The Good Wife : Jeon Do Yeon impériale dans le remake de la série US

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Jeon Do Yeon impose son charisme élégant dans le remake coréen réussi de la célèbre série juridique américaine diffusée sur CBS.

The Good Wife est le premier d’une série de remakes coréens de célèbres shows américains. L’entreprise ambitieuse est portée par la présence au générique de l’actrice de cinéma Jeon Do Yeon, magnifique dans la peau de cette héroïne moderne qui lutte pour revenir sur le devant de la scène dans un monde, le nôtre, décidément très patriarcal. A ses côtés – ou contre elle – , les acteurs Yoo Ji Tae et Yoon Kye Sang sont eux aussi remarquables de justesse. Classieux, superbement écrit, réalisé et interprété, The Good Wife est l’une des séries TV coréennes incontournables de l’année 2016.

The Good Wife raconte l’histoire de Kim Hye Gyeong (Jeon Do Yeon), qui reprend sa carrière d’avocate suite à l’arrestation pour corruption de son époux, le célèbre procureur Lee Tae Joon (Yoo Ji Tae). Femme discrète et mère de deux adolescents, Hye Gyeong démontre sa détermination à s’en sortir financièrement, mais aussi à défendre les cas les plus désespérés. Elle est soutenue par son patron, Seo Joong Won (Yoon Kye Sang), un ancien camarade de promotion secrètement amoureux d’elle. Cependant, depuis la prison, son mari fait tout pour tenter de la récupérer, prétendant avoir été victime d’une machination…

Tandis que l’on attend toujours le premier remake américain d’un drama, les producteurs coréens ont pris les devants, résolus à faire gagner en prestige une industrie qui rayonne chaque jour davantage à l’international. A l’heure qu’il est, le deuxième remake coréen d’une série américaine, Entourage, vient de débuter sur tvN.

Poster de The Good Wife
Jeon Do Yeon et le casting de The Good Wife / © tvN

Tout n’était pas gagné d’avance pour The Good Wife quand on sait que le scénario est écrit par Han Sang Won, à qui l’on doit le médiocre Spy avec Kim Jaejoong. Le réalisateur Lee Jung Hyo avait déjà en revanche de bons dramas à son actif, tels que Witch’s Romance avec Uhm Jung Hwa et Because it’s the First Time avec Choi Minho.

The Good Wife, c’est donc le remake cinq étoiles d’une série brillante créée par Michelle et Robert King en 2009. Le casting coréen est dominé par l’actrice Jeon Do Yeon, grand nom de l’industrie du cinéma local depuis qu’elle a été primée à Cannes en 2007 avec Secret Sunshine. Pour son premier drama depuis onze ans, elle dit avoir cherché à s’éloigner de ses habituels personnages tortueux. Et c’est ainsi qu’Alicia Florrick, jouée par Julianna Margulies dans l’original, devient Kim Hye Gyeong. Charismatique, subtile, distinguée et toujours juste, Jeon Do Yeon habite chaque scène dans laquelle elle apparaît, elle est véritablement l’âme de The Good Wife.

Yoo Ji Tae est connu lui aussi pour ses nombreux rôles au cinéma (Old Boy, Running Wild) et il opérait l’année dernière une percée remarquée à la télévision avec le drama Healer face à Ji Chang Wook. Dans The Good Wife, il livre sans doute l’une de ses meilleures prestations, maniant l’ambigüité avec un tel brio que l’on comprend aisément dans quelle confusion peut être plongée Hye Gyeong.

Jeon Do Yeon et Yoo Ji Tae
Jeon Do Yeon et Yoon Kye Sang dans The Good Wife / © tvN

Les seconds rôles sont distribués entre Kim Seo Hyung (la chef du cabinet Seo Myung Hee : Diane Lockhart), Nana (la détective Kim Dan : Kalinda Sharma) et Lee Won Geun (le jeune avocat aux dents longues Lee Joon Ho : Cary Agos). Tous sont excellents dans leurs rôles respectifs. On saluera tout particulièrement la prestation de Nana, du girl group After School, qui révèle une aisance étonnante pour son premier rôle dans un drama.

Autant être clair, le casting coréen est beaucoup plus glamour que le casting américain. Il est d’ailleurs amusant de constater que dans la version américaine, Chris Noth, qui joue le mari, a douze ans de plus que l’actrice Julianna Margulies, tandis que dans version coréenne c’est l’actrice Jeon Do Yeon qui a trois ans de plus que Yoo Ji Tae. Ce petit ajustement, qui donne immédiatement une touche plus sexy à l’ensemble, a de toute évidence été opéré pour le public local.

Autre changement de taille, typiquement coréen lui aussi : le personnage de Seo Joong Won, patron et ancien camarade de promo de Hye Gyeong, devient le petit frère de la patronne Seo Myung Hee, alors que leurs équivalents américains ne sont que simples collègues. Cette dimension plus familiale imprime rapidement quelque chose de plus intimiste au drama.

Yoon Kye Sang dans The Good Wife
Yoon Kye Sang dans The Good Wife / © tvN

Les affaires traitées par le cabinet d’avocats sont en revanche assez fidèles à l’original, et on trouve en prime des transpositions savoureuses de certains personnages marquants de  la série américaine, comme l’avocate cynique enceinte jusqu’aux yeux, jouée avec malice par Oh Yeon A (Signal), ou l’avocat handicapé roublard, parfaitement campé par Yoo Jae Myung (Jealousy Incarnate) qui reprend le rôle de Michael J. Fox.

The Good Wife captive immédiatement par la qualité de sa réalisation et l’efficacité de son montage. Les brefs génériques de début et de fin sont joliment stylisés et leur caractère doucement contemplatif dit quelque chose du parti-pris esthétique et narratif du drama.

La mise en place du premier épisode est très dynamique, à l’américaine. Au bout de dix minutes, on est non seulement dans le vif du sujet avec une première affaire qui s’annonce, mais on a aussi pu saisir au passage les rapports entre les personnages. A commencer par Hye Gyeong et son mari Lee Tae Joon : un bref échange entre eux laisse entrevoir à quel point elle est tiraillée entre son dégoût pour celui-ci et son sens du devoir. On sent aussi dès les premiers instants un lien fort entre Hye Gyeong et Joong Won, son ancien camarade de promotion grâce auquel elle a pu être embauchée.

Yoo Ji Tae et Jeon Do Yeon dans The Good Wife / © tvN

Les seize épisodes de The Good Wife s’articulent autour la difficile accession de Hye Gyeong à l’indépendance, tandis que son cœur oscille entre raison et sentiment. D’un côté, un mari narcissique qui ne cesse de la culpabiliser, mais l’assurance de conserver son statut social. De l’autre, un homme doux et honnête qui lui offre son amour mais une plongée vers l’inconnu qui pourrait entacher sa réputation si elle divorce. Hye Gyeong doit-elle rester cette femme qui accepte d’être humiliée en se tenant dans l’ombre de son mari volage, tandis que celui-ci se sert d’elle pour satisfaire ses ambitions égoïstes? Doit-elle accepter les excuses d’un mari qui lui répond simplement « tout redeviendra comme avant » quand elle tente de lui faire part de son ressenti, de ses doutes?

Pendant tout le drama, elle sera poursuivie par son mari, directement (il l’interpelle depuis la prison, puis traque ses moindres faits et gestes dès qu’il en est sorti) comme indirectement (tous les avocats, procureurs, voire les juges, lui brandissent immédiatement le nom de son mari en la voyant). Plus généralement, The Good Wife étale au grand jour l’arrogance des hommes, toujours prompts à rappeler aux femmes qu’elles ne sont pas à leur place.

Drama féministe incontestablement, The Good Wife n’en réserve pas moins une place de choix au personnage de Lee Tae Joon, qui n’est jamais unidimensionnel. Sombre, calculateur mais aussi étrangement fascinant, c’est surtout lorsqu’il s’abandonne à ses discours les plus égocentriques qu’il se montre le plus sincère. Je pense à la dispute épique qui clôt l’épisode 11, chassé-croisé plein de fureur entre les deux époux durant lequel un semblant de vérité éclate enfin. La scène est rendue plus forte par les interprétations vibrantes de Jeon Do Yeon et Yoo Ji Tae, exceptionnels tous les deux.

Nana dans The Good Wife
Nana dans The Good Wife / © tvN

Cette douloureuse prise de conscience de l’héroïne est rendue possible par le rapprochement qui s’engage entre Hye Gyeong et Joong Won. Le réalisateur installe en filigrane une incroyable tension érotique entre ces deux personnages très attachants, au détour de plusieurs séquences haletantes, parfois uniquement ponctuées de musique. La sublime fin de l’épisode 6 en est l’un des plus beaux exemples. Il faut remonter à 2014 et Secret Love Affair pour trouver peinture aussi élégante du désir féminin dans un drama.

En regardant The Good Wife, on se dit que les Coréens et les Américains ont ceci en commun que l’univers de leur séries télévisées est foisonnant, constamment mû par l’envie de tester des idées et de raconter des histoires. Soit à mille lieues du nôtre, à nous Français, qui faisons des séries juste « pour faire des séries », parce que c’est un filon, sans avoir rien à raconter de particulier la plupart du temps.  Ce superbe remake aurait beaucoup à nous apprendre…

Caroline Leroy

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