Dans ce film d’horreur coréen, Park Seo Joon utilise ses talents en arts martiaux pour résoudre des cas de possession démoniaque… Découvrez notre critique de The Divine Fury.
Écrit et réalisé par Kim Joo Hwan (Midnight Runners), The Divine Fury se propose de revisiter le thème du thriller d’exorcisme avec l’alliance insolite entre un prêtre et un artiste martial. L’idée est fun sur le papier, à défaut d’être entièrement nouvelle, et le film est servi par un casting attrayant, puisque nous retrouvons Park Seo Joon, Ahn Sung Gi et Woo Do Hwan.
Si The Divine Fury s’avère dans l’ensemble divertissant grâce à quelques scènes d’action réussies, le film souffre d’un scénario brouillon et ne soutient pas la comparaison avec les récentes séries The Guest et Priest sur le même thème. D’ailleurs, les ressemblances avec ces dernières s’avèrent quelque peu troublantes.
Cette critique comporte de légers spoilers sur le film The Divine Fury et la série Priest.
Terreurs nocturnes
Depuis la mort tragique de son père, survenu quand il était enfant, Kim Yong Hu (Park Seo Joon) a tourné le dos à la religion. Devenu champion de MMA (mixed martial arts), il est en proie à des cauchemars atroces. Lorsqu’une blessure incurable apparaît sur sa main, il consulte une chamane qui lui recommande de rencontrer le prêtre An (Ahn Sung Gi). Spécialisé dans l’exorcisme, ce dernier lui apprend qu’il s’agit d’un stigmate et qu’il possède un pouvoir contre les démons. Ensemble, ils enquêtent sur les crimes d’un mystérieux Évêque noir (Woo Do Hwan).
Distribué par Lotte Entertainment et produit par Keyeast et Studio 706, The Divine Fury mélange les genres du film de possession démoniaque avec celui du thriller d’action. Kim Yong Hu est un personnage typique de film de baston, c’est-à-dire un homme taciturne qui s’exprime plus avec ses poings qu’avec les mots. Il est aussi un héros qui s’ignore. Sa confrontation avec le Mal révèle une qualité rare et insoupçonnée : l’envie de protéger les plus faibles.
Vous l’aurez compris, l’un des enjeux de l’histoire est sa réconciliation avec Dieu, auquel il n’a pas pardonné la mort de son père. Cette réconciliation survient grâce à sa rencontre avec le Père An, un prêtre qui recherche désespérément un assistant pour l’aider dans ses combats contre les démons.
Ne boudons pas notre plaisir, The Divine Fury se laisse suivre sans difficulté grâce à un montage rythmé, et fait quelques étincelles dans sa première partie. Servi par une photographie esthétique et par des effets digitaux de qualité, le film délivre quelques beaux plans dans l’horreur.
Les scènes de cauchemars de Kim Yong Hu, notamment, utilisent joliment le principe des ombres projetées sur le mur, insufflant quelques grammes de poésie macabre à ces moments de terreur nocturne.
Woo Do Hwan sous-exploité
Le film doit aussi beaucoup à son casting. Rompant avec son image romantique, Park Seo Joon (Why Not Secretary Kim?) fait un protagoniste principal charismatique, avec sa démarche virile et sa colère contenue. Il était déjà dans Midnight Runners, le précédent long métrage du réalisateur. C’est la seconde fois qu’il interprète un personnage pratiquant le MMA après le drama Fight For My Way.
Ses échanges avec le Père An, auquel le remarquable Ahn Sung Gi (Unbowed, Silmido) apporte beaucoup de chaleur, s’avèrent assez touchants malgré l’écriture sommaire des personnages.
Parmi les acteurs secondaires dont les têtes nous sont familières, nous reconnaîtrons entre autres Choi Woo Sik (Parasite) en prêtre junior, Shim Hee Seop (Children Of A Lesser God) également prêtre au début du film, ainsi que le jeune Jung Ji Hoon (100 Days My Prince) en enfant possédé.
Les choses se gâtent avec le méchant interprété par Woo Do Hwan, acteur au charme magnétique découvert en 2017 dans la série Save Me, et que nous pouvons actuellement voir sur Netflix dans le sublime My Country. Heureusement qu’il a décroché cet excellent rôle en 2019, car il n’est guère servi par le traitement réservé à son personnage dans The Divine Fury !
Si les premières apparitions de Ji Shin, le fameux Évêque noir implanté dans un club à Apgujeong, utilisent habilement la présence, la voix et le regard particuliers de Woo Do Hwan, ce méchant s’avère au bout du compte être un pétard mouillé. Qui est Ji Shin ? Pourquoi a-t-il vendu son âme au diable ? Le potentiel de fascination de ce personnage est plombé par une écriture insuffisante et simpliste, dénuée de tout mystère.
Ne parlons même pas du traitement visuel qui lui est réservé dans la dernière scène, qui fait sombrer le film dans la série Z. Quel dommage de sous-exploiter à ce point un acteur comme Woo Do Hwan !
Les lacunes d’écriture du personnage de Ji Shin, sont symptomatiques du mal qui ronge le scénario de Kim Joo Hwan.
En matière d’indigence, nous sommes servis avec les affaires de possession, qui bénéficient certes de jolis effets spéciaux et assurent le divertissement, mais demeurent sous-exploitées dans l’intrigue. Kim Joo Hwan s’est fixé des objectifs incohérents : les cas de possession démoniaque se succèdent sans prendre le temps de développer un tant soit peu l’histoire des victimes. Le film aurait gagné à se concentrer sur la confrontation du duo d’exorcistes avec Ji Shin.
Les femmes réduites au silence
Le cas de la jeune Soo Jin s’avère particulièrement frustrant. Non seulement le film rejoue le cliché misogyne hollywoodien de la jeune femme matée sur son lit par des hommes de foi, mais contrairement aux autres victimes, celle-ci est pointée comme fautive. Elle paie le prix d’avoir voulu s’émanciper. Autant dire que la morale n’est pas très moderne. D’ailleurs, une fois guérie, Soo Jin se voit à peine accorder une ligne de dialogue.
Cette affaire est également révélatrice d’un autre mal profond qui ronge, cette fois, les thrillers coréens du grand écran depuis un certain nombre d’années : l’effacement des femmes, réduites au silence après avoir été maltraitées.
En dehors de la chamane, qui n’a qu’une seule scène (plutôt réussie, d’ailleurs), et d’une nonne qui résiste quelques secondes à un démon, les femmes ne sont rien dans l’univers masculin de The Divine Fury. Elles se résument à des victimes ou des personnages périphériques traités comme des enfants.
Nous l’avons déjà dit maintes sur ce site (voir la critique de V.I.P.), cet entrisme masculin assèche l’univers de ces films et prive les personnages d’hommes de toute nuance.
Rétropédalage du genre
L’inconsistance du scénario de The Divine Fury ressort d’autant plus que les séries The Guest, avec Kim Dong Wook, et Priest, avec Yeon Woo Jin, sont passées par là. La comparaison avec ces deux thrillers OCN diffusés en 2018 est fatale pour The Divine Fury.
Si The Guest adoptait une approche compassionnelle envers les victimes, explorant la dimension sociale et psychologique de chaque cas, The Divine Fury reste en surface. Le film suggère vaguement que les victimes laissent entrer le démon parce qu’elles traversent un moment de détresse, mais ne laisse pas s’exprimer ces personnes.
Cette idée était pleinement développée dans The Guest au fil des affaires, dont aucune ne ressemblait aux précédentes. Le pire, c’est que The Guest fait monter le trouillomètre beaucoup plus haut que The Divine Fury, malgré son regard plus humain sur les victimes.
Kim Joo Hwan préfère se concentrer sur l’action, une idée qui trouve ses limites dans le final très puéril, au cours duquel Kim Yong Hu affronte une poignée de possédés au combat. La chorégraphie et la réalisation sont efficaces, mais pas assez remarquables pour faire accepter ce dénouement bourrin.
Enfin, même l’idée d’associer un prêtre et une personne d’horizon différent n’est pas nouvelle. Rappelons le pitch de The Guest, qui repose sur l’association entre un prêtre, un chauffeur de taxi medium et une policière. Ou celui de Priest, qui réunit un duo de prêtres avec une femme chirurgien, un policier, un hacker et une riche femme d’affaires…
Ces deux séries, dont l’univers était travaillé dans le détail, étaient autrement plus chocs et inventives que The Divine Fury. Comme son homologue Hollywood, le cinéma coréen de divertissement peine à se mettre au niveau des séries.
Similitudes scénaristiques
A ce propos, les ressemblances de The Divine Fury avec ces deux dramas sont extrêmement troublantes, voire soulèvent des questions sur les fuites d’idées scénaristiques et visuelles. Je ne vais pas accuser qui que ce soit, car j’ignore tout des coulisses des productions, mais ces éléments méritent d’être confrontés. Chacun sera libre de les interpréter à sa guise.
The Divine Fury met en scène un démon qui commande d’autre démons, provoquant une succession de cas de possession. Un peu comme Park Il Do dans The Guest, à ceci près que nous savons qui est le bad guy dans The Divine Fury (même si nous ne savons rien de lui).
Admettons que les deux réalisateurs aient eu la même inspiration. Cela n’explique pas la ressemblance de certains rebondissements avec ceux du drama Priest. Je pense notamment à l’idée de la poupée vaudou, des nonnes priant en chœur autour du possédé, de l’attaque dans un parking (celle de Priest, avec le fauteuil roulant, était plus originale !), de l’attaque dans une morgue… Même l’affaire de l’enfant évoque le premier cas de Priest.
Concernant la poupée vaudou, qui demeure l’idée commune la plus troublante, elle relève du gadget dans The Divine Fury, alors qu’elle est importante dans le scénario de Priest. Moon Man Se n’a pas pu l’intégrer parce qu’il avait entendu des rumeurs sur le scénario de The Divine Fury.
En sortant de la projection du film, j’ai pensé que Kim Joo Hwan avait pioché dans ces deux dramas. Mais ce n’est pas si simple.
The Divine Fury est sorti à l’été 2019, mais a été tourné entre fin août et fin décembre 2018. Le tournage de The Guest s’est déroulé entre juin et octobre 2018 (voir l’interview de Kim Dong Wook pour Naver) et sa diffusion entre le 12 septembre et le 1er novembre 2018. La diffusion de Priest, quant à elle, s’est déroulée entre le 24 novembre 2018 et le 20 janvier 2019, mais le script reading a eu lieu en septembre 2018.
Le line-up d’OCN, qui appartient au groupe CJ E&M, est établi longtemps à l’avance. Il est fort probable que The Divine Fury, qui est distribué par Lotte, et les deux séries aient été lancés comme des projets concurrents.
Rendre à César ce qui est à César
Une fois encore, libre à chacun d’interpréter ces ressemblances comme il l’entend. Il convient cependant, avant de mettre en avant The Divine Fury, de rendre hommage à ces deux séries comme il se doit, puisqu’elles ont été finalisées avant. Surtout quand on sait que The Divine Fury doit faire l’objet d’une suite intitulée The Green Exorcist.
Certes, The Guest et Priest n’ont pas inventé le thriller de possession démoniaque. D’ailleurs, le premier épisode de The Guest faisait référence au film The Strangers (Na Hong Jin), et le drama Priest au film The Priests (Jang Jae Hyun). Ces deux séries ont cependant réinventé le genre en s’intéressant aux conditions sociales et psychologiques des victimes pour The Guest, et en injectant une inventivité et une dose de fun absentes des films hollywoodiens pour Priest.
Je n’ai pas vu Midnight Runners, mais une chose est sûre, pour ce qui est de l’horreur, Kim Joo Hwan est loin d’avoir le talent et la passion de ses collègues réalisateurs de série.
Elodie Leroy
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