Le drama J'irai te voir dans une prochaine vie

Critique : See You in my 19th Life, joliment emballé mais tristement ennuyeux

Malgré ses qualités plastiques, See You in my 19th Life respire le vide et ne fait pas honneur au talent de Shin Hye Sun, l’une des meilleures actrices coréennes actuelles. Critique d’un pétard mouillé.

Cela avait pourtant bien commencé. See You in my 19th Life (ou J’irai te voir dans ma prochaine vie en version française) s’ouvre de la plus belle des façons, sur un prologue énigmatique dans lequel Ban Ji Eum (Shin Hye Sun) se tient seule face à la mer, le regard à la fois mélancolique et déterminé, avant que défilent à l’écran des images en vrac qui semblent issues de différentes époques et différents lieux.

Commence ensuite un flash-back sur les 9 ans de Ji Eum (Park So Yi), à l’époque où elle décide de fuir son foyer familial malsain après avoir été une enfant star. La rupture de ton est stimulante et le rythme endiablé.

S’ensuit un deuxième flash-back, plus onirique, sur la vie précédente de Ji Eum. Cette fois, notre héroïne est une jeune fille de 12 ans calme et mystérieuse du nom de Yoon Ju Won (Kim Si Ah). L’accent est mis sur sa relation d’amitié avec un garçon solitaire de 9 ans, Moon Seo Ha (Jeong Hyeon Jun), qui vit avec sa mère mourante. Un tragique accident mettra cependant fin à leur histoire touchante. A moins qu’ils ne se retrouvent dans une autre vie ?

Ahn Bo Hyun et Shin Hye Sun dans See You in my 19th Life (tvN)

La réussite de cette partie introductrice doit beaucoup au talent de la réalisatrice Lee Na Jeong, qui avait déjà fait preuve d’un sens esthétique aiguisé sur les dramas Love Alarm et Mine. La fluidité des mouvements de caméra et la place importante accordée à la musique participent à créer de beaux moments suspendus qui illustrent parfaitement le sentiment de continuité de la vie de Ban Ji Eum. Cette atmosphère onirique se prolonge encore un peu lorsque l’on suit la petite Ji Eum qui se lance à la poursuite de Moon Seo Ha (Ahn Bo Hyun), désormais plus âgé qu’elle puisqu’il est au lycée.

Mais dès que l’on retrouve les deux protagonistes à l’âge adulte, le charme se rompt brutalement pour laisser place à une intrigue et un univers d’une pauvreté déconcertante.

Difficile, sans avoir lu le webtoon à succès de Lee Hye, de savoir si le problème démarre à la source. Cependant, il est certain que les scénaristes Choi Young Rim et Han Ah Reum (le film Hero avec Kim Go Eun en 2022) ont une responsabilité dans ce ratage.

See You In My 19th Life parle de réincarnation, mais les personnages semblent désincarnés, flottants, sans ancrage dans un contexte crédible.

Ce problème est d’abord matérialisé par la contradiction entre la caractérisation de l’héroïne et la réalité de ses actions à l’écran. Présentée comme une femme de génie, à la fois docteure en ingénierie du KAIST et pilote hors pair – elle teste elle-même les bolides –, elle semble au premier abord susciter le respect de ses pairs. Mais cette impression ne dure pas plus de dix minutes. A peine rencontre-t-elle Moon Seo Ha qu’elle se change en une employée collante dont la seule occupation consiste à courir – au sens propre comme au sens figuré – après son patron pour le convaincre de leur destinée commune.

De son côté, Moon Seo Ha ne donne jamais non plus l’impression de travailler. Il se contente de déambuler dans les couloirs de son hôtel de luxe, de donner quelques consignes à son assistant Ha Do Yoon (Ahn Dong Gu) ou de rêvasser chez lui au fond de sa piscine. Tout au long du drama, les deux héros ne font face à aucun enjeu professionnel d’aucune sorte.

Ensuite, le lieu de travail de Moon Seo Ha semble désespérément calme. On ne ressent jamais l’atmosphère propre à ce type de lieu, avec l’accueil vivant du hall et l’ambiance feutrée des couloirs, où le personnel tiré à quatre épingles se déplace d’une manière codifiée. En ce sens, le contraste est flagrant avec King the Land, un drama diffusé à la même période et qui plante aussi son décor dans un palace, mais mis en scène de manière beaucoup plus réaliste malgré une intrigue fantaisiste.

Ahn Bo Hyun et Shin Hye Sun

La scène de l’entretien d’embauche est à ce titre symptomatique du mal qui frappe See You in my 19th Life. Il s’agit d’une scène très attendue, puisque c’est la première fois au cours de sa 19e vie que Ban Ji Eum échange quelques mots avec Moon Seo Ha, avec qui elle espère ardemment renouer. Or non seulement les propos allusifs de Ji Eum n’ont aucun impact dramatique, mais sa déclaration d’amour soudaine à Seo Ha, censée être le climax de la scène, apparait plus incongrue que romantique.

Le reste est à l’avenant. Suspendu au regard captivant de Shin Hye Sun, envoûté par une cinématographie et une bande originale de toute beauté, le spectateur reste éternellement dans l’attente de quelque chose qui ne vient jamais. Ou presque. Il faudra en effet tenir jusqu’aux deux derniers épisodes pour retrouver un peu de la magie du début, avec un ultime flash-back marqué par un superbe travail sur les couleurs primaires.

Toutefois, ce bref regain d’intérêt n’est pas dû à la passion qui émane de la relation entre les deux protagonistes principaux. Les interactions de Ji Eum et Seo Ha sont en effet vides de substance durant la majeure partie du drama. Ils n’ont aucune conversation intéressante et leurs rares démonstrations d’affection paraissent forcées.

Qui plus est, les deux acteurs n’ont strictement aucune alchimie. Cette particularité est notable, car l’un des talents de Shin Hye Sun est justement de créer l’harmonie avec son partenaire à l’écran. C’était le cas dans Still 17 avec Yang Se Jong, dans Angel’s Last Mission: Love avec Kim Myung Soo, et dans Mr. Queen avec Kim Jung Hyun. Malheureusement, cela ne fonctionne pas avec Ahn Bo Hyun. On peut le regretter, car même si le scénario de See You in my 19th Life laisse à désirer, l’actrice livre de très belles expressions, étoffant encore son registre émotionnel.

Néanmoins, elle fait face à un Ahn Bo Hyun inexpressif et raide comme un piquet, qui semble constamment mal à l’aise dans son costume de prince de webtoon. Non seulement il ne correspond pas au visuel délicat de ce type de personnage, mais son jeu est d’une totale indigence, seulement crédible le temps de quelques scènes. On a connu l’acteur plus inspiré, ne serait-ce que dans Yumi’s Cells qui est aussi une romance. Finalement, la meilleure contribution d’Ahn Bo Hyun à See You in my 19th Life reste la chanson qu’il interprète dans la bande originale, intitulée I’ll Embrace Your Past.

Eu égard à la qualité artistique du drama, il est également dommage que les visages des deux acteurs soient excessivement floutés dans les gros plans.

Si l’on fait l’addition, les seuls moments véritablement mémorables de See You In My 19th Life ne dépassent pas une durée de deux heures en tout et pour tout. Il s’agit principalement des scènes faisant intervenir les actrices, notamment Shin Hye Sun et Ha Yoon Kyung (Extraordinary Attorney Woo), touchante dans le rôle de la sœur de Ji Eum, mais aussi Shin Hye Sun et Cha Chung Hwa, à qui elle donnait déjà la réplique dans Mr. Queen. Sans oublier les enfants : Kim Si Ah (Kill Bok Soon), très gracieuse et charismatique, Park So Yi (Vanishing), très mature pour son jeune âge et Jeong Hyeon Jun (Mine), attendrissant.

On apprécie aussi de revoir Choi Jin Ho (Dr Romantic) dans son rôle favori, celui du père toxique avec son fils, ainsi que le caméo de Lee Bo Young, qui était l’actrice principale de Mine.

Lors de sa diffusion sur tvN entre le 17 juin et le 23 juillet 2023, See You in my 19th Life a réalisé un score correct (4,664% selon Nielsen Korea) mais n’a pas fait d’étincelles. Sur Netflix, le drama a cumulé 74,6 millions d’heures de visionnage (chiffres Netflix), ce qui n’est pas mal mais reste loin des 422 millions d’heures de King The Land. Un résultat en demi-teinte qui reflète la déception suscitée par un drama qui avait pourtant (presque) tous les atouts pour réussir.

Caroline Leroy

Lire aussi | Critique : D.P. 2, la suite inutile du magnifique drama de Jung Hae In

Vous aimerez aussi