Les acteurs Yang Se Jong et Woo Do Hwan crèvent l’écran dans My Country: The New Age, un drama historique d’une beauté stupéfiante. Coup de cœur.
Il est de ces séries qui nous emportent si loin avec elles, qu’on aimerait qu’elles ne se terminent jamais. Œuvre lyrique et crépusculaire, My Country: The New Age est un drama dont la splendeur subjugue à chaque épisode, comme si tous les éléments s’étaient conjugués pour nous offrir un spectacle total.
Réalisation magistrale, distribution brillante, cinématographie somptueuse, scènes d’action extraordinaires et musique sublime sont mis au service d’un scénario qui développe ses personnages passionnants sur fond d’intrigue politique solide. Dans le rôle principal, Yang Se Jong est absolument prodigieux, et prouve avec panache qu’il compte parmi les acteurs coréens les plus talentueux en activité. Face à lui, Woo Do Hwan livre une très belle prestation qui jouera certainement un rôle pivot dans sa carrière.
Pour ces raisons, My Country: The New Age s’impose non seulement comme le drama le plus exceptionnel de l’année 2019, mais également comme l’une des plus belles séries coréennes jamais produites.
My Country: The New Age était diffusé tous les week-ends entre le 4 octobre et le 23 novembre 2019 sur la chaîne câblée JTBC. La série était également disponible en simulcast sur Netflix dans les pays asiatiques et anglo-saxons, et dix jours plus tard sur Netflix France. Cette production coréenne haut de gamme a bénéficié d’un budget conséquent de 15,2 millions d’euros, et a nécessité plus de neuf mois de tournage, de mars à novembre 2019.
Située à la fin du 14ème siècle, l’intrigue de My Country s’inscrit dans le contexte politique majeur de la transition entre les ères Goryeo et Joseon. Seo Hwi (Yang Se Jong) est le fils d’un général déchu, dont il a hérité un don pour le combat, et notamment pour le tir à l’arc. Il mène néanmoins une existence modeste auprès de sa sœur Yeon (Cho Yi Hyun), tout en entretenant une amitié de longue date avec Nam Seon Ho (Woo Do Hwan), le fils illégitime d’un noble. Il tombe également amoureux d’une jeune femme peu conventionnelle, Han Hee Jae (Kim Seolhyun), qui réside au sein d’une maison de gisaeng.
La vie de Hwi bascule lorsque Seon Ho le trahit en le faisant mobiliser de force dans l’armée, sous l’influence de son père Nam Jeon (Ahn Nae Sang). De retour après des années d’errance, Hwi découvre que sa sœur est retenue prisonnière. De son côté, Seon Ho poursuit ses ambitions en espérant transcender sa condition. Tous deux se retrouvent bientôt impliqués dans la lutte de pouvoir que se livrent le roi Lee Seong Gye (Kim Young Cheol) et son fils rebelle Lee Bang Won (Jang Hyuk). Les amis d’hier sont-ils éternellement condamnés à s’affronter?
L’amitié à l’épreuve du chaos
Autour de cette histoire d’amitié, le scénariste Chae Seung Dae (Inspiring Generation) bâtit un scénario d’une remarquable intelligence, à la fois dense, crédible, tumultueux et émouvant. Progressant à un rythme idéal, l’intrigue se déploie sur plusieurs périodes séparées par quelques années, au gré des retrouvailles de Seo Hwi et Nam Seon Ho. Elle ne souffre d’aucun temps mort, tout en nous laissant le loisir d’en capturer chaque détail.
Le drame de Hwi et Seon Ho est celui de deux amis dont les parcours et les émotions se retrouvent constamment en décalage. Leur discorde ne repose ni sur une opposition de personnalités ni sur une rivalité amoureuse. Il n’est pas non plus question de « destin ». En revanche, My Country: The New Age s’intéresse à l’impact de l’action des puissants aînés sur l’existence des jeunes gens, censés leur être entièrement soumis.
La manière dont Chae Seung Dae confronte ses protagonistes de fiction aux figures historiques de Lee Seong Gye, premier roi de la Dynastie Joseon, et Lee Bang Won, père du roi Sejong le Grand, confère une envergure supplémentaire à My Country: The New Age. Le génie du scénariste s’exprime notamment dans son art de nous laisser appréhender les motivations profondes de chaque protagoniste, bon ou mauvais, historique ou fictionnel. Tout du long, il maintient un parfait équilibre entre les idées véhiculées par ses personnages, et leur incarnation très vivante dans l’intrigue romanesque.
Il propose ainsi une réflexion percutante sur l’obsession du pouvoir, à mesure que la lutte pour le trône précipite nos jeunes héros dans l’agonie de la guerre.
Route sanglante et romance désenchantée
Un chagrin irrépressible nous submerge face à ces deux amis contraints de s’affronter alors qu’ils ne ressentent pas d’animosité l’un envers l’autre. Tandis que leurs trajectoires se croisent et se répondent, tous deux dévoilent une ambivalence grandissante, qui fait tout le prix de leur voyage.
Nam Seon Ho apparaît au premier abord comme le plus sombre des deux personnages. En tentant à tout prix de se rapprocher de la cour, il espère non seulement conjurer sa condition de bâtard, qu’il considère comme une malédiction, mais aussi conquérir son indépendance. Depuis toujours, il peine en effet à se soustraire à l’influence d’un père narcissique et écrasant.
Seon Ho a commis l’irréparable en trahissant son meilleur ami. A partir de là, il multiplie à la fois les mauvais choix et les mauvaises fréquentations, qui le conduisent à user de son épée et à s’approcher toujours plus près du point de non retour. Pourtant, Seon Ho n’est pas fait que d’ombre. Ses sentiments pour Hwi et sa sœur Yeon sont fervents et sincères. Sa volonté de s’amender ne fait aucun doute.
De son côté, Seo Hwi possède un caractère doux et amène, mais il est également un archer et un sabreur redoutable. Alors qu’il n’a jamais voulu se mêler des affaires des autres, il fait alliance de plein gré avec le prince Lee Bang Won. S’il se montre loyal envers ses amis, qui lui vouent en retour une affection sans borne, personne ne semble pouvoir le détourner de sa quête éperdue de vengeance. Depuis son enfance, il a en effet dédié sa vie à sa petite sœur. Pour elle, il est prêt à souffrir le martyr.
Sans l’avoir pressenti, Hwi entame bientôt un parcours douloureux qui menace à chaque pas de le détruire de l’intérieur. Le personnage possède à la fois les caractéristiques d’un héros, et en même temps une noirceur qui s’exprime dans sa propension à ne pas accorder de valeur à sa propre vie. Dans une scène émouvante de l’épisode 11, ses amis lui rappellent justement qu’il doit prendre soin de lui, ne serait-ce que parce qu’il compte pour eux. Il lui faut apprendre à vivre pour lui-même, et ainsi à s’ouvrir aux autres et au monde.
Hwi vit parallèlement une romance désenchantée avec Hee Jae, qui illustre plus que jamais l’impossibilité du bonheur à laquelle semblent condamnés les jeunes gens nés dans cette époque chaotique.
Cette histoire d’amour entrecoupée de longues périodes de séparation est traitée avec finesse et maturité. Il se dégage peu à peu une poésie entêtante de ces scènes intimistes montrant les deux amants partager leur affection et leur peine, leurs espoirs et leur craintes.
Formidable souffle épique
Le propos sombre de My Country: The New Age est contrebalancé par la majesté des décors naturels et le raffinement des intérieurs, rehaussés par une cinématographie somptueuse qui participe du sens de chaque plan.
Cette splendeur formelle vient soutenir une mise en scène tour à tour exaltée et contemplative. Kim Jin Won, le réalisateur de Nice Guy et Just Between Lovers, fait preuve d’un sens artistique tel dans sa manière d’appréhender l’espace, les acteurs et le mouvement, qu’il nous donne constamment l’impression d’assister à un film de cinéma.
My Country: The New Age offre à ce titre des scènes d’action parmi les plus belles jamais vues à la télévision. La plus mémorable d’entre elles demeure le plan-séquence virtuose de l’épisode 3, durant lequel Hwi et ses amis se battent pour leur survie dans l’enfer de Liaodong. Extrêmement sophistiquée dans sa conception comme dans son exécution, cette scène est traversée par un formidable souffle épique, encore amplifié par la magnifique musique River Flower.
Le même épisode comporte une autre scène de guerre d’envergure, qui voit cette fois Hwi affronter depuis le sol des soldats chargeant à cheval. Là encore, le réalisateur enchaîne les compositions de plans dynamiques et inspirées autour de son héros en action.
Kim Jin Won déploie la même maîtrise dans l’épisode 8, où la caméra suit de près Hwi pendant qu’il pénètre de force à l’intérieur de la demeure de Lee Bang Won en abattant un à un tous ses hommes à coups de flèches.
Toutes les scènes d’action de la série ont en commun une mise en relation exceptionnelle entre les images et la musique, qui en accentue à la fois la fureur et l’émotion. A ce titre, la bande originale de My Country est une merveille de la première à la dernière note, depuis les chansons (Wild Road de Kim Jae Hee, Remember de U-mb5 & SEAGATE) jusqu’à la moindre musique de fond.
Le travail sur le son mérite également d’être évoqué, notamment le bruitage utilisé lorsque Hwi bande son arc, qui lui confère un caractère spécialement tangible.
Enfin, comment ne pas mentionner le duel apocalyptique de Hwi et Seon Ho dans l’épisode 12. L’émotion suscitée par ce moment de bravoure tient autant à la qualité de sa mise en scène et de son exécution, qu’aux performances habitées de Yang Se Jong et Woo Do Hwan.
Yang Se Jong, le héros magnifique
La révélation de Duel et de Temperature of Love met son énergie au service d’un rôle d’action badass aux subtiles nuances. Convoquant tour à tour les figures du sabreur mélancolique, du héros de western et du guerrier intrépide, Yang Se Jong est sublime dans la peau de Seo Hwi.
Rapide et hyper-cinégénique dans l’action, il éblouit par la précision de ses mouvements, qu’il manie l’arc à flèches ou l’épée. Son allure élégante et sa présence charnelle à l’écran contribuent au caractère exaltant de ces scènes.
De la même manière, il joue avec tout son corps dans les séquences dramatiques. Il est particulièrement superbe durant les épisodes 9 et 10, qui culminent en une scène déchirante où Hwi, à moitié mort, vient défier Nam Jeon sur son territoire.
Comme son personnage, Yang Se Jong possède une dualité troublante : un charisme chaleureux allié à un jeu d’acteur réaliste, empreint d’une gravité rare. A travers son interprétation, il émane de Hwi une tristesse poignante, mais également une lumière qui ne cesse jamais de briller en dépit des épreuves qu’il traverse.
Il faut dire que le héros de My Country: The New Age est le personnage qui évolue le plus radicalement au cours de l’intrigue. Entre le jeune homme souriant et vigoureux des premiers épisodes, et le guerrier fatigué de la dernière partie, le contraste s’avère saisissant. Avec son regard profond, sa voix rauque à vous coller des frissons et sa démarche chancelante, Yang Se Jong donne alors la mesure du poids immense qui pèse sur le cœur de Hwi. Et à nous, spectateurs, celle de son incroyable talent.
Woo Do Hwan, l’ange incompris
My Country: The New Age représente un tournant positif dans la carrière de Woo Do Hwan. L’acteur, qui avait fait des débuts prometteurs en 2017 dans l’excellent thriller Save Me et le polar Mad Dog, s’est en effet retrouvé récemment à l’affiche de production décevantes, entre le drama romantique Tempted et le film d’épouvante The Divine Fury.
Le personnage ambigu et tourmenté de Nam Seon Ho offre l’opportunité à Woo Do Hwan de révéler une richesse de jeu inédite. Il exprime avec subtilité le combat intérieur que mène le jeune guerrier dans la solitude, pendant qu’il s’aventure en toute conscience du côté obscur. Son interprétation peut également se faire vibrante d’un moment à l’autre, comme dans cette belle scène de l’épisode 9 où il éclate en sanglots en apprenant que son ami est toujours vivant.
Malgré ses actions contestables, Seon Ho ne dégage ni haine ni méchanceté. C’est un être en quête éternelle de reconnaissance, de la part de son père, bien sûr, mais aussi de la part de Hwi. Woo Do Hwan investit ce personnage d’une sorte d’ineffable dignité, tandis qu’il protège cet ami dont il semble implorer le pardon du regard. Sa beauté éthérée achève de ceindre ce personnage d’une aura étrangement angélique.
Kim Seolhyun (The Great Battle) franchit elle aussi une étape dans sa carrière d’actrice, en livrant une prestation convaincante dans le rôle de la stoïque Hee Jae. Si le personnage se situe un peu en retrait par rapport aux deux hommes, elle parvient à lui imprimer un mélange de simplicité et de noblesse qui la rend touchante, sans atténuer sa détermination. Elle se montre particulièrement juste dans ses échanges avec Yang Se Jong, auquel elle donne fréquemment la réplique.
Conflits entre générations et rencontres d’acteurs
Situé aux confins de deux époques, My Country: The New Age oppose les individus et leurs conceptions du monde, mais provoque aussi la rencontre passionnante d’acteurs, voire de générations d’acteurs.
La série nous invite à découvrir les difficiles débuts d’une nouvelle ère politique par le prisme des relations personnelles, et notamment à travers la relation conflictuelle que le roi Lee Seong Gye entretient avec son fils Lee Bang Won, dont la férocité le terrifie. Les acteurs Kim Young Cheol (Iris) et Jang Hyuk (Voice), grands habitués du sageuk, s’en donnent à cœur joie pour nous livrer des joutes verbales captivantes dans la pénombre de la salle du trône.
Le charisme retentissant de Jang Hyuk produit toutefois ses meilleurs effets en présence de Yang Se Jong. Dans My Country: The New Age, Lee Bang Won entretient une relation privilégiée, presque passionnelle avec Hwi, ce dernier exerçant sur lui une véritable fascination. Les scènes partagées par les deux acteurs comptent parmi les moments les plus jubilatoires de la série, tant leur alchimie est explosive.
Ahn Nae Sang (The Guest) trouve avec Nam Jeon l’un de ses meilleurs rôles, et représente l’autre réjouissance du casting secondaire de My Country: The New Age. Ses scènes avec Woo Do Hwan sont glaçantes, les deux acteurs restituant chacun à la perfection les sentiments en jeu dans une relation d’emprise. De même, il montre un bel acharnement à persécuter Yang Se Jong, l’occasion pour les deux hommes de nous offrir plusieurs faces-à-faces géniaux.
De son côté, Seolhyun se mesure aux actrices confirmées que sont Park Ye Jin (Mr. Back), qui interprète la reine Shindeok, et Jang Young Nam (The Crowned Clown), qui interprète la patronne de la maison de gisaeng.
Le casting de la série TV se complète des excellents Ji Seung Hyun, In Gyo Jin et Lee Yoo Joon, qui jouent les trois inséparables amis de Hwi. In Gyo Jin, vu également cette année dans When The Camellia Blooms, se distingue par une composition originale traversée par un vrai talent comique dans le rôle de Moon Bok. Enfin, n’oublions pas la délicieuse Cho Yi Hyun (Less Than Evil), touchante dans le rôle de la sœur de Hwi.
« Mon pays »
Ultimement, les plus beaux face-à-face de My Country: The New Age, les plus lourds de sens et d’émotion, demeurent néanmoins ceux de Seo Hwi et Nam Seon Ho, de Yang Se Jong et Woo Do Hwan. Tout du long, l’alchimie des deux acteurs apparaît comme une évidence, comme si leur amitié réelle rejaillissait à l’écran à chaque seconde.
Cependant, les deux derniers épisodes nous comblent de manière inespérée. Yang Se Jong et Woo Do Hwan y apparaissent littéralement en état de grâce, leurs échanges dialogués atteignant un niveau d’épure et d’authenticité rarement observé dans une fiction. Un chef d’œuvre dans le chef d’œuvre. Et peut-être la meilleure raison de découvrir My Country: The New Age.
Caroline Leroy
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