Invités au FFCP 2024, l’acteur Lee Hee Joon et le réalisateur Nam Dong Hyeop nous révèlent des anecdotes croustillantes sur le tournage de Handsome Guys et les réactions étonnantes au film en Corée.
L’ouverture du la 19ème édition du Festival du Film Coréen à Paris s’est faite dans la bonne humeur avec Handsome Guys, qui a conquis le public avec son scénario délirant, son humour noir et ses personnages attachants, comme nous vous l’expliquions dans notre critique du film. Nous avons eu la chance de rencontrer le réalisateur Nam Dong Hyeop, dont c’est le premier long métrage, et Lee Hee Joon, acteur charismatique vu dans Mouse et A Killer Paradox, et qui interprète Sang Gu, l’un des deux « beaux gosses » en question.
StellarSisters : Quelle a été la genèse du film et pourquoi avoir choisi de faire un remake de Tucker and Dale fightent le mal (Eli Craig) ?
Nam Dong Hyeop : Je suis un grand fan de comédies. A mes yeux, le critère qui définit une bonne comédie est que le spectateur soit mort de rire même s’il est seul chez lui. C’était mon cas avec le film Tucker and Dale fightent le mal. Quand je l’ai découvert il y a une dizaine d’années, j’étais chez moi et je me roulais par terre de rire, tellement c’était drôle. Bien entendu, à l’époque, je ne savais pas que j’allais en réaliser un remake.
Le temps a passé et j’ai rencontré mon producteur [Kim Won Kuk, ndlr] en tant qu’assistant réalisateur. J’ai travaillé dans son entreprise pendant cinq ou six ans et il m’a un jour demandé si je souhaitais débuter en tant que réalisateur. Je lui ai proposé d’adapter ce film original en apportant une touche coréenne. Je lui ai transmis un synopsis de dix pages. Il a ensuite acheté les droits et j’ai pu faire ce film.
Quelle a été votre réaction en lisant le scénario ? Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter le rôle ?
Lee Hee Joon : Quand j’ai reçu le scénario, j’étais très heureux, car j’attendais vraiment ce genre de comédie. En Corée, nous sommes très sensibles aux tendances. Or la tendance actuelle, au cinéma, est orientée vers les thrillers, avec des rôles de tueurs ou de flics. Il était rafraîchissant de recevoir un rôle qui se démarquait. J’ai eu la chance de faire ce film et j’étais le premier à faire partie du casting.
Les personnages de Lee Sung Min et de Lee Hee Joon ont l’air effrayants au premier abord, mais il s’avère qu’ils ont juste envie de mener une vie tranquille. Comment avez-vous travaillé sur ce contraste entre les apparences et la réalité des personnages ?
Lee Hee Joon : En fait, avec l’acteur Lee Sung Min, on est tellement des beaux gosses qu’il était difficile de nous rendre affreux ! Nous avons eu beaucoup de mal, mais nous avons eu plein d’idées. Nous avons par exemple joué sur les costumes ou la démarcation de la peau cramée.
Nam Dong Hyeop : En Corée, Lee Sung Min et Lee Hee Joon sont considérés comme des acteurs assez beaux. Dans les cinq ou dix premières minutes du film, certains spectateurs appréhendaient de les voir s’enlaidir volontairement. Mais grâce à leur jeu, Lee Sung Min et Lee Hee Joon ont réussi à convaincre ces spectateurs. A l’étranger, j’ai remarqué qu’ils n’étaient pas considérés comme des beaux gosses. Finalement, le film passe encore mieux avec le public occidental, puisqu’il les voit différemment.
Le film montre un choc entre deux générations, avec les jeunes gens d’un côté et les personnages de Jae Pil et Sang Gu de l’autre. Le respect des générations plus âgées est très important en Corée. Or dans le film, dès l’instant où les jeunes les prennent pour des psychopathes, ils perdent tout respect pour eux. Aviez-vous la volonté de casser les codes sociaux ?
Nam Dong Hyeop : Mon intention n’était pas de délivrer un grand message philosophique, mais il est vrai que j’avais en tête l’idée de faire réfléchir le public à tous les préjugés qui existent sur Terre. Je pensais notamment aux préjugés que les riches portent sur la classe populaire, et vice-versa, ou ceux que les jeunes portent sur les plus âgés, et vice-versa. Ces préjugés existent et sont assez dangereux. Je voulais attirer l’attention sur cet aspect, sans pour autant délivrer de grands messages.
En début d’année, nous vous avons vu dans A Killer Paradox, où vous étiez effrayant. Au contraire, dans ce film, votre personnage montre un côté mignon, surtout dans les scènes avec la jeune fille. Avez-vous un secret pour entrer dans vos personnages ?
Lee Hee Joon : J’observe beaucoup les autres. C’est très important pour moi. Pour Handsome Guys, je me suis beaucoup inspiré des personnes âgées que je voyais dans les parcs. J’ai été leur parler pour les interviewer. Je me suis aussi inspiré d’un ami de ma ville natale. J’ai passé beaucoup de temps à m’entretenir avec lui. Plutôt qu’un secret, j’aime vraiment observer les gens et participer à la caractérisation des personnages.
Vous est-il déjà arrivé, quand un personnage montre des émotions extrêmes, de les laisser déborder dans votre vie privée ?
Lee Hee Joon : Bien sûr. Certains acteurs affirment le contraire, mais en ce qui me concerne, ces émotions m’affectent beaucoup. Je suis très influencé par le caractère des personnages que j’interprète, par leur point de vue sur la société. Tout s’infiltre en moi. Dans le cas du drama A Killer Paradox, je pensais que cela ne poserait pas de problème, mais j’ai finalement été très imprégné de ce rôle et j’ai eu besoin de temps pour récupérer. De ce fait, quand on me propose une comédie, ma vie privée devient beaucoup plus légère et ludique. Le tournage de A Killer Paradox a duré six à sept mois. Je me souviens que mon fils de six ans m’a pris en photo pendant cette période. En découvrant la photo, j’ai été surpris par mon propre regard. C’était presque un regard de tueur.
Dans Handsome Guys, la scène de danse de Lee Hee Joon est-elle improvisée ou chorégraphiée ?
Lee Hee Joon : Le réalisateur m’avait indiqué une chanson. Je pensais qu’il y aurait un chorégraphe et j’ai découvert qu’il n’y en avait pas. Il n’y avait que la musique. Je lui ai demandé comment faire et il m’a dit de me débrouiller, de danser de manière naturelle. Je suis rentré chez moi, et jusqu’à la veille du tournage, j’ai essayé de trouver une chorégraphie et des pas de danse, mais je bloquais. J’ai donc appelé à l’aide un ami qui s’appelle Kim Seol Jin et qui est un chorégraphe célèbre en Corée. Je lui ai expliqué la scène. Il m’a dit que n’importe quel geste conviendrait et qu’il s’agissait juste de montrer que j’étais attiré par la fille. Il m’a aussi conseillé de ne pas trop me prendre la tête. Je me suis donc lancé et j’ai imaginé cette chorégraphie. Par la suite, en me voyant à l’écran, j’ai eu l’impression d’être une sorte d’énorme oiseau faisant la cour à une fille. C’était assez embarrassant ! (rires)
Nam Dong Hyeop : Au début, je n’avais pas du tout dans l’idée de faire une scène chorégraphiée. Je pensais qu’il danserait un peu n’importe comment. Je n’imaginais pas qu’il préparerait aussi bien la scène, qui plus est avec les conseils d’un vrai chorégraphe ! Quand je l’ai vu danser, il était trop tard pour l’en empêcher. J’ai donc gardé la scène. En la revoyant aujourd’hui, je pense qu’elle correspond bien au personnage. C’est un moment inattendu, un revirement, qui rend Sang Gu encore plus attachant.
Je ne sais pas ce que vous avez pensé de cette scène, mais en Corée, le public féminin l’a adorée et en redemandait, alors que le public masculin l’a détestée et l’a trouvée beaucoup trop longue. Il se demandait pourquoi il devait subir la vue des poils d’aisselles de Sang Gu. (rires) Nous avions d’ailleurs tourné d’autres scènes qui auraient provoqué un scandale encore plus grand. Dans une scène, Sang Gu rampait par terre en balançant ses fesses de gauche à droite. J’ai effacé ces scènes pour protéger mon acteur face à la violence qui aurait pu se déchaîner contre lui de la part du public masculin. (rires)
Qu’en a pensé l’actrice Gong Seung Yeon ?
Nam Dong Hyeop : Elle était un peu embarrassée au début, mais la scène est finalement très attachante. Non seulement Sang Gu danse très bien, mais le personnage de Mina accueille cette danse de manière très légère et positive. Je me souviens quand même qu’elle m’a demandé si le personnage devait danser aussi bien.
Le film comporte beaucoup de clins d’œil à des classiques du film d’horreur américain des années 70-80, comme Massacre à la tronçonneuse ou Evil Dead. Cette époque du cinéma américain, qui est un âge d’or, vous tient-elle à cœur ?
Nam Dong Hyeop : Je parais très jeune, mais je suis né en 1978. J’ai donc vécu cette époque des années 80. Ces films hollywoodiens ont eu une grande influence sur moi, notamment La Malédiction et Evil Dead. Même les comédies comme Les Goonies ou Y a-t-il un pilote dans l’avion ? sont des films hollywoodiens que j’aimais beaucoup quand j’étais jeune. Ces souvenirs me sont restés en tant qu’adulte. Ils ont imprégné de manière naturelle Handsome Guys.
Avec la diffusion mondiale des films et des dramas coréens, notamment par le biais des plateformes, l’industrie du divertissement coréen fait face à de nouveaux défis. Comment voyez-vous l’avenir dans ce contexte ?
Nam Dong Heop : Tout au long de son histoire, le média qu’est le cinéma a traversé de nombreuses crises. La première a été la compétition avec la télévision, qui est venue menacer le cinéma. C’était la plus grande crise. Il y a eu ensuite plusieurs crises économiques successives. Récemment, nous avons eu la pandémie, qui a accéléré l’essor des plateformes. Néanmoins, la télévision ne peut pas rivaliser avec la puissance irremplaçable des salles de cinéma. Cette puissance est éternelle à mes yeux. Même si nous vivons encore les effets de la pandémie, le public retrouvera bientôt le chemin des salles. Je le crois dur comme fer.
Propos recueillis par Elodie Leroy
Remerciements à l’équipe du Festival du Film Coréen à Paris.