A Time Called You : une version édulcorée et sans audace de Someday or One Day

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Ahn Hyo Seop et Jeon Yeo Bin ne font pas d’étincelles dans ce remake coréen peu inspiré de Someday or One Day, qui ne peut compter que sur la solidité du matériau original.

Même si elle continue de mener une vie ordinaire, Han Joon Hee (Jeon Yeo Bin) ne s’est pas remise de la mort de son petit ami Gu Yeon Jun (Ahn Hyo Seop) dans un accident d’avion il y a un an. Alors qu’elle continue de ressasser ses souvenirs avec lui, elle reçoit le jour de son anniversaire un bouquet de fleurs et un mystérieux colis comprenant un walkman et une cassette audio, mais aussi une photo montrant notamment une jeune fille qui lui ressemble trait pour trait et un garçon qui est le sosie de Yeon Jun.

Intriguée, Joon Hee décide d’écouter la cassette. C’est alors qu’elle se retrouve projetée de l’année 2023 vers l’année 1998 dans le corps de la fille de la photo, qui s’appelle Kwon Min Joo (Jeon Yeo Bin). Elle découvre avec stupéfaction que le garçon qu’elle prenait pour Yeon Jun s’appelle Nam Si Heon (Ahn Hyo Seop) et s’avère être l’un des amis de Min Joo, avec Jung In Gyu (Kang Hoon).

Au fil des jours, les deux garçons s’étonnent de voir la timide lycéenne devenir soudain beaucoup plus extravertie. Mais ce changement n’est pas pour déplaire à Si Heon, qui commence à manifester un intérêt romantique pour la nouvelle Min Joo.

Jeon Yeo Bin dans A Time Called You

Disponible depuis le 8 septembre 2023 sur Netflix, A Time Called You est l’adaptation coréenne de la série taïwanaise Someday or One Day mettant en vedette Alice Ke et Greg Hsu. Lors de sa diffusion à Taïwan en 2019 puis dans le reste de l’Asie courant 2020, celle-ci a rencontré un immense succès au point de s’imposer comme l’une des séries asiatiques les plus marquantes et célébrées de ces dernières années.

L’annonce du remake coréen avait donc de quoi intriguer, d’autant plus qu’il était aux mains de Kim Jin Won, le réalisateur de Nice Guy, Just Between Lovers et du chef d’œuvre My Country: The New Age, son dernier drama en date. Mais le résultat n’est à la hauteur ni de son talent, ni du drama original.

La première pensée qui vient à l’esprit est que ce remake, dont le casting a été lancé dès la fin 2021, est sans doute intervenu trop tôt après le succès de l’original qui, précisons-le, s’est conclu par un film sorti dans les salles taiwanaises en 2022. Someday or One Day possède de surcroît le rare pouvoir de rester longtemps dans les cœurs, ce qui en fait une série particulièrement délicate à revisiter.

Il est possible que les novices soient séduits par la trame pleine de rebondissements de A Time Called You. La scénariste Choi Hyo Bi (Babysitter) reprend fidèlement les grandes lignes de son modèle, quitte à reproduire à l’identique certains passages. Et pourtant, les spectateurs qui ont aimé Someday or One Day trouveront difficilement leur compte dans cette pale réédition qui en gomme à la fois le charme et les aspérités.

Là où l’original mêlait avec brio les genres du voyage dans le temps et de la romance pour servir un propos sensible et profond sur les difficultés de l’adolescence, A Time Called You met avant tout l’accent sur le thème de l’amour prédestiné sur fond de fantastique.

D’un point de vue formel, on salue la cinématographie chaude et harmonieuse de Yoon Myung Seok, le directeur photo de My Country: The New Age, qui fait des merveilles dans les scènes d’extérieur de nuit et les scènes d’intérieur. La direction artistique est également remarquable, notamment dans le soin apporté au détail des intérieurs. Le drama a ainsi pour atout un soin esthétique qui participe à mettre en valeur les acteurs dans chaque situation.

Même si cela fonctionne très bien durant la majorité du drama, la propension du réalisateur à sublimer à tout prix les scènes clés de l’intrigue le conduit parfois à figer certaines d’entre elles dans une imagerie de carte postale, en particulier dans les parties situées en 1998.

C’est le cas dans la scène où Kwon Min Joo et Jung In Gyu rentrent ensemble de l’école dans l’épisode 2. Alors que la scène originale se déroule dans un décor simple afin de focaliser l’attention sur la discussion entre les deux adolescents, le remake ajoute autour d’eux de magnifiques cerisiers en fleurs qui auraient presque tendance à nous distraire de l’essentiel – la naissance de leur amitié.

Un autre exemple de cet écueil est la scène où Nam Si Heon est émerveillé en voyant Kwon Min Joo / Han Joon Hee courir sous la pluie, moment qui sera immortalisé plus tard sous forme d’un dessin. Dans Someday or One Day, cet instant est capturé par hasard par le protagoniste dans un décor gris et pluvieux, et montre à quel point le prisme de l’amour peut rendre magique une vision qui passerait inaperçue aux yeux d’autres personnes. Dans la version coréenne, la jeune fille court sur un chemin entouré d’immenses arbres et baigné dans une lumière magnifique, ce qui gomme cette subjectivité.

Ce parti-pris superficiel explique également que le scénario ne s’attarde pas tant que cela au début du drama sur les états d’âme de l’héroïne, alors que cela est nécessaire pour appréhender le vide qu’elle ressent depuis la disparition de l’amour de sa vie.

Dans A Time Called You, l’idée semble avant tout de laisser place le plus rapidement possible aux scènes impliquant Ahn Hyo Seop, qui est le premier nom cité au générique, contrairement au drama taïwanais dans lequel Alice Ke est bien l’actrice principale.

Dans cette logique, les personnages situés dans l’entourage de Han Joon Hee sont presque laissés sur le carreau, à commencer par ses collègues de bureau, particulièrement transparents dans le premier épisode. Sans jouer un rôle crucial dans l’action, ceux-ci participaient dans l’original à ancrer l’héroïne dans sa vie quotidienne et à nous attacher à ses émotions.

De même, le contexte de vie de la lycéenne Kwon Min Joo n’est pas suffisamment développé pour que l’on saisisse pleinement la situation d’isolement dans lequel elle se trouve, entre ses problèmes relationnels avec sa mère et son frère et ses difficultés à communiquer simplement avec ses camarades de classe.

Plus grave, le thème du mal-être adolescent, qui relie notamment Kwon Mi Joo au jeune Gu Yeon Jun se révèle complètement édulcoré, ce qui affecte le sens profond du drama. En ce sens, le caméo de Rowoon (Le Livre de notre destin), au demeurant sympathique, semble avoir pour but de détourner l’attention du manque d’audace dans le traitement de cette partie de l’intrigue.

On ne sent pas non plus la forte complicité du trio d’amis formé par Kwon Min Joo, Nam Si Heon et Jung In Gyu, et qui rend les souvenirs du passés si précieux pour ces personnages emprisonnés dans la fatalité.

L’interprétation inégale des acteurs principaux n’arrange pas la situation.

Ahn Hyo Seop a du potentiel mais reste limité dans ses expressions par son souci constant d’avoir l’air beau devant la caméra. De Abyss à Lovers of the Red Sky en passant par Dr Romantic 2, tous les dramas dans lesquels il tient le rôle principal intègrent d’ailleurs régulièrement des répliques célébrant son apparence, et A Time Called You ne fait pas exception. S’il reste plutôt convaincant en Gu Yeon Jun dans les flash-backs, sa coquetterie pose par ailleurs certains soucis de réalisme, comme le fait qu’il affiche une musculature aussi impressionnante dans la peau d’un lycéen, ou à l’inverse qu’il ait l’air si jeune et cool lorsqu’il est censé avoir la quarantaine, quand Greg Hsu adoptait à l’inverse une dégaine plus mûre et quelques cheveux blancs.

Actrice plus confirmée, reconnue tant au cinéma (After My Death) qu’à la télévision (Vincenzo), Jeon Yeo Bin présente une performance plus solide, mais elle ne parvient pas toujours à restituer avec naturel les nuances de ses différents personnages. Si elle fait preuve de justesse dans le rôle de Han Jun Hee quelle que soit l’époque, son interprétation de la timide lycéenne Min Joo apparait forcée, tant dans ses attitudes que dans sa manière de parler. Elle gagnerait aussi à travailler sa vocalisation pour éviter les inflexions stridentes dans les scènes dramatiques.

Quant à Kang Hoon (The Red Sleeve), il connait le problème inverse de ses partenaires en restant trop égal à lui-même. Plus précisément, son jeu minimaliste n’évolue pour ainsi dire pas entre le début et la fin du drama. Il souffre ainsi fortement de la comparaison avec son homologue taiwanais Patrick Shih, qui était beaucoup plus attachant.

A la décharge de Kang Hoon, l’écriture de son rôle reste sommaire, le cantonnant à une place de faire-valoir des deux stars. Or Ahn Hyo Seop et Jeon Yeo Bin sont loin d’avoir l’alchimie que l’on attend d’un couple au parcours si extraordinaire, ce qui rend ce sacrifice particulièrement regrettable.

Néanmoins, l’erreur de casting la plus problématique est indéniablement Min Jin Woong (Secret Royal Inspector Joy) dans un double rôle. Non seulement il est déconcertant de voir un acteur de 37 ans jouer les lycéens, mais plus on avance dans l’intrigue, et plus son jeu se résume à multiplier les rictus et autres grimaces, allant jusqu’à gâcher certaines scènes.

Finalement, la différence de qualité et d’intensité entre la chanson Last Dance de Wu Bai, qui rythme l’intrigue de Someday or One Day et la chanson Gather My Tears de Seo Ji Won, son équivalent dans A Time Called You, reflète assez justement le monde qui sépare les deux séries. Cette copie sans éclat démontre s’il en était besoin qu’il est indispensable d’avoir du recul pour apporter du neuf à une œuvre récente et aboutie.

Caroline Leroy

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