Hierarchy, sur Netflix : un thriller lycéen distrayant mais beaucoup trop soft

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Joliment mis en scène, Hierarchy offre de beaux moments de tension dramatique mais déçoit par son manque flagrant d’audace sur les rapports sociaux entre adolescents. On retiendra tout de même une bande son planante et la performance attachante de Lee Chae Min.

Dans le prestigieux lycée de Jooshin, dont les étudiants représentent l’élite sociale coréenne, il ne fait pas bon être étudiant boursier. Fraîchement transféré, Kang Ha (Lee Chae Min) appartient justement à cette catégorie. Avec son sourire innocent, il ne suscite aucune méfiance et devient vite la cible d’un groupe de harceleurs. En réalité, son but secret est de démasquer les personnes coupables de la mort de son frère. Dans sa quête, il rencontre Jae Yi (Roh Jeong Eui), la fille du président d’un grand conglomérat, et se heurte aux règles impitoyables établies par Ri An (Kim Jae Won), un riche héritier craint par les autres élèves.

Un établissement au design luxueux et stylé, une organisation hiérarchique écrasante, des jeunes gens aussi beaux qu’arrogants qui se livrent au harcèlement et au trafic de drogue… Telle est la manière dont nous est introduit l’univers tordu de Hierarchy à la faveur d’une mise en scène ostensiblement clipesque, devant laquelle nous ne boudons pas notre plaisir.

Ecrit par Chu Hye Mi (About Time) et réalisé par Bae Hyun Jin (Alchemy of Souls: Light and Shadow), ce nouveau drama coréen de Netflix disponible depuis le 7 juin 2024 a des allures d’Elite (Netflix) version coréenne. Le scénario se permet d’ailleurs quelques emprunts à son modèle espagnol, à commencer par l’intégration d’élèves issus des classes populaires dans un lycée élitiste – un thème que l’on trouvait déjà dans le manga Hana Yori Dango et ses multiples adaptations –, mais aussi des éléments de scénario concernant certains personnages.

Hierarchy se détache néanmoins de ses influences en injectant des thèmes très coréens, comme les conflits intergénérationnels entre adolescents et parents toxiques. Etrangement, cette adaptation aux sujets de préoccupation locaux s’avère presque regrettable, car c’est précisément ce qui fait peu à peu sombrer le scénario, pourtant prometteur dans les premiers épisodes, dans le déjà-vu.

Le drama Hierarchy fait des étincelles tant que l’histoire centre son attention sur la méchanceté de ces jeunes gens qui persécutent les plus faibles. Les scènes de harcèlement scolaire sombrent parfois dans la caricature, mais il n’en est que plus cathartique de voir Kang Ha, l’élément perturbateur, défier ces petites brutes finalement assez faciles à déstabiliser.

On comprend vite que ces jeunes gens ne font que reproduire les hiérarchies en vigueur entre leurs parents, le vernis en moins. Ils sont en quelque sorte l’expression de la sauvagerie des adultes, qui se masque derrière des codes de politesse mais s’avère impitoyable, comme nous le découvriront avec la dégringolade sociale de l’une des familles.

On regrette que cette triste peinture sociale des couches les plus privilégiées de la société soit peu à peu occultée par une affaire de meurtre un peu too much. Certes, le suspense sur l’identité du coupable s’avère bien entretenu grâce à une écriture efficace et sans bavure, mais cet argument de thriller fait passer au second plan certains thèmes ébauchés dans les premiers épisodes, comme l’omniprésence de la drogue dans les lycées élitistes (une réalité, et pas seulement en Corée) ou le fléau des sextapes (en l’occurrence, la sextape en question est très soft). Même le sujet des relations sexuelles entre élève et professeur est traité sans finesse.

On a le sentiment que l’injection d’une intrigue de thriller sert d’alibi pour éviter tout contenu trash susceptible de classer le drama dans une catégorie plus restrictive.

L’évolution psychologique des différentes protagonistes de l’histoire ne tient pas non plus toutes ses promesses. Le personnage le plus réussi est sans conteste Kang Ha, auquel Lee Chae Min (See You In My 19th Life), très bon, parvient à insuffler une dimension solaire lorsqu’il tente d’égayer la mélancolique Jae Yi, et une aura sombre lorsqu’il fomente ses plans de vengeance.

En revanche, si les petites brutes de Hierarchy paraissent trash au début de la série, elles s’assagissent dangereusement au fil des épisodes, ce qui érode peu à peu l’intérêt suscité par le scénario. La nuance n’est pas non plus au rendez-vous. S’agissant des souffrances adolescentes, qui s’exprime parfois par un manque d’empathie, on eut aimé une exploration plus fine de la nature humaine à la manière d’un 13 Reasons Why (Netflix), plutôt que de voir le persécuteur se muer en amoureux sentimental et la meilleure amie toxique en bienfaitrice.

Hierarchy parvient néanmoins à divertir jusqu’au bout grâce au savoir-faire du réalisateur Bae Hyun Jin, qui démontre un sens visuel indéniable. La palette de couleurs s’accorde parfaitement aux décors, dont certains ont des allures de Poudlard (Harry Potter).

Le réalisateur possède également une capacité certaine à faire monter la tension dramatique dans une scène. Certaines fins d’épisode nous laissent d’ailleurs accrochés à notre fauteuil grâce à une utilisation savante de la bande son – ambiance garantie avec les titres Ruin Life de Kumjunhyun, Shrine de Jemma ou encore Lost de Jimmy Brown, presque trop beaux pour le drama. On préfère d’ailleurs largement les scènes tape-à-l’œil comme l’arrivée en voiture de sport dans la discothèque, qui exploitent habilement l’OST, que les confidences sentimentales interminables de Jae Yi.

Le casting participe également à l’attrait de Hierarchy. Outre Lee Chae Min, on apprécie l’ambivalence apportée par Ji Hye Won (The Sound of Magic) au personnage de Hera, la peste qui se révèle attendrissante, la manière dont Kim Jae Won (King the Land) dévoile peu à peu les failles intérieures de son personnage et le caractère énigmatique de Woo Jin, interprété par Lee Won Jung (Brain Works). On est nettement plus réservé sur la performance de Roh Jeong Eui (Our Beloved Summer), le maillon faible du casting, dont l’interprétation manque d’éclat et de consistance. Du côté des adultes, on retiendra Choi Won Young (Twinkling Watermelon), glaçant dans le rôle du père de l’héroïne.

Hierarchy est disponible sur Netflix depuis le 7 juin 2024.

Elodie Leroy

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