Critique Entertainer : mais pourquoi tant de larmes ?

Ji Sung s’improvise producteur d’un groupe de jeunes musiciens un peu paumés. Un drama à potentiel qui vire malheureusement au tire-larmes.

Étrange drama coréen que cet Entertainer. On comprend ce qui a pu séduire un acteur comme Ji Sung dans un tel projet, lui qui signait son grand retour sur le petit écran plus d’un an après l’énorme succès personnel que fut Kill Me Heal Me.

Situé dans le milieu de la K-Pop, Entertainer confronte deux générations pour mieux les réunir grâce au vecteur universel de la musique. L’idée est belle mais le résultat confine à la schizophrénie tant le drama oscille perpétuellement entre la sympathique histoire de potes et l’accumulation de drames enfouis conduisant chacun à un véritable déluge de larmes. Mieux vaut être prévenu.

Poster du drama Entertainer
Entertainer rappelle immédiatement The King of Dramas du même réalisateur Hong Sung Chang, la causticité en moins, et souffre du même travers mélodramatique, poussé plus à l’extrême encore.

A l’image du personnage principal de The King of Dramas, le héros d’Entertainer, Shin Suk Ho (Ji Sung) est un producteur à succès cynique qui, contraint de monter sa propre affaire, s’humanise peu à peu au contact des jeunes gens qu’il recrute.

Entertainer évoque aussi le drama My Lovely Girl avec Rain et Krystal Jung, pour son histoire romantique entre une jeune femme innocente et un homme blasé, plus âgé qu’elle, dans un univers tournant autour des labels de K-Pop.


N’espérez pas malgré tout en apprendre beaucoup à propos de l’industrie musicale coréenne. La plupart des enjeux scénaristiques déployés dans Entertainer sont relativement basiques, car uniquement mis au service de l’arc mélodramatique de l’histoire.

Le seul problème abordé de manière intéressante est celui de ces chansons que les producteurs volent à des auteurs inconnus pour en attribuer la paternité à leurs chanteurs. Cela étant, sur le plan documentaire, The King of Dramas s’avérait incontestablement plus percutant.


Les obstacles rencontrés par Shin Suk Ho pour monter sa boîte, Mango Entertainement, et former son groupe de musique, prennent tous racine dans le passé. Son précédent employeur, le patron de KTOP, est jaloux de lui au point de frayer avec l’illégalité pour lui rendre la vie impossible. Le jeune talent sur lequel Suk Ho a jeté son dévolu, Jo Ha Neul (Kang Min Hyuk), vient d’être injustement condamné pour le viol d’une camarade de classe suite à une machination. Suk Ho découvre par ailleurs que Ha Neul est le jeune frère d’un ami musicien disparu il y a quelques années, à l’égard duquel il a conservé un fort sentiment de culpabilité.

Quant aux autres membres du groupe, ils trainent eux aussi des fardeaux parfois lourds, à l’instar du bassiste Na Yun Soo (Lee Tae Sun), père célibataire qui manque cruellement de confiance en lui suite à l’abandon de la mère de son fils. Enfin, Suk Ho laisse derrière lui à KTOP un autre groupe à succès, Jackson, dont le leader, Jinu (Ahn Hyo Seop), lui a tourné le dos alors qu’il en avait fait son petit protégé.


Ces éléments sont amenés de façon confuse au début d’Entertainer, rendant le drama parfois difficile à regarder du fait de changements de ton trop brutaux. L’intrigue s’annonce au départ plutôt dynamique et légère, voire saupoudrée d’une pointe d’humour.

Pourtant, il ne faut pas attendre longtemps avant que les premiers torrents de larmes se déversent. Le début d’une longue, très longue cascade. L’héroïne du drama, Jung Geu Rin (Kim Hye Ri), nous est ainsi introduite en proie à des pleurs incontrôlables lors de la scène de tribunal qui voit Jo Ha Neul, son frère adoptif, recevoir sa sentence.

Avant même que le groupe Entertainer Band ait accueilli tous ses membres, Shin Suk Ho, Jo Ha Neul et d’autres auront rapidement droit à leurs scènes dramatiques en mode dépression nerveuse.


Difficile de dire pour quelle raison la scénariste Yoo Young A (Bel-Ami) a tenu à nous infliger ces moments de douleur à répétition. Prises isolément, certaines scènes ne sont pas mauvaises et parviennent même à émouvoir, notamment dans le dernier tiers.

On retient de jolis moments entre Ha Neul et Suk Ho, ainsi que la touchante histoire du frère de Ha Neul, Jo Sung Hyun, dont l’interprète Jo Bok Rae (Yong Pal) révèle au détour d’une scène un vrai talent de chanteur. Entertainer tisse des liens forts entre ses personnages et les thèmes de l’amitié et du pardon y sont développés avec une certaine sensibilité.

Il est dommage que la succession presque ininterrompue de tragédies personnelles rende parfois le visionnage semblable à un chemin de croix. Car on finit bel et bien par s’attacher à cette petite bande de potes supervisée par Ji Sung. L’acteur ne trouve pas là le meilleur rôle de sa carrière mais il rend le drama très divertissant à suivre dès que son personnage montre sa détermination à convaincre ses jeunes talents de le suivre, ou lorsqu’il brave l’adversité pour les tirer d’affaire.

Ahn Hyo Seop dans le drama Entertainer
La romance de Ji Sung avec Kim Hye Ri, de dix-huit ans sa cadette, ne tient en revanche pas la route une seconde, et cet arc se retrouve sans surprise plus ou moins abandonné vers la fin. Après avoir reçu les éloges du public pour son rôle dans Reply 1988, la jeune chanteuse/actrice (elle appartient au groupe Girl’s Day) déçoit dans un rôle de prétendue ‘manager’ du groupe, auquel son jeu forcé enlève toute fraîcheur. A sa décharge, il faut reconnaître que Geu Rin n’a vocation qu’à être le faire-valoir de ces messieurs.

Autre star de K-Pop à occuper le premier plan dans l’aventure Entertainer, Kang Min Hyuk, du groupe CNBLUE, laisse lui aussi une impression mitigée. A la vision des cinq ou six premiers épisodes, le constat qui s’est imposé à moi est que j’avais rarement vu visage aussi inexpressif à l’écran que le sien. Il aurait pu porter un masque que le résultat aurait été le même. Puis, lentement mais sûrement, j’ai vu ses traits se détendre, s’humaniser, pour finalement le voir embrasser le personnage de Jo Ha Neul avec davantage de naturel.

Sans faire des miracles, ils se révèle plutôt bon dans les scènes de pleurs (une compétence essentielle pour ce drama, vous l’aurez compris) et confère à Ha Neul une douceur assez reposante au cœur de ce maelström d’émotions.


Les seconds rôles ne sont pas mauvais, comme le susmentionné Lee Tae Sun, ou encore Gong Myung (actuellement dans Drinking Solo), qui joue ici le rôle d’un guitariste extraverti du nom de Kyle. Grâce à ce personnage, nous aurons même droit à une caméo sympathique de Seo Kang Joon (Cheese in the Trap).

J’ai aussi apprécié Ahn Hyo Seop, dans la peau d’un membre populaire de boy band, qui se révèle plus juste et plus charismatique que Kang Min Hyuk malgré de rares apparitions.

Diffusé sur SBS entre le 20 avril et le 16 juin 2016, Entertainer a peiné à rencontrer son public (7,7% de parts de marché), ce qui ne l’a pas empêché de se voir prolonger de deux épisodes courant mai. Pour les raisons énoncées ci-dessus, le drama aurait au contraire énormément gagné à être raccourci de quelques épisodes.

Caroline Leroy

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