Le drama The Village: Achiara’s Scret aborde le thème épineux de l’adoption en Corée du Sud à travers un scénario alambiqué teinté de fantastique. Découvrez notre critique.
Adoptée dans son enfance par des Occidentaux, Han So Yoon (Moon Geun Young) fait son retour au pays pour s’installer à Achiara, où elle a décroché un poste de professeur d’anglais. Elle espère aussi reprendre contact avec sa sœur adoptive, dont elle est sans nouvelles depuis des années. Dès le premier jour, So Yoon déterre accidentellement un cadavre dans la forêt. Bientôt, elle commence à faire d’étranges cauchemars, avant de s’apercevoir qu’elle habite précisément l’appartement occupé auparavant par la victime. Avec Park Woo Jae (Yook Sung Jae), un jeune policier novice, elle va tenter de faire la lumière sur cette affaire. Au fil de l’enquête, elle découvrira la face cachée peu reluisante du village.
Sur les traces du passé
Diffusé à l’automne 2015 sur SBS, The Village: Achiara’s Secret nous immerge aux côtés de Moon Geun Young (Deux Sœurs, Painter of the Wind) dans un village provincial coréen pour un thriller psychologique en seize épisodes. Malgré des retours critiques favorables, The Village: Achiara’s Secret (SBS) n’a guère rencontré son public lors de sa diffusion, réalisant 5 ou 6 % de parts de marché en moyenne. Il est possible que les déclarations du réalisateur Lee Yong Seok (Iljimae), qui a prévenu qu’il n’y aurait ni romance ni réaménagement de scénario en cours de route, aient découragé une partie du public (au passage, le drama a été en grande partie tourné à l’avance, évitant à l’équipe l’épreuve du live shooting).
L’autre élément d’explication tient au décollage poussif de la série, dont le premier arc met quelque peu à l’épreuve la patience du spectateur en attendant l’épisode 5 pour nous révéler un élément que l’on comprend dès le début : la victime, Kim Hye Jin (Jang Hee Jin), n’est autre que la sœur adoptive de Han So Yoon. Sachant que cette information conditionne l’intérêt de l’héroïne pour l’affaire, sa révélation tardive confère une lourdeur inutile à l’introduction, qui parvient par ailleurs à introduire la galerie foisonnante de personnages avec une certaine fluidité.
Il serait dommage de se laisser décourager par ce démarrage laborieux, car le jeu en vaut finalement la chandelle. Dès lors que l’histoire entre dans le vif du sujet, en abordant notamment la question des adoptions d’enfants par des étrangers en Corée du Sud, The Village: Achiara’s Secret prend son envol pour nous entraîner dans un récit choral complexe, dont les ressorts sont loin d’être prévisibles, et qui délaisse le romantisme habituel des trendy dramas pour privilégier un contenu à résonance plus sociologique. Sans égaler God’s Gift – 14 Days, qui dressait déjà une critique sociale incisive, The Village: Achiara’s Secret s’avère plus fin qu’il n’y paraît, en plus de s’agrémenter de pics de suspense bien dosés grâce à une réalisation soignée.
Décidée à découvrir la vérité sur Kim Hye Jin, dont elle a été séparée à la mort de leurs parents adoptifs, Han So Yoon se lance dans une étrange quête identitaire par procuration, suivant les traces de la morte pour retracer ses relations avec les habitants du village, découvrir ses origines, comprendre sa vérité intérieure. Qui était Kim Hye Jin ? Si le fantôme de la victime semble choisir soigneusement ses témoins, distillant au passage une sympathique touche de surnaturel, l’omniprésence de son visage et de son nom dans les esprits des villageois n’est pas sans rappeler celle de Laura Palmer dans Twin Peaks. Le meurtre joue d’ailleurs un rôle similaire, celui de révélateur des les vices cachés d’une micro société dont les apparences ont tout pour inspirer confiance.
Des cadavres dans le placard
Dans ce village où tout le monde semble lié par les rancœurs, la haine et la jalousie, une jeune femme a disparu dans l’indifférence générale, ne laissant derrière elle que tabous au sein des familles, malaise entre les amants. Kim Hye Jin était loin de faire l’unanimité : tous les villageois se souviennent de son altercation avec Yoon Ji Sook (Shin Eun Kyung), riche mère de famille trompée par son mari et maltraitée par sa belle-mère. La propension de Ji Sook à transformer sa souffrance en égoïsme narcissique, voire en sadisme envers sa fille Yoo Na (Ahn Seo Hyun), nous fait passer par des sentiments très contrastés à son égard, de l’empathie au rejet épidermique, en passant par le malaise. Si Shin Eun Kyung (My Wife is a gangster, Family Secrets) en fait parfois des caisses, force est de reconnaître qu’elle s’investit à cent pour-cent dans son personnage, qui constitue indéniablement l’un des atouts du drama..
Si Yoon Ji Sook fera bien entendu partie des suspects principaux dans l’affaire, elle est loin d’être la seule : son mari Seo Chang Kwon (Jeong Seong Mo), politicien en pleine campagne, est soupçonné d’avoir couché avec Kim Hye Jin et avait de quoi la considérer comme son épine dans le pied. Difficile de savoir ce que ressent son fils, Seo Gi Hyun (On Joo Wan), jeune homme bien éduqué qui contient son ressentiment envers son père et s’intéresse de près aux recherches de Han So Yoon.
Ne parlons pas du mystérieux professeur d’art plastique Nam Gun Woo (Park Eun Seok), qui subit le harcèlement sexuel d’une ado à problèmes, Ga Young (Lee Yeol Eum), ni de la pharmacienne Kang Joo Hee (Jang So Yeon), qui observe tout ce beau monde avec ironie et s’amuse à semer la zizanie.
Les soupçons de Han So Yoon se portent pourtant sur Kang Pil Sung (Choi Jae Woong), surnommé « Agasshi »* en raison d’un hobby très particulier : se travestir en femme des grands soirs pour effrayer les jeunes filles du quartier, ce qui lui vaut d’être le suspect privilégié des villageois dans l’affaire du tueur en série. Mais Kang Pil Sung représente-t-il vraiment un danger pour le village ? Qu’a-t-il vu le jour de la disparition de Kim Hye Jin ?
Un éclairage sensible sur la question des adoptions en Corée
En auscultant cet univers gouverné par la médiocrité affichée des uns et la souffrance muette des autres, et où tout le monde cache un cadavre dans le placard, The Village: Achiara’s Secret saisit le travail de sape insidieux des traumatismes refoulés sur des individus réduits au silence au nom de l’équilibre de la collectivité. Ce n’est pas pour rien si la seule personne qui semble avoir la clé de tous les mystères se réfugie dans un mutisme interprété comme une maladie mentale.
Porté par un casting irréprochable, même si Moon Geun Young se fait trop rare dans certains épisodes, ce qui laisse tout le loisir à Yook Sung Jae (Reply 1994) de tirer son épingle du jeu, The Village: Achiara’s Secret aurait gagné à faire deux ou trois épisodes de moins, mais parvient à dérouler son scénario sans qu’aucune invraisemblance ne vienne entamer la crédibilité de l’histoire.
A l’arrivée, la persévérance du spectateur est récompensée par l’émotion suscitée par les révélations finales, cohérentes avec les rebondissements qui jalonnent tout le chemin parcouru au fil de l’enquête. Ces révélations apportent au passage un éclairage sensible sur la question des enfants adoptés en Corée du Sud, un tabou qui commence petit à petit se fissurer dans les fictions télévisuelles…
Elodie Leroy
Réalisé par Lee Yong Seok sur un scénario de Do Hyun Jung, The Village : Achiara’s Secret était diffusé du 7 octobre au 3 décembre 2015 sur la chaîne SBS.
*Agasshi : mademoiselle ou jeune fille en coréen.
Lire aussi
Mr. Back : Shin Ha Gyun retrouve une seconde jeunesse