La série coréenne Listen To Love

Critique : Listen To Love, un drama tranche de vie touchant sur l’adultère

Song Ji Hyo et Lee Sun Kyun parlent d’adultère dans ce drama coréen satirique sur la crise des valeurs familiales en Corée. La critique de Listen to Love.

L’adultère est-il la fin du monde dans un couple ? Diffusé en 2016 sur JTBC, Listen To Love orchestre avec finesse et sensibilité un débat de fond sur la signification du mariage, l’adultère ou encore le divorce, prenant du même coup la température des rapports hommes/femmes dans la Corée du Sud d’aujourd’hui, à l’ère de la libération des mœurs et des réseaux sociaux. Plus « tranche de vie » que mélodramatique, le drama brille par la richesse et la maturité de son contenu et s’adresse à un public résolument adulte et ouvertement progressiste. L’humour satirique est omniprésent, mais la portée émotionnelle l’est tout autant grâce aux prestations d’acteurs remarquables de Lee Sun Kyun et Song Ji Hyo. Une pépite à voir absolument.

Listen to Love est disponible sur Netflix.

Poster de Listen To Love

Le SMS qui fait tout basculer

Producteur TV et père d’un petit garçon, Do Hyun Woo (Lee Sun Kyun) mène une vie parfaite avec son épouse, Jung Soo Yeon (Song Ji Hyo), chef de projet dans une agence de design. Jusqu’au jour où il découvre accidentellement, en regardant machinalement le portable de sa femme, qu’elle a rendez-vous trois jours plus tard dans un hôtel avec un autre homme.

Plongé dans l’incompréhension, Hyun Woo préfère ne rien dire à ses amis et à ses collègues. Pour couronner le tout, son patron le charge de réaliser un reportage sur l’adultère au féminin, qui aurait explosé depuis que la loi condamnant l’adultère a été abolie en Corée du Sud en 2015. Désemparé, Hyun Woo se confie sur un forum où des internautes suivent son histoire par le menu : cette semaine, sa femme va le tromper… Que faire ?

Diffusée entre le 28 octobre et le 3 décembre 2016, la série Listen To Love s’inspire de la série japonaise My Wife’s Having An Affair This Week ?! (Fuji TV, 2007), elle-même issu de faits réels. Réalisé par Kim Suk Yoon (Awl, Old Miss Diary), cette version coréenne a réalisé de scores d’audience discrets (environ 2,5 % de parts de marché, TNmS), ce qui s’explique par un marketing réduit au minimum. Elle peut néanmoins s’enorgueillir d’un accueil critique hautement favorable et amplement mérité.

Song Ji Hyo et Lee Sun Kyun

Le scénario ne perd pas de temps : la découverte du fameux SMS intervient dès le premier épisode, ce qui permet au récit d’entrer rapidement dans le vif du sujet.

Les premiers épisodes nous plongent dans la tête de Hyun Woo, ce quadra sans histoire dont le monde s’effondre du jour au lendemain, et dont les états émotionnels sont décortiqués de manière particulièrement épique. Notre héros traverse ainsi des moments de colère, de désespoir, de sentiment de honte ou de culpabilité.

Si le ton tourne souvent à la comédie (vue de l’extérieur, une personne en proie à la panique est parfois drôle), son histoire est loin d’être présentée comme une farce. N’oublions pas qu’il y a un enfant dans la famille. La cascade d’émotions qui assaillent Hyun Woo dans cette première phase de doute, alors qu’il n’est pas sûr d’avoir bien interprété le SMS, sonne vrai du début à la fin.

Observant sa femme au quotidien, Hyun Woo espère se réveiller de ce cauchemar. Tandis qu’elle se dévoue pour son époux et son fils, assumant toutes les préparations du matin avant de partir au travail (Hyun Woo ne fiche strictement rien à la maison, à part sortir les poubelles), Soo Yeon paraît bien hypocrite et fausse, presque monstrueuse. Hyun Woo est-il une victime et Soo Yeon son agresseur ?

Le point de vue de la jeune femme, qui sera développé par la suite, apportera bien sûr un autre éclairage sur les événements. L’une des forces de Listen To Love réside dans sa manière de naviguer entre les deux points de vue, parfois sur un même événement, pour permettre au spectateur d’appréhender la situation dans toute sa complexité.

Les rapports hommes/femmes en Corée à la loupe

Sans trop en dévoiler, je vous préviens tout de suite : Soo Yeon va vraiment tromper Hyun Woo. Si vous attendez un discours moralisateur, passez votre chemin : Listen To Love s’attache en priorité aux émotions et non aux conventions sociales. Et pourtant, les valeurs familiales sont bel et bien au cœur de cette histoire, qui ne constitue en rien une apologie de l’infidélité.

Oui, mais que signifient-elles vraiment, ces valeurs familiales ? L’adultère est-il la fin du monde dans un couple ? Qu’en pensent les autres personnages, dont certains s’avèrent avoir vécu des situations similaires, ou les internautes du message board, qui ont aussi leur propre histoire ?

En 12 épisodes et sans temps mort, le scénario orchestre un véritable débat de fond qui laisse s’exprimer, au moyen des personnages secondaires et du reportage filmé par l’équipe de Hyun Woo, moult points de vue, masculins comme féminins, et réactions émotionnelles différentes sur les questions de l’adultère, du couple, de la signification du mariage, du divorce ou encore de la confiance.

Au fil des discussions riches en contenu qui se tiennent notamment entre les collègues de Hyun Woo, de manière collective ou dans des situations plus intimistes, le drama prend la température des rapports hommes/femmes dans la société coréenne d’aujourd’hui et met en lumière les différences de sensibilités sur ces questions, tout en rappelant constamment que la perception de chacun dépend avant tout de son vécu, plus que de son sexe. L’immense qualité de Listen To Love réside précisément dans cette prise en compte permanente des sentiments de chaque personne touchée par ce drame – et non ce crime – qu’est l’adultère.

Les histoires personnelles des protagonistes secondaires viennent alimenter la réflexion. Ainsi, la scénariste Kwon Bo Young (très belle interprétation de BoA) ne s’est jamais remise de sa blessure de femme trompée et préfère se cacher dans sa carapace de célibataire déçue par les hommes. Son collègue Ahn Joon Young, qui en pince secrètement pour elle, n’assume pas le départ de sa propre femme (au passage, Lee Sang Yeob nous gratifie d’un clin d’œil rigolo à son rôle dans Signal).

Pour la touche comique, il faut voir le couple surréaliste formé par l’avocat Choi Yoon Ki (Kim Hee Won, excellent) et sa richissime femme Eun A-Ra (Ye Ji Won), qu’il trompe de manière compulsive, presque infantile (on croirait un enfant qui fait des bêtises quand sa mère s’absente), quitte à tomber sur des numéros encore plus flippants qu’elle, ce qui occasionne des séquences absolument hilarantes (je ne me suis pas remise de la scène de la salle de sport, ni de la scène érotique avec la fleuriste).

Réseaux sociaux et mères de famille

Comme toujours dans les dramas coréens, l’histoire est ancrée dans le monde d’aujourd’hui – c’est l’un des éléments qui manquent cruellement aux séries françaises. Fourmillant de détails et de réactions de la vie quotidienne qui participent à rendre l’univers des personnages très vivant et authentique, Listen To Love fait aussi intervenir Internet comme s’il s’agissait d’un personnage de l’histoire, puisque Hyun Woo tombe dans le piège de se confier sur un forum Internet afin d’y chercher conseil et réconfort.

Le drama suit ainsi de loin ces inconnus qui reçoivent ses confidences en allant au boulot ou en rentrant chez eux, et qui vont de l’adolescent en crise au cadre supérieur, en passant par l’ouvrier de chantier, la secrétaire un peu à l’ouest ou le hikikomori reclus dans sa chambre.

Rarement les échanges sur les réseaux sociaux ont été aussi bien représentés à l’écran, sur la forme (la mise en scène est très créative) comme dans le fond. Les interactions entre ces inconnus, la manière dont ils perturbent le jugement de Hyun Woo et l’emballement collectif qui peut saisir un groupe d’internautes s’avèrent particulièrement bien vus, y compris lorsque l’ombre d’un cyberstalker (harceleur sur le web) se dessine, menaçant d’impacter la vie réelle des personnages.

En parallèle, Soo Yeon est aliénée, à travers un chat en ligne lié à l’école de son fils, à un clan des mères de famille particulièrement irritantes, dont elle subit les critiques du fait de sa situation de femme active. Sa situation dans le groupe m’a fait penser à celle de l’épouse dans Hanzawa Naoki ! L’occasion de constater que la société coréenne ne fait toujours pas de cadeaux aux mères qui travaillent, que ce soit à l’école ou dans le monde professionnel.

Tout ce contenu sociétal vient soutenir le fil dramatique principal, à savoir la crise de couple traversée par Hyun Woo et Soo Yeon. Les difficultés de communication et les échanges entre les deux époux, qui marquent l’articulation du récit en éveillant des émotions inédites et donc en amorçant une nouvelle partie (le moment où il la surprend avec son amant, celui où elle assume devant lui son adultère, etc.) sont mis en scène avec une précision incroyable de la part du réalisateur, qu’il s’agisse des regards ou des attitudes corporelles, ce qui ne peut fonctionner qu’avec des acteurs de haut niveau. Je n’ai pas vu beaucoup de scènes de ménage de ce niveau depuis le film Les Noces Rebelles de Sam Mendes – je vous rassure, l’histoire n’est pas aussi noire !

Le regard de Song Ji-Hyo

Tout au long du drama, Lee Sun Kyun (A Hard Day) nous embarque dans le drame personnel et les questionnements de Hyun Woo, déployant une incroyable palette d’expressions variées sans jamais cabotiner, excellant aussi bien dans les moments de comédie que dans les scènes où il montre ses failles.

Song Ji Hyo (Emergency Couple, Running Man) paraît littéralement habitée par son personnage de mère active au bord du burn out, de même que dans ses échanges avec son partenaire. J’ai été marquée par son regard dans certaines scènes, comme ce moment où elle avoue tout sur le palier de l’appartement, où celui où son partenaire tente de la prendre dans ses bras. Les deux personnages s’avèrent très touchants, lui dans sa détresse de mari trompé, elle dans son incapacité à verbaliser ce qu’elle ressent.

Quant au petit Junsu (Kim Kang Hoon, trop mignon) qui encaisse sans rien dire les bouleversements de sa famille. Il m’a fait verser une larme dans une scène où son père tente de lui expliquer que ses parents risquent de se séparer…

Malgré ces scènes de couple chargées émotionnellement, Listen To Love ne laisse jamais une impression de lourdeur grâce à un humour très bien dosé qui sait détendre l’atmosphère au bon moment, occasionnant de francs éclats de rire sans jamais altérer la portée émotionnelle de l’histoire. Le drama permet d’ailleurs de retrouver une galerie d’acteurs savoureux – BoA, Ye Ji Won, Kim Hee Won…

J’ajouterai une considération personnelle de cinéphile : comme souvent dans les dramas actuels orientés « tranche de vie », qui se développent énormément sur le câble depuis quelques temps, les personnages passent beaucoup de temps dans les restaurants et devant un verre. Nous avons ainsi droit à plusieurs scènes de cuites monumentales, comme on pouvait aussi en voir récemment dans Drinking Solo. Cette abondance de séquences alcoolisées fait forcément penser aux films de Hong Sang Soo (Conte de Cinéma, Hahaha) – en espérant que les acteurs de dramas ne consomment pas du véritable alcool comme dans ces films derniers !

En résumé, si vous n’avez pas vu Listen To Love, je vous conseille vivement d’y jeter un coup d’œil ! Ce drama de cette qualité témoigne de la capacité des séries coréennes actuelles à saisir l’air du temps en intégrant aussi bien les évolutions sociales du pays, que les bouleversements sociétaux que nous vivons tous avec le numérique.

Elodie Leroy

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