Le drama You Raise Me Up s’intéresse à la question épineuse du trouble de l’érection. Si les bonnes intentions ne font aucun doute, l’exécution s’avère nettement moins convaincante.
Source de souffrance et sujet tabou s’il en est, l’impuissance masculine est abordée frontalement dans You Raise Me Up, un mini-drama coréen de 8 épisodes réalisé pour la plateforme Wavve et sorti en toute discrétion l’été dernier. En vedette, nous retrouvons Yoon Si Yoon et Ahn Hee Yeon dans une romance sur fond de traitement médical et psychologique. Si le drama a le mérite de nommer le problème sans détour et de transmettre ici et là quelques messages pertinents, la facture médiocre de la production et la caractérisation ratée du personnage principal font vite retomber l’intérêt comme un soufflet.
Spirale de l’échec
Selon une enquête publiée en 2019 par l’Ifop, six hommes français sur dix ont connu au moins une fois dans leur vie un trouble de l’érection et environ 38 % au cours des douze derniers mois. Ce sujet universel n’a donc rien d’une plaisanterie. Il est au cœur de l’histoire développée dans le drama You Raise Me Up.
A trente ans passés, Do Yong Sik (Yoon Si Yoon) est au chômage et tente depuis des années de réussir son examen d’entrée dans la fonction publique. Il garde aussi un secret douloureux : depuis deux ans, il ne parvient plus à avoir de rapports sexuels avec une femme. Après avoir été humilié par d’anciens camarades de classe, il s’aperçoit qu’il n’arrive même plus à se masturber.
Bref, ça ne va pas très fort pour Yong Sik. Alors, lorsqu’il prend enfin son courage à deux mains pour aller voir une urologue, et qu’il s’aperçoit que celle-ci n’est autre que Ru Da (Ahn Hee Yeon), son premier amour, le pauvre garçon est au bord du gouffre.
Décidée à l’aider à relever la tête, Ru Da lui prépare un programme combinant traitement urologique et prise en charge psychologique. Mais comme notre homme n’a décidément pas de chance, le psychiatre du cabinet se trouve être Do Ji Hyuk (Park Ki Woong), l’ex-petit ami de Ru Da qui cherche à la reconquérir…
Problèmes d’érection et déco rose bonbon
La première chose qui surprend, dans You Raise Me Up, est le manque d’ambition de la production, qui mise sur une direction artistique inexistante et une mise en scène trop molle pour créer un quelconque moment d’excitation chez le spectateur.
Si le drama fait parfois mouche dans les moments de comédie, notamment dans la partie sympathique où Ru Da tente de relooker et de booster la confiance en soi de Yong Sik, les moments dramatiques – qui s’avèrent malheureusement plus nombreux – viennent plomber l’ambiance en ralentissant le rythme au moyen de scènes interminables où le héros se complaît dans l’autoflagellation et pleure sur son sort.
Le parti pris de mettre l’accent sur les états émotionnels de Yong Sik aurait pu fonctionner si le développement du personnage avait fait preuve d’un minimum de finesse. Au lieu de cela, et alors que le drama insiste sur la part psychologique du trouble de l’érection, le scénariste choisit d’opter pour une vision caricaturale de ce jeune homme atteint d’un trouble somme toute pas si rare que cela.
Lorsque nous faisons la connaissance de Yong Sik, il se trouve déjà au fond du trou. L’idée de faire de notre héros un anti-macho aimant la couleur rose était bonne, mais était-il nécessaire de décorer son appartement à la manière d’une chambre de petite fille de six ans ? Pas sûr que les hommes ayant connu ce type de trouble au cours de leur vie se reconnaissent dans ce portrait outrancier.
Le processus psychologique qui l’a conduit à cette situation, qui nous est dévoilé au travers de flashbacks insérés sommairement dans le récit, n’est pas non plus des plus subtils. En l’occurrence, cet anti-macho s’en tire finalement avec le beau rôle dans la scène traumatique où tout a commencé. Comme si le scénario n’assumait pas son parti pris de départ, c’est-à-dire de faire de ce personnage un loser.
Le seul élément qui donne un peu de consistance à You Raise Me Up est l’amitié de Yong Sik avec Kim Byung Jang (Kim Seol Jin), alias Jennifer, un travesti qui assume pleinement sa transformation. Ces scènes de complicité réorientent le drama vers ce qui aurait pu (ou dû) être son propos, à savoir l’impact toxique du modèle de virilité imposé aux hommes sur ceux qui connaissent un passage à vide dans leur vie. On eut aimé voir cette idée développée davantage, notamment à travers la relation de Yong Sik avec sa mère, une autre piste intéressante mais laissée sur le bord de la route, au profit de la romance gnangnan qui occupe le devant de la scène.
Bégaiement de carrière pour Yoon Si Yoon
De manière amusante, le nom de Do Yong Sik, le personnage interprété par Yoon Si Yoon, évoque immédiatement celui de Yook Dong Sik, son personnage de Psychopath Diary. Les deux individus ont d’ailleurs des points communs, comme un sentiment d’échec professionnel, une difficulté à s’affirmer devant les autres et une extrême timidité avec les femmes, ce qui donne passablement l’impression que la carrière de l’acteur bégaie. Cela dit, Yong Sik est loin d’être aussi attachant que Dong Sik !
Si les humiliations qu’il encaisse créent logiquement une certaine empathie au début de la série, Yong Sik finit par irriter à force de misérabilisme sur sa condition. Et ce n’est pas le triangle amoureux qui se joue avec Ru Da et Ji Hyuk qui va relever le niveau.
La romance infantile de Yong Sik et Ru Da consiste principalement à voir la jeune femme se mettre à plein temps au service du bien-être psychologique de son amour passé. Pour un drama qui prétend bousculer les stéréotypes, on s’étonne que leurs rencontres cochent strictement toutes les cases du drama romantique coréen de base en accumulant les clichés, entre le moment où Yong Sik porte Ru Da sur son dos et celui où il la sauve in extremis en encaissant un choc à sa place. On a vu plus moderne.
Sur le plan de l’interprétation, on a également connu Yoon Si Yoon plus inspiré. Son jeu dans You Raise Me Up est à l’image de l’écriture de son personnage, c’est-à-dire sans aucune finesse. A sa décharge, il faut reconnaître que la direction d’acteurs est inexistante, ce que l’on devine par le statisme, voire la crispation des acteurs dans les scènes dialoguées. Ahn Hee Yeon (How To Be Thirty), alias Hani du groupe EXID, ne se montre pas plus brillante, mais elle est également desservie par un personnage de donneuse de leçons égocentrique et unidimensionnel.
Seul Park Ki Woong (Kkondae Intern) tire son épingle du jeu en jouant de son sourire mutin et en apportant une touche de second degré bienvenue. On finit par le trouver attendrissant dans son malheur, qui consiste à se trouver relégué à la place peu enviable du bouche-trou de service, un rôle ingrat que l’acteur aborde avec une décontraction admirable. Les autres personnages secondaires sont fantomatiques, une preuve de plus de la pauvreté d’écriture de la série.
Le drama You Raise Me Up est sorti le 31 août 2021 sur Wavve et il actuellement disponible sur la plateforme Viki.
Elodie Leroy
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