Critique : 100 Days My Prince, de la rom-com au mélo déprimant

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Le drama 100 Days My Prince s’annonçait comme une romance rafraîchissante. Mais les enjeux tiennent-ils la distance ? La réponse plus que mitigée dans notre critique.

Dans 100 Days My Prince, le prince Lee Yool (Do Kyung Soo) est victime d’une tentative d’assassinat et porté disparu. En réalité, il a été recueilli par un simple paysan et sa fille, Hong Shim (Nam Ji Hyun). Ayant perdu la mémoire, Lee Yool ne sait plus qui il est. Bientôt, il se retrouve embarqué dans une affaire rocambolesque qui le mène directement au mariage… Nos premières impressions sur le drama 100 Days My Prince étaient enthousiastes, même si nous avions relevé quelques ficèles trop classiques. Nous avons vu le drama jusqu’à la fin, et il nous a fallu un peu de courage pour en venir à bout. Voici pourquoi.

100 Days My Prince : poster de D.O.

Un mariage de rêve

Diffusé à l’automne 2018 sur tvN, 100 Days My Prince marque alors le retour de Do Kyung Soo sur le petit écran, à l’heure où sa carrière de chanteur bat son plein au sein du célèbre groupe de K-pop EXO. Son expérience au cinéma est également en train de s’étoffer – la diffusion du drama s’achève quelques semaines avant la sortie du film Swing Kids sur les écrans coréens et l’annonce de son retour dans la franchise Along With The Gods.

Le gros succès de 100 Days My Prince, qui réalise plus de 15 % en fin de parcours, est-il lié à la popularité de son interprète principal ? Certainement. Le public aurait peut-être été plus lucide sur la qualité réelle de la série sans la présence de la pop star. Il faut également compter avec celle de l’actrice Nam Ji Hyun, qui a acquis une grande popularité grâce à Suspicious Partner.

Nam Ji Hyun (100 Days My Prince)

Il faut admettre que 100 Days My Prince réussit son coup en associant D.O. et Nam Ji Hyun pour former le couple vedette du drama. L’originalité réside dans l’idée de les marier dès le départ, alors que le mariage représente habituellement l’aboutissement d’une histoire romantique.

Les deux acteurs montrent une alchimie immédiate à l’écran. A la fois pétillante et naturelle, Nam Ji Hyun est de ces actrices qui savent donner le ton et insuffler le rythme dans une scène. De son côté, D.O. surprend son monde en révélant de vrais talents dans l’exercice difficile qu’est la comédie romantique, où la dynamique entre les deux partenaires est cruciale.

D.O. comme un poisson hors de l’eau

La comédie romantique occupe une bonne moitié du drama et fait mouche grâce à des scènes à la fois drôles et romantiques, au fil desquelles la relation entre les deux personnages se développe à un rythme qui n’est ni trop rapide, ni trop lent.

Do Kyung Soo (100 Days My Prince)

Les deux personnages deviennent vite très attachants, au point de nous faire temporairement oublier le cliché éculé sur lequel repose leur histoire – ils se connaissaient bien entendu quand ils étaient enfants et ont été séparés dans des circonstances cruelles.

Le scénario utilise le principe du « fish out of the water », ou poisson hors de l’eau, puisque D.O. est extrait de son milieu et se trouve projeté dans un monde inconnu, celui des paysans. Il doit ainsi découvrir un autre mode de vie, d’autres codes sociaux, ce qui ne s’opère pas sans heurt et occasionne des quiproquos et des réactions inappropriées de sa part.

D.O. et Kim Ki Doo dans le drama 100 Days My Prince

Une lutte amusante se joue entre le prince amnésique, rebaptisé Won Deuk, et la jeune femme. Elle tente de mener son ménage tant bien que mal. Il a perdu la mémoire, mais n’a pas oublié ses réflexes de classe sociale. Mal à l’aise pour un oui ou pour un non, il est dégoûté par son environnement et s’empresse de faire des achats pour le redécorer, ce qui met en péril les finances du couple.

Cette histoire à multiples rebondissements est ancrée dans un univers peuplé de personnages secondaires sympathiques, tels que Kkeut Nyeo (Lee Min Ji) et Goo Dol (Kim Ki Doo, vu dans Duel), un couple de paysans amis de Hong Shim. On n’est pas prêt d’oublier les cours de séduction de Kim Ki Doo à D.O. !

Le mélodrame contre-attaque

A défaut d’être novateur, 100 Days My Prince aurait laissé un bon souvenir, si seulement l’histoire s’était contentée de délivrer de la comédie romantique, voire de la comédie tout court. Le problème est que le drama prétend également proposer du sageuk politique et du mélodrame.

L'acteur Do Kyung Soo dans le drama 100 Days My Prince

Les scénaristes de dramas coréens sont les meilleurs du monde quand il s’agit d’insuffler quelques touches de mélodrame dans une histoire par ailleurs légère. Mais 100 Days My Prince est-il seulement un drama léger ? C’est bien là tout le problème.

En partant de la comédie, le curseur se déplace manière inéluctable vers le drame, pour faire peu à peu sombrer la série dans le sérieux et la tragédie. L’attaque du mélodrame à la coréenne est lente, mais sadique, que ce soit avec les personnages ou avec le spectateur qui croyait s’amuser avec une rom-com en costumes.

On se croirait presque revenu 15 ans en arrière, à l’époque où le cinéma coréen nous servait des comédies romantiques qui finissaient noyées dans les larmes (je suis encore traumatisée par un film de ce type intitulé Love So Divine, avec Ha Ji Won…). Sans aller jusque là, la dernière demi-heure du drama apparaît comme une maigre consolation après plusieurs épisodes déprimants.

Nam Ji Hyun (100 Days My Prince)

Un méchant aux motivations floues

Pour faire évoluer un drama entre plusieurs genres, le scénario doit être solide, voire irréprochable, afin de justifier le retour en force du mélo. Or dans 100 Days My Prince, les ressorts de l’intrigue politique s’avèrent bancals et somme toute trop banals pour nous faire supporter la déception.

Tout au long de l’histoire, je me suis demandée pourquoi le vice-premier Kim (Jo Sung Ah) voulait se débarrasser du prince, alors que celui-ci a épousé sa fille. Le vice-premier Kim a d’ailleurs mis le roi sur le trône en éliminant tous les obstacles, notamment le père de Hong Shim.

Han So Hee (100 Days My Prince)

Mais alors, pourquoi cet acharnement sur Lee Yool ? L’explication se trouve peut-être dans le drama, mais elle m’a échappée. Il est possible que l’ennui qui gagne peu à peu le spectateur contribue à faire oublier certaines informations, comme si celles-ci étaient diluées.

Toute la vivacité de la première moitié du drama meurt à petit feu pendant la seconde partie, dont les enjeux échouent à déclencher l’intérêt. Il faut ajouter que le personnage principal féminin, Hong Shim, se retrouve progressivement éjectée du cœur de l’intrigue et apparaît de plus en plus rarement dans les derniers épisodes.

100 Days My Prince

100 Days My Prince se distingue également par quelques négligences dans la réalisation. Il est à peine croyable que Lee Jong Jae, le réalisateur de l’excellent thriller d’action Duel et de l’inoubliable Another Miss Oh, ait laissé passer ici et là quelques plans flous vers le milieu du drama !

Manque de sentiment

Enfin, même le jeu des acteurs devient de plus en plus approximatif à mesure que le drama s’achemine vers le dénouement.

Si D.O. réalise un bon travail dans les scènes d’action, son jeu d’acteur se révèle paresseux à plus d’une reprise dans les moments-clés du dernier acte. Citons notamment une scène nocturne de l’épisode 14, où il prononce des paroles d’amour à Nam Ji Hyun d’une voix monocorde et sans expression particulière, cependant que sa partenaire a l’air de s’ennuyer.

Il est possible que D.O n’ait pas encore développé la capacité à jouer ce type de scène, qui nécessite du sentiment et donc une certaine maturité de jeu. Mais tout de même, où est passé le couple adorable de la première moitié du drama ?

100 Days My Prince

Jo Sung Ah, qui nous avait beaucoup plu dans Save Me et The K2, a lui aussi l’air de s’ennuyer dans son rôle cliché de méchant, un registre qu’il connaît par cœur. Et ce n’est pas Kim Jae Young (Hello Monster, Black) qui va nous réveiller avec l’air somnolent qu’il se traîne tout au long du drama, même s’il faut reconnaître que la tenue d’assassin sied à ravir à sa silhouette.

Kim Sun Ho (Two Cops) est celui qui tire son épingle du jeu avec un personnage difficile à cerner, qu’il interprète avec un certain humour. Han So Hee (Abyss) parvient elle aussi à se distinguer avec une histoire d’amour impossible, même si l’actrice aurait gagné à avoir un partenaire plus convaincant que Kim Jae Young (Black).

100 Days My Prince : poster

Le drama 100 Days My Prince étire le temps

Soulignons pour finir que le drama est pénalisé par la durée excessive de ses épisodes, dont certains avoisinent 1h30.

La chaîne tvN a développé une fâcheuse tendance à étirer les épisodes de ses dramas pour abattre la concurrence en occupant le spectateur le plus longtemps possible.

Ce procédé explique les innombrables scènes sans intérêt où les acteurs principaux comme secondaires doivent meubler les trous, ce qui plombe le rythme du drama. Une bonne demi-heure de coupe à chaque épisode aurait peut-être rendu le montage plus efficace, à défaut de sauver le scénario de la banalité dans laquelle il s’enlise peu à peu.

Espérons que la diffusion des dramas sur Netflix permettra à tvN de revenir à la raison.

Dans l’esprit du sageuk dont le héros siège au trône du Royaume de Joseon, nous préférons largement The Crowned Clown, qui joue carte sur table dès le départ s’agissant de la noirceur du scénario et qui offre autrement plus de satisfactions, tant sur le plan de la réalisation que du jeu de son acteur principal.

Elodie Leroy

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100 Days My Prince : poster
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