La série coréenne Mouse

Critique : Mouse, thriller virtuose et poignant

Lee Seung Gi livre une performance flamboyante dans l’un des thrillers les plus surprenants de ces dernières années.

Diffusé du 3 mars au 19 mai 2021 sur la chaîne tvN, Mouse était la seule série coréenne à être projetée cette année dans le cadre du festival international Séries Mania. Il faut dire que le thriller imaginé par Choi Ran (Black) et dirigé par Choi Joon Bae (Come And Huge Me) apparaît comme une œuvre complètement hors normes dans le paysage des thrillers, mais aussi des séries en général. A la fois grave, palpitant et incroyablement fun, Mouse éblouit par la créativité de son scénario, la maitrise de sa réalisation et le talent de ses acteurs, à commencer par le duo Lee Seung Gi / Lee Hee Joon. Lee Seung Gi surprend notamment avec une interprétation incroyablement riche dans un contre-emploi, faisant de Mouse un voyage sensationnel et émouvant que l’on n’est pas près d’oublier.

Cette critique comporte quelques spoilers.

Lee Seung Gu dans Mouse (tvN)

Les psychopathes sont parmi nous

Jeune policier épris de justice, Jung Ba Reum (Lee Seung Gi) n’a de cesse de venir en aide aux habitants de son quartier. Il est notamment proche d’Oh Bong Yi (Park Ju Hyun), une jeune fille de son quartier, et de sa grand-mère (Kim Young Ok). Alors qu’une sordide affaire de meurtres en série secoue la nation entière, Ba Reum voit sa vie bouleversée lorsqu’il se retrouve lui-même confronté au suspect. Cette rencontre le conduit bientôt à mener l’enquête auprès de Go Moo Chi (Lee Hee Joon), un policier de la criminelle en pleine crise existentielle. Ce dernier est également le principal contact de la célèbre reporter Choi Hong Ju (Kyung Soo Jin), spécialisée dans les émissions à sensations fortes.

Mouse part du postulat original qu’il serait devenu possible d’isoler le gène du psychopathe, et par là-même de choisir de mettre au monde ou non les enfants qui le possèdent. Le sujet est assurément audacieux, voire dérangeant, et le premier épisode de la série risque de heurter certaines âmes sensibles, notamment le temps d’une scène de meurtre particulièrement éprouvante qui compte de jeunes enfants parmi les protagonistes.

La tension monte encore d’un cran lorsque nous sommes invités à suivre le parcours inquiétant d’un petit garçon du nom de Jae Hoon (Kim Kang Hoon), qui semble posséder les caractéristiques du psychopathe – aucune émotion ni empathie, propension à torturer les animaux et à manipuler les autres enfants.

Quel est le lien entre cet enfant et le policier optimiste Jung Ba Reum, avec lequel nous faisons connaissance quelques années plus tard dans le deuxième épisode ? Cette question cruciale hante le premier tiers de Mouse, en particulier lorsque les soupçons commencent à peser sur un médecin du nom de Sung Yo Han (Kwon Hwa Woon), qui paraît avoir le même âge que Ba Reum.

La vérité sans cesse réinventée

La scénariste Choi Ran est connue pour ses histoires alambiquées et ses cliffhangers déments, comme elle le démontrait déjà avec Iljimae en 2008 et God’s Gift – 14 Days en 2014, deux dramas de genre très différent. Avec Mouse, elle construit un scénario de thriller hors du commun, qui dévoile crescendo sa maestria narrative tout en développant ses personnages de manière vivante et multidimensionnelle.

On est notamment impressionné par la manière dont Choi Ran maintient une extraordinaire cohésion d’ensemble tout en nous invitant perpétuellement à appréhender les situations sous plusieurs points de vue. Rarement une série aura aussi bien montré à quel point la vérité peut être multiple, sans cesse réinventée par un nouveau regard.

Le propos général de Mouse est encore enrichi par le soin apporté à l’unité de chaque épisode, dont la conclusion souvent saisissante fait rebondir l’intrigue dès que démarrent les premières notes du morceau Blood Taste, tel un rituel macabre.

Le meilleur exemple en est l’épisode 11, qui démarre par un retour sur l’enfance de notre héros, dévoilant soudainement son désir de normalité, et qui se conclut par un voyage au bout de l’enfer d’une puissance quasi mythologique.

On pense également à l’épisode 12, qui met en scène le corps abandonné d’un criminel sous des détritus, auprès duquel se succèdent tous les protagonistes du drama sans qu’un seul lui porte secours. Ce tableau ironique, qui fait écho au flashback dérangeant qui ouvre l’épisode, encourage intelligemment le spectateur à s’interroger sur ses propres convictions, notamment sur le sujet de la peine de mort.

A cet égard, il faut aussi saluer le travail de Choi Joon Bae, dont la mise en scène tout en précision se renouvelle continuellement pour favoriser cette mise en perspective.

Dans Come and Hug Me, son précédent drama, le réalisateur était déjà parvenu à créer une ambiance inquiétante autour du personnage de tueur en série interprété par Heo Jun Ho, tout en explorant sa relation possessive avec son fils interprété par Jang Ki Yong. Il parfait son art de manière spectaculaire avec Mouse, aidé par un montage visuel et sonore très fluide, donnant l’impression qu’un film se déroule en continu devant nos yeux. Les qualités cinématographiques du drama sont plus que jamais apparues comme une évidence lors de la projection du drama sur grand écran à l’occasion du festival Série Mania.

Malgré la noirceur de son thème et le sadisme exprimé à travers les différents meurtres qui parsèment l’intrigue, Mouse surprend agréablement par son absence totale de complaisance à l’égard de la violence. Celle-ci est d’ailleurs la plupart du temps assénée hors champ, l’accent étant mis sur les sentiments des différents protagonistes, à savoir la victime et le bourreau, mais aussi les proches de la victime, dont la place devient centrale à mesure que l’intrigue se déploie.

Plusieurs protagonistes ont en effet en commun un vécu douloureux, souvent caractérisé par la perte d’un être cher. C’est le cas de Go Moo Chi, qui ne s’est jamais remis de la tragédie du meurtre de sa famille. De son côté, Bong Yi voit son traumatisme d’enfance ravivé par la libération de son ancien agresseur, tout en faisant le deuil d’un proche assassiné. Nous apprenons aussi qu’un policier et sa femme sont devenus inconsolables depuis que leur fille a disparu il y a des années. Qu’une mère a perdu son fils kidnappé par l’assassin.

Alors que son intrigue traite du parcours d’un tueur en série particulièrement cruel, il ressort ainsi paradoxalement de Mouse le sentiment d’une œuvre résolument tournée vers la vie. Plus étonnant encore, cette dimension est incarnée dans toute sa complexité par le personnage fascinant de Jung Ba Reum, dont le voyage initiatique solitaire touche à l’essentiel de la condition humaine.

Lee Seung Gi casse son image

Si l’émotion nous submerge à la fin de Mouse, le mérite en revient cependant à Lee Seung Gi, qui livre une performance absolument époustouflante dans ce rôle difficile.

Comme la scénariste Choi Ran nous l’avait elle-même confié dans l’interview qu’elle nous avait accordée, le choix de ce dernier n’avait pourtant rien d’une évidence. Personnalité adorée des Coréens depuis ses débuts de chanteur en 2004, Lee Seung Gi a fait ses preuves en tant qu’acteur au fil des années, à travers des séries de qualité telles que The King 2 Hearts, Gu Family Book ou Vagabond. Toutefois, il n’avait jamais incarné jusqu’à présent de personnage moralement ambigu.

Dans Mouse, l’acteur tire le meilleur parti de sa capacité à se rendre immédiatement sympathique et familier pour mieux nous glacer les sangs en cours de route. Lee Seung Gi impressionne par la manière progressive et détaillée dont il nous fait vivre l’incroyable transformation que vit son personnage, en particulier dès lors que celui-ci perd la mémoire et endure les réminiscences pénibles d’un passé qu’il ne reconnaît pas. Entre le premier et le dernier épisode, Jung Ba Reum ne présente pas seulement deux, mais au moins trois ou quatre facettes différentes. Il parvient néanmoins à conserver l’unité de son personnage tout du long, en nous faisant ressentir avec force le regard que celui-ci porte sur lui-même à mesure qu’il se découvre, et ce jusqu’à la dernière minute.

Pour savourer pleinement l’interprétation de Lee Seung Gi, il est aussi recommandé de visionner les deux épisodes spéciaux Mouse – The Predator, qui se situent entre les épisodes 14 et 15. Frissons garantis.

Dans le rôle du flic au sang chaud Go Moo Chi, l’acteur Lee Hee Joon, vu dans Mistress et The Legend Of The Blue Sea, se révèle également être l’interprète idéal. Il est à la fois suffisamment rugueux pour offrir un contraste intéressant avec Lee Seung Gi, et très humain dans son approche du rôle. Si sa performance est superbe tout au long de Mouse, son moment de bravoure se situe indéniablement à l’épisode 5, lorsque Moo Chi se retrouve poussé dans ses retranchements dans le cadre d’un direct télévisé qui tourne mal.

Du côté des actrices, Park Ju Hyun confirme tout le bien que l’on pensait d’elle dans Extracurricular, dans le rôle cette fois très solaire de Bong Yi. Son naturel, sa fraîcheur et son excellente alchimie avec les deux acteurs principaux retiennent particulièrement l’attention. Kyung Soo Jin, vue dernièrement dans Train, livre de son côté une interprétation à la fois sobre et juste en reporter pugnace.

Dans le rôle mystérieux et peu loquace de Sung Yo Han, l’acteur Kwon Ha Woon (Doctor John) parvient aussi à tirer son épingle du jeu, tandis que Kim Kang Hoon (My Country: The New Age) impressionne par sa présence et la force de son regard malgré son jeune âge.

Comme tous les grands dramas, Mouse compte également d’excellents acteurs secondaires qui sont tous parfaitement à leur place, de Jo Jae Yoon (SKY Castle) à Ahn Nae Sang (L.U.C.A. : The Beginning) en passant par Kim Young Ok (Squid Game) en grand-mère gâteau et Ahn Jae Wook (Five Enough) dans le rôle du charismatique Han Seo Joon.

Pour prolonger l’expérience, il est à noter que l’univers de Mouse se décline par ailleurs dans pas moins de moins cinq épisodes spéciaux – dont le diptyque The Predator évoqué plus haut. Le dernier épisode spécial, intitulé Mouse – The Last, convoque les acteurs principaux et apporte au passage quelques éléments de réponse supplémentaires sur la fin du drama. A bon entendeur.

Caroline Leroy

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