Children of Nobody : une série policière poignante sur la maltraitance infantile

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Avec son scénario dense, ses thèmes puissants traités avec intelligence, sans oublier ses acteurs inspirés menés par l’excellente Kim Sun Ah, Children of Nobody est un thriller à ne manquer sous aucun prétexte.

Cha Woo Kyung (Kim Sun Ah) travaille en tant que conseillère en santé mentale et infantile dans un centre pour enfants. Mariée et mère d’une petite fille, elle est enceinte de son deuxième enfant. Mais un terrible accident bouleverse son existence et celle de sa famille. De son côté, l’inspecteur de police Kang Ji Hun (Lee Yi Kyung) enquête sur une série de crimes mystérieux qui font ressurgir en lui un passé douloureux. Secondé par Jeon Soo Young (Nam Gyu Ri), une flic novice avec laquelle il ne s’entend pas, il croise le chemin de Lee Eun Ho (Cha Hak Yeon), un jeune homme qu’il a jadis suspecté d’un crime.

Children of Nobody était diffusé sur MBC du 21 novembre 2018 au 16 janvier 2019. Le réalisateur Choi Kyung Gyu est un habitué des thrillers, il a dirigé Triangle avec Kim Jaejoong, et surtout le drama de course-poursuite Two Weeks avec Lee Jun Ki. Quant à la scénariste Do Hyun Jung, elle n’en est pas non plus à son coup d’essai : on lui doit notamment le thriller psychologique The Village: Achiara’s Secret avec Moon Geun Young.

L’intrigue de Children of Nobody prend la forme d’un jeu de piste captivant, mené à un rythme soutenu. La première victime de meurtre est une femme qui sort tout juste de prison après avoir été condamnée pour complicité de sévices sur son enfant. D’autres crimes se succèdent, sans qu’il soit possible de lier les morts autrement que par les étranges messages laissés sur leurs corps. Tandis qu’il enquête, le flic Kang Ji Hun est sans cesse ramené vers Cha Woo Kyung, cette consultante pour enfants avec laquelle il ressent d’inexplicables affinités.

Children of Nobody oscille brillamment entre les pôles représentés par ces deux personnages a priori très différents. Ce sont eux qui nous guident dans ce scénario labyrinthique, le premier par le biais de son enquête sur le terrain, et la seconde à travers ses entretiens avec les enfants qu’elle reçoit dans son cabinet. De manière passionnante, le montage met ainsi en parallèle la révélation des situations personnelles des enfants avec l’avancée de l’enquête criminelle.

Pour autant, Children of Nobody ne se complait ni dans le racolage, ni dans le didactisme. La violence y est généralement hors-champ. A l’exception du cas de l’adolescente séquestrée par une mère abusive, le drama pénètre rarement dans les foyers.

Children of Nobody utilise plutôt la parole des enfants pour nous faire saisir l’horreur des abus psychologiques et physiques qu’ils subissent. La première scène du premier épisode, où un petit garçon tente d’exprimer ses peurs à sa manière, annonce le sérieux et la pudeur avec lesquels le sujet sera traité tout du long.

Entre ce garçon qui parle par énigmes, et la petite fille quasi-muette que Woo Kyung sauve par hasard, le drama aborde toutes sortes de profils psychologiques des victimes d’abus. Toutes ont cependant en commun la difficulté à verbaliser à l’attention des adultes, et donc à faire entendre leur voix.

A mesure que l’on se rend compte de la cruauté qui s’abat sur les enfants, le recours au genre du thriller prend plus que jamais son sens. L’ambiance anxiogène de Children of Nobody se traduit visuellement par une élégante palette de tons froids, tandis que sur le plan sonore, le contraste entre les basses profondes et les sons aigus du violon confère beaucoup d’intensité aux scènes clés.

Mais là où Children of Nobody prend toute sa dimension, c’est en dressant un second parallèle, cette fois-ci entre les situations de ces enfants en détresse et celles des « autres » enfants : ces enfants qui sont restés emprisonnés dans l’âme de chacun des protagonistes adultes, les condamnant à une vie d’amertume.

A travers ses héros complexes, Children of Nobody dresse un état des lieux d’une rare finesse des différentes situations d’emprise à l’âge adulte, conséquences directes de ces abus subis dans l’enfance.

Le meilleur exemple en est Cha Woo Kyung, femme forte et indépendante qui accepte de manière incompréhensible les remarques acerbes que lui lance constamment sa belle-mère, telle une petite fille prise en faute. Entre hallucinations répétées et résurgence de souvenirs pénibles, les affres qu’elle traverse au cours de l’intrigue trouvent peut-être leur source dans un lieu inaccessible situé au plus profond de sa mémoire.

Kim Sun Ah est remarquable dans la peau de cette femme discrète, voire introvertie, à des années-lumière de son rôle d’intrigante charismatique dans Woman of Dignity. Centre de gravité du drama, elle déploie tout du long une impressionnante palette d’émotions. L’actrice avait déjà brillé début 2018 dans Should We Kiss First avec un personnage radicalement différent, prouvant qu’elle est une des actrices les plus intéressantes du paysage actuel des dramas coréens.

Lee Yi Kyung change lui aussi de registre après la comédie Welcome to Waikiki et le polar Partners For Justice dans lequel il joue un flic un peu benêt. Dans Children of Nobody, il est d’une grande justesse dans la peau de Ji Hun, ce flic qui dissimule ses qualités morales derrière une attitude acariâtre, voire agressive. Comme les autres personnages, il semble incapable de vivre pleinement sa vie, pour une raison que lui même ignore.

Par le biais de ses personnages secondaires, Children of Nobody va jusqu’à montrer comment l’emprise peut aussi être subie tout à fait consciemment, sans qu’il soit davantage possible de s’en délivrer. C’est le cas de la flic jouée par Nam Gyu Ri (Terius Behind Me), mais aussi de Lee Eun Ho, l’homme à tout faire du centre pour enfants. Aperçu précédemment dans Tunnel et Familiar Wife Cha Hak Yeon (alias « N » du groupe VIXX) surprend agréablement en composant un personnage insaisissable.

A la fois efficace, intelligent et émouvant, Children of Nobody est un thriller social comme seuls les Coréens savent les écrire et les interpréter. Un drama ancré dans la réalité du pays, mais dont l’essence est suffisamment universelle pour toucher chacun d’entre nous.

Caroline Leroy

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