Choi Min Sik, Kim Go Eun, Yoo Hae Jin et Lee Do Hyun affrontent un démon coriace venu des profondeurs dans Exhuma, un film d’horreur à la fois effrayant et intelligent, où les fantômes du passé se confondent avec les traumatismes de l’Histoire.
Une riche famille coréenne installée à Los Angeles est victime de phénomènes étranges qui affectent un nouveau-né. Elle recrute une jeune chamane, Hwa Rim (Kim Go Eun), et son protégé, Bong Gil (Lee Do Hyun), pour pratiquer un rituel. Lorsque Hwa Rim réalise que les événements sont liés à un ancêtre de la famille, elle demande de l’aide à un géomancien, Kim Sang Deok (Choi Min Sik), et à un assistant funéraire, Go Young Geun (Yoo Hae Jin), pour exhumer le corps.
Après The Priests et Svaha: The Sixth Finger, deux films d’épouvante saisissants sur le thème de la possession démoniaque, le réalisateur Jang Jae Hyun continue d’explorer son sujet de prédilection avec Exhuma, ou Pamyo (파묘). Sorti dans les salles coréennes en février 2024, Exhuma cumule à ce jour plus de 11,9 millions d’entrées, ce qui en fait le plus gros succès de l’année sur un marché coréen saturé en blockbusters. Un succès étonnant pour un film à budget modeste et appartenant à un genre destiné à un public averti.
Débutant par une classique affaire d’ancêtre malveillant qui hante ses descendants, Exhuma possède tous les atours d’un film d’horreur, à commencer par une suspense lancinant et une capacité certaine à nous glacer les sangs. La mise en scène de Jang Jae Hyun s’attache moins à faire sursauter le spectateur qu’à l’immerger insidieusement dans une atmosphère de plus en plus sinistre et oppressante à mesure que le rituel s’organise sous nos yeux.
Comme on s’en doute assez vite, le Mal ne révèle pas immédiatement son vrai visage. Intelligemment construit, tout en suivant un déroulement linéaire, le récit joue habilement sur le principe du fléau qui en cache un autre, ce qui confère à l’histoire une dimension introspective. Le cheminement des personnages prend des allures de psychanalyse collective, où les fantômes du passé, les tabous familiaux et les traumatismes enfouis de l’Histoire sont déterrés étape par étape.
Le budget employé dans Exhuma n’est pas faramineux, mais le langage cinématographique exploite au maximum toutes les ressources à disposition. Epaulé par le chef opérateur Lee Mo Gae (Hunt, J’ai rencontré le Diable), Jang Jae Hyun filme la nature coréenne de manière organique, tout en lui imprimant une dimension mystérieuse et fantastique pour marquer l’ancrage du monde spirituel dans la terre. L’apparition inquiétante des renards sauvages, sentinelles au regard perçant postées dans la forêt, renvoie d’ailleurs à une créature du folklore coréen, le gumiho, et à son cousin japonais, le kitsune.
Les éléments surnaturels, comme le serpent à tête humaine ou la boule de feu qui danse dans le ciel, surgissent par surprise et produisent toujours leur effet. Exhuma évite aussi tous les pièges de la surenchère grâce à des effets spéciaux trouvant le parfait dosage entre le digital, les maquillages et les jeux d’ombre et de lumière. A ce titre, l’ennemi principal du film, dont le visage évoque un masque théâtral effrayant, est une vraie réussite artistique.
Exhuma doit aussi beaucoup aux interprètes de ses quatre personnages principaux, qui forment une équipe étonnamment attachante et dont les activités ésotériques tranchent avec un quotidien des plus normaux. Le casting met à ce titre côte à côte deux vétérans du cinéma et deux acteurs de la jeune génération.
Si Choi Min Sik (Forbidden Dream, Big Bet) et Yoo Hae Jin (The Night Owl, Confidential Assignment) se révèlent comme à leur habitude remarquables, le choix de Kim Go Eun (Yumi’s Cells, Little Women) et de Lee Do Hyun (The Glory, Une mauvaise mère ?) s’avère également judicieux. La première impose un charisme immédiat et délivre des scènes de chamanisme endiablées, exigeant des compétences physiques et vocales qui forcent l’admiration. Le second, qui est l’une des révélations de ces dernières années dans le monde des séries, donne aussi de la voix et apparaît transformé, le corps recouvert d’inscriptions bouddhiques. Le point culminant de sa performance intervient au moment où l’on s’y attend le moins.
Outre son succès en Corée, Exhuma a cartonné au Vietnam, en Indonésie, en Australie et en Thaïlande, et s’apprête à sortir aux Etats-Unis(1). En France, nous l’avons découvert à l’Etrange Festival 2024, mais une exploitation est également prévue par The Jokers Films sous un format qui n’a pas encore été communiqué. Exhuma est aussi auréolé en Corée de quatre Baeksang Art Awards : celui du meilleur réalisateur pour Jang Jae Hyun, de la meilleure actrice pour Kim Go Eun, de la révélation masculine pour Lee Do Hyun et de la direction artistique pour Kim Byeong In.
[MAJ 07/10/24] Exhuma sera projeté au Festival du Film coréen à Paris, qui aura lieu au Publiciscinémas du 29 octobre au 5 novembre 2024.
Elodie Leroy
(1) Source : Screen Daily
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