Lee Jae Moon (Hidden Sequence) : « Les dramas se sont adaptés à l’évolution de la société »

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Le producteur Lee Jae Moon répond à nos questions sur Black Out et apporte son éclairage sur la situation actuelle de l’industrie des séries coréennes.

Actuellement diffusé en Corée du Sud sur la chaîne MBC, Black Out était présenté en avril dernier en première mondiale au festival Cannesérie, dans la section « La Fiction sud-coréenne ». Dans Black Out, Byun Yo Han interprète un repris de justice qui revient dans sa ville natale pour éclaircir le double meurtre dont il a été accusé à l’adolescence (voir notre avis dans le bilan de Canneseries 2024). Nous avons rencontré le producteur Lee Jae Moon, PDG de la société Hidden Sequence, à qui nous devons également des classiques incontournables comme Signal ou Misaeng, mais aussi la toute première série coréenne de Netflix, Love Alarm. Il nous parle de Black Out et commente les mutations de l’industrie des séries coréennes au cours de ces vingt dernières années.

Découvrez notre vidéo « 3 questions à Lee Jae Moon », suivi de l’interview intégrale par écrit ci-dessous :

Elodie Leroy (StellarSisters) : Je suis ravie de vous rencontrer. Pouvez-vous vous présenter ?

Lee Jae Moon : Enchanté. Je suis Lee Jae Moon, PDG et producteur de la société Hidden Sequence. Nous avons fondé cette société il y a environ huit ans pour créer des œuvres nouvelles, qui s’affranchissent des genres habituels des fictions coréennes.

Quels sont vos critères pour retenir un projet ?

Lee Jae Moon : Chaque œuvre est différente, mais le plus important est que je me sente touché par le scénario. Par exemple, le drama Black Out s’inspire du roman allemand Snow White Must Die (de Nele Neuhaus, NDLR), qui a été publié en Corée il y a douze ans. C’est un vieux roman, mais il se trouve que des faits similaires se sont produits en Corée. Lorsque j’ai découvert le synopsis, ces similitudes m’ont à la fois fasciné et amusé. J’ai donc pensé que je devais en faire un drama sans tarder.

Comment avez-vous choisi les acteurs principaux, notamment Byun Yo Han ?

Lee Jae Moon : Concernant l’acteur Byun Yo Han, je le connais depuis ses débuts à la télévision coréenne, il y a dix ans, dans le drama Misaeng. C’est un ami. Au cours des huit ou neuf dernières années, sa progression en tant qu’acteur a été fulgurante. Black Out est un drama de seize heures, qui se déroule sur une longue période. Au fil de l’histoire, il est important que le personnage dévoile constamment un nouveau visage, que son énergie explose et qu’il agisse avec passion. Il fallait aussi un acteur principal capable de porter sur ses épaules une production de cette ampleur. Une fois le scénario achevé, nous l’avons par conséquent envoyé à Byun Yo Han.

Photo Byun Yo Han (Black Out)
Byun Yo Han dans Black Out – Photo : MBC

Dans les années 2000, les dramas coréens étaient principalement des mélodrames. Dans les années 2010, nous avons vu apparaître beaucoup de thrillers sur les chaînes OCN et tvN. Vous avez produit plusieurs des dramas marquants de cette époque, comme Signal ou Save Me. Cette diversification des genres avait-elle pour but de satisfaire les attentes du public coréen ?

Lee Jae Moon : La société CJ ENM, qui détient Studio Dragon, a joué un rôle clé dans cette évolution. J’étais présent à cette époque. Nous avions la volonté de nous éloigner de l’héritage des chaînes coréennes traditionnelles et de produire des séries différentes pour les chaînes OCN et tvN. Néanmoins, certaines personnes ne souhaitaient pas s’engager dans cette voie. Elles sont donc parties ailleurs chacune de leur côté pour créer des histoires qui leur convenaient. Du point de vue des fans de dramas du monde entier, la tendance a donc évolué à cette période. Mais ces jours-ci, beaucoup de productions de dramas se dirigent vers Netflix et d’autres plateformes de streaming. Le résultat est que les réalisateurs de films se tournent également vers les séries, ce qui apporte encore plus de variété de genres.

Save Me – Photo : OCN

En plus des plateformes de streaming comme Netflix ou TVING, d’autres acteurs lancent des plateformes, comme ENA qui a émane d’une chaîne d’hôtel, ou LG Uplus qui vient du géant des télécoms LG. En quoi la multiplication des canaux de diffusion affecte-t-elle la production de dramas ?

Lee Jae Moon : En cinq ans, une multitude de diffuseurs et de plateformes est apparue, ce qui a intensifié la compétition et fait exploser les coûts de production. Ainsi, même si le nombre de diffuseurs a effectivement augmenté, le nombre de productions pour le cinéma et la télévision a en réalité diminué. De plus, les attentes des spectateurs s’avèrent de plus en plus élevées. Ils sont devenus très exigeants sur la qualité. Nous nous trouvons aujourd’hui dans cette situation étrange, mais nous ne savons pas du tout ce qui se produira demain. Le marché coréen change continuellement.

Nous remarquons que Disney+ a acquis plusieurs dramas coréens pour son catalogue, mais ne les sort pas dans les pays occidentaux. Qu’en pensez-vous ?

Lee Jae Moon : C’est vrai, mais est-il forcément bénéfique, pour la plateforme de streaming dont vous parlez, de sortir ces séries au même moment dans le monde entier ? Je pense qu’il est important de soigner la diffusion dans chaque pays grâce aux opérateurs locaux. Les modalités de diffusion des films et des séries doivent-elles être constamment les mêmes ? C’est un sujet de préoccupation.

Kim Bo Ra dans Black Out – Photo : MBC

Il semblerait que la production de dramas par les plateformes OTT internationales ait fait flamber les cachets des acteurs.

Lee Jae Moon : Vous connaissez bien le sujet. Les grands acteurs demandent des cachets considérables, ce qui provoque une inflation des budgets. Ce phénomène a entraîné des conséquences lourdes en Corée, puisque, comme je vous l’ai dit, le nombre global de séries produites a reculé. Selon moi, ce qui se produit en Corée est le reflet d’une situation très changeante à l’échelle globale. La situation évolue chaque mois et il est impossible d’anticiper la manière dont l’industrie des séries coréennes s’extraira de cette confusion au prochain semestre. Pour ma part, je préfère continuer à travailler avec passion en me concentrant sur chaque drama que je produis, qu’il soit proposé à la France ou à une plateforme OTT. La situation finira par se normaliser.

Pour en revenir aux thrillers, le cinéma coréen proposait dans les années 2000 d’excellents thrillers, mais qui manquaient parfois de personnages féminins. C’est peut-être mon point de vue occidental, mais quand le genre s’est développé à la télévision coréenne, j’ai apprécié de voir enfin un univers d’hommes et de femmes, notamment dans Signal. Le fait que beaucoup de scénaristes de dramas soient des femmes joue-t-il un rôle ou bien voyez-vous d’autres raisons ?

Lee Jae Moon : En Corée, la planification et la production de dramas s’opèrent très rapidement. Il y a dix ans, les genres de fiction explorés étaient restreints. Il s’agissait surtout d’histoires de famille ou de relations entre hommes et femmes. Mais au cours des dix dernières années, la tendance a évolué. Les femmes passives ont cessé d’être attirantes pour le public. Les histoires mettant des femmes au premier plan ont pris de l’importance. La société coréenne a changé et les dramas coréens se sont simplement adaptés à ces évolutions. Lorsque le public répond positivement à une nouveauté, celle-ci se développe progressivement. D’autres changements sont à venir. Jusqu’à présent, en Corée, il y avait peu d’histoires sur les minorités sexuelles. Les personnages de ce type sont encore rarement explorés en profondeur. C’est quelque chose que nous allons voir de plus en plus. Toutes les nouvelles tendances sociétales se reflètent dans les histoires.

Signal - Photo : tvN
Kim Hye Soo et Lee Je Hoon dans Signal – Photo : tvN

Pouvez-vous nous parler de votre expérience à Canneseries ? Aviez-vous entendu parler de ce festival avant d’être invité ?

Lee Jae Moon : Je connaissais bien sûr la ville de Cannes, qui est célèbre pour son festival de cinéma. Le public français est important pour nous, car il a aimé les travaux de réalisateurs inégalés comme Bong Joon Ho ou Park Chan Wook dès leurs débuts. Le drama Black Out sera projeté tout à l’heure et les spectateurs de Canneséries seront les tout premiers au monde à le découvrir. Je suis vraiment curieux de savoir comment ils réagiront. S’ils apprécient le drama, nous pourrons le présenter en toute confiance au reste du monde. C’est une expérience très particulière pour moi et j’en suis très honoré.

Propos recueillis par Elodie Leroy au festival Canneséries.

Remerciements à M. Lee Jae Moon, à l’interprète Mme Sera Myung et au service presse de Canneséries.

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