédées par leur don qu’elles ne le possèdent.

Quoiqu’il en soit, Black rompt avec la tradition des précédents thrillers d’OCN en injectant une romance dans son intrigue, et ce n’est peut-être pas la meilleure initiative. Voir Go Ara appeler Song Seung Heon « oppaaa » avec un air et une voix de petite fille n’est pas forcément le spectacle auquel s’attend le fan des thrillers hauts de gamme de la chaîne.


D’autre part, je reste pour une fois dubitative devant les parti-pris formels d’un drama d’OCN. Comparé aux splendides cinématographies de Voice et de Duel notamment, Black se montre visuellement inégal. Si les séquences nocturnes offrent de jolis contrastes qui collent à l’atmosphère « noir » du drama, l’esthétique crade gorgée de jaune verdâtre qui domine certaines scènes n’est pas du meilleur effet.

Outre la prestation de Song Seung Heon, Black se rattrape en partie avec un scénario qui gagne en complexité et en mystère à partir du neuvième épisode. On reconnaît là enfin le talent de la scénariste Choi Ran qui avait su nous emmener exactement où elle le voulait avec l’excellent God’s Gift – 14 Days. Comme dans ce dernier drama, les réponses aux grandes questions se trouvent dans le passé, dans les entrailles d’une petite ville de province, et les apparences sont une fois de plus trompeuses, pour le plus grand bonheur des amateurs d’énigmes. Je n’en dirai pas plus afin de ne pas gâcher la surprise aux spectateurs intéressés.


A ce titre, il me semble indispensable de mentionner l’affaire de l’incendie de Moojin, évoquée dès le début de Black. Celle-ci fait référence au scandale de l’effondrement d’un gigantesque building qui a eu lieu dans cette ville en 1995, entrainant la mort de 502 personnes et les blessures de plus de 900 autres.

Dans le drama, l’événement est déplacé à l’année 1997 et provoque la mort de centaines de lycéens. L’affaire de Moojin étant un scandale de corruption, on devine que la scénariste a souhaité y mêler des éléments du naufrage du ferry Sewol, qui traumatisa la Corée du Sud en 2014. Elle ancre ainsi intelligemment son récit fantastique dans l’Histoire, la vraie, avec un regard critique qui lui confère davantage de relief et d’émotion.


Black bénéficie aussi de performances convaincantes de la part de ses acteurs secondaires. Kim Won Hae (While You Were Sleeping), encore lui, est remarquable en flic brut de décoffrage qui ne s’est jamais remis de la mort de son ancien amour.

Kim Dong Joon, idole du groupe ZE:A qui a fait ses premières armes d’acteur en 2012 dans le film A Company Man aux côtés de So Ji Sub, fait preuve d’un grand naturel et se révèle être le meilleur partenaire pour Go Ara dans le drama. Enfin, Lee El, actrice suave et intrigante, très en vogue depuis Goblin (on l’a vue récemment dans Hwayugi), est émouvante en femme amoureuse au passé trouble.

Il est par ailleurs amusant de retrouver, d’un thriller OCN à l’autre, les mêmes acteurs de second plan, tels que Lee Cheol Min, qui fait encore le brave flic comme dans Duel, ou Lee Hae Young, dans un rôle aussi peu reluisant que dans Voice et dans Duel, et bien sûr Jo Jae Yoon dans Save Me.

Caroline Leroy

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