Le drama coréen Live

Critique : Live, un drama réaliste et touchant sur le métier de policier

Disponible sur Netflix, Live est un drama quasi documentaire sur le quotidien de la police coréenne et offre à l’acteur Lee Kwang Soo l’un de ses meilleurs rôles.

Lee Kwang Soo et Jung Yu Mi endossent l’uniforme des forces de l’ordre dans Live (라이브), un drama policier qui s’affranchit des codes du genre pour nous immerger dans le quotidien mouvementé des agents de police de proximité. Servi par une écriture solide et une mise en scène virtuose, Live est un drama intelligent, touchant et parfois choquant, dont chaque situation sonne vrai et chaque rebondissement fait réfléchir sur les risques et les souffrances du métier d’agent de police. A découvrir d’urgence sur Netflix.

Lee Kwang Soo dans le drama Live

Les policiers, des êtres humains comme les autres

Diffusé sur tvN du 10 mars au 6 mai 2018 et disponible sur Netflix depuis le 17 mai 2018, le drama coréen Live n’est pas une série policière comme les autres. Les personnages ne sont pas tirés à quatre épingles comme dans Les Experts et ne débarquent pas juste à temps, tels des superhéros de la police, pour sauver une femme en détresse comme dans Esprits Criminels. Leurs tourments ne sont même pas aussi fascinants que ceux des personnages de thrillers coréens. Non, les personnages de Live sont comme vous et moi, des êtres humains, à ceci près qu’ils ont choisi de travailler dans les forces de l’ordre.

En rêvaient-ils depuis leur plus tendre enfance ? Non. Les jeunes gens que nous suivons dans les premiers épisodes sont des trentenaires en échec, qui ne parviennent pas à trouver leur place, et qui ont vu dans cette carrière en uniforme un moyen de sortir du pétrin. Comme Sang Soo (Lee Kwang Soo), chômeur dont la vie stagne sur tous les plans et qui aperçoit par hasard un appel à candidatures pour une formation de policier. Ou Jeong-O (Jung Yu Mi), qui ne parvient pas à affronter la compétition effrénée qui domine le monde du travail et veut prouver qu’elle est aussi compétente que les hommes.

En intégrant leur formation, ils apprendront la discipline, la ténacité et le dépassement de soi. En rejoignant la police, ils découvriront le sens du devoir et ce que signifie vraiment être au service des citoyens. Mais pourront-ils supporter le poids de leurs responsabilités et le manque de reconnaissance de leur profession ? D’ailleurs, qu’est-ce que le sens du devoir ?

Le baptême cruel des nouvelles recrues

Ces personnages sont entre de bonnes mains : celles de la scénariste Noh Hee Kyung et du réalisateur Kim Kyu Tae, dont Live est la cinquième collaboration après Worlds Within…, Padam Padam, That Winter, The Wind Blows et It’s Ok, That’s Love. La scénariste a déjà prouvé dans le magnifique It’s Ok That’s Love, qui s’intéressait à la psychiatrie, un don remarquable pour saisir les enjeux, les difficultés et les souffrances liées à un métier au service des autres.

Si le drama It’s Ok That’s Love sensibilisait sur les maladies mentales et sur l’utilité de la psychiatrie, Live dresse un constat alarmant sur les risques physiques et psychosociaux auxquels sont exposés les policiers.

Comme It’s Ok That’s Love, le drama Live adopte le style de la tranche de vie et se caractérise par une volonté, de la part du réalisateur, d’offrir un rendu très réel des situations. Live est extrêmement bien documenté sur le quotidien et les procédures de la police, mais aussi sur les états émotionnels par lesquels passent les policiers, apprentis comme seniors, qui risquent leur vie et reçoivent bien peu de soutien de leur hiérarchie.

Nos apprentis, qui commencent en bas de l’échelle, devront apprendre à se comporter dans des situations aussi diverses que le règlement d’un conflit entre voisins, l’accueil au commissariat d’une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer ou bien le recueil du témoignage d’un gosse de riche menaçant de faire intervenir ses parents. Ils apprendront que la violence peut surgir n’importe où et être commise par n’importe qui, y compris par des mineurs sur les personnes âgées.

Des premières insultes par des citoyens bourrés à la découverte du premier cadavre, en passant le premier coup de cutter, le premier lynchage médiatique ou la première fusillade qui emporte parfois un collègue, le baptême de ces policiers débutants est rude, parfois cruel.

Le drama coréen Live

La réalisation de Kim Kyu Tae est brillante. Il suffit de voir, dans l’épisode 4, la manière dont il saisit l’effervescence d’un commissariat à travers un simple plan-séquence d’une minute, qui nous balade dans la pièce principale où se déroulent plusieurs échanges et interrogatoires.

Si la belle chanson Carry Me de Family Of The Year vient souvent mettre l’emphase sur l’émotion, participant à insuffler une véritable unité narrative à la série, le réalisateur utilise des effets minimalistes dans les moments les plus graves ou même dans les scènes d’action, qui n’ont nul besoin de recourir à des musiques anxiogènes pour avoir un impact. C’est souvent l’effet inverse qui se produit : quand la musique s’arrête, le sentiment de réalisme nous saisit aux tripes, comme dans ce moment glaçant où Jeong-O reste tétanisée quelques secondes devant une femme ensanglanté rampant au sol (épisode 3), tandis que ses collègues lui parlent tout à fait normalement.

On retiendra également cette scène choc où une dizaine de flics encerclent un tireur fou en pleine rue mais sont contraints de rester planqués derrière leurs véhicules (épisode 16). Le point de vue adopté n’est jamais choisi au hasard et a toujours un sens par rapport au vécu des personnages et aux messages transmis par le drama.

Les scènes de la vie de tous les jours, les moments de rigolade entre collègues et les intrigues romantiques apportent une touche de légèreté bienvenue et nous permettent de respirer entre les moments de gravité ou de violence. Live n’est pas un drama plombant, loin de là. La scénariste sait nous accorder quelques moments de divertissement. La série transmet tout de même quelques messages progressistes sur des sujets de société, notamment sur les droits des femmes, à travers plusieurs affaires abordées avec intelligence, sensibilité et sans leçon de morale trop appuyée.

Le meilleur rôle de Lee Kwang Soo

Qu’ils soient masculins ou féminins, les personnages forment un petit univers très attachant et brassent plusieurs générations, entre les 25-35 ans qui apprennent le métier, les 40-50 ans qui ont déjà eu le temps de concevoir de l’amertume et ceux qui approchent de la retraite et tentent de rester philosophes. Les rapports entre les générations constituent l’un des points forts de l’écriture des personnages, auxquels ils apportent énormément de relief.

La confrontation de Sang Soo avec Oh Yang Cheon, qui est son coach dans le premier épisode et devient son mentor par la suite, est l’un des premiers nœuds de l’histoire et fait grandir les deux personnages. On aime également le touchant duo formé par Sam Bo (Lee Eol), flic désabusé et proche de la retraite, et Hye Ri (Lee Joo Hyung), jeune policière un peu arrogante qui rêve de travailler sur de véritables affaires criminelles.

L’ensemble des acteurs mérite qu’on lui rendre hommage. Lee Kwang Soo (Busted!, Confession) trouve le rôle le plus difficile de sa carrière à ce jour, celui d’un homme lambda qui trouve peu à peu sa vocation en passant par de multiples états émotionnels, qu’il aborde avec une grande sincérité. Jung Yu Mi (Dernier Train pour Busan) se révèle également très juste dans le rôle d’une jeune femme dont les convictions sont mises à l’épreuve. Les deux personnages traversent des questionnements existentiels, mais sont aussi témoins des difficultés de l’autre, et c’est ce qui rend leur relation touchante.

L’un des personnages les plus marquants est Oh Yang Cheon, l’entraîneur qui terrorise les jeunes dans le premier épisode, mais qui devient l’un pilier de leur univers professionnel. Du flic désabusé et sévère avec ses subordonnés, à l’époux tombant des nues lorsque sa « noona » lui annonce leur séparation, en passant par le fils plein de rancœur envers son vieux père (Lee Soon Jae), Oh Yang Cheon est un personnage plus vrai que nature, dont les multiples facettes prennent vie grâce aux incroyables nuances de jeu de Bae Sung Woo (The Great Battle). Son discours dans l’épisode final, qui résume en quelques minutes tous le propos développé dans le drama, est absolument bouleversant.

Live nous permet aussi de retrouver plusieurs seconds rôles que l’on a toujours plaisir à voir, comme Sung Dong Il (It’s Ok That’s Love, Jang Ok Jung) et Jang Hyun Sung (Doctors, The End of the World) en flics aguerris, et de découvrir quelques nouvelles têtes prometteuses, comme Lee Joo Hyung dans le rôle de Hye Ri, une jeune femme très attachante dont la nonchalance confère à certaines scène un petit côté décalé.

Enfin, le personnage d’Ah Jang Mi, qui est interprété par Bae Jong Ok (That Winter, The Wind Blows), apporte beaucoup à l’univers de Live. Non seulement les scènes de couple entre Ah Jang Mi et Oh Yang Cheon sont de haute volée en matière de jeu d’acteurs, mais la relation entre Ah Jang Mi et Jeong-O enrichit énormément ces deux personnages féminins. L’occasion de réaliser qu’il est extrêmement rare de voir une fiction développer une relation maître/élève entre femmes.

Intelligent, émouvant, étranger à toute facilité de scénario, Live mériterait d’être plus connu en France. Non seulement cette série ne nécessite pas d’être familier de l’univers des dramas coréens pour être appréciée, mais nos policiers devraient également se reconnaître dans certaines situations humaines, au-delà des barrières culturelles. Espérons que sa diffusion sur Netflix lui permettra sur la durée de toucher un large public.

Elodie Leroy

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