La série coréenne Mr. Back

Critique : Mr. Back, rendez-vous manqué avec Shin Ha Gyun

Dans le rôle d’un riche patron qui se voit offrir une nouvelle jeunesse, Shin Ha Gyun se démène pour maintenir à flots un drama qui, malgré un début prometteur, ne fait pas honneur à son sujet séduisant.

Que feriez-vous si vous pouviez, à soixante-dix ans passés, retrouver pour quelques jours l’énergie, l’apparence et l’insouciance de votre jeunesse ? Tenteriez-vous de rattraper le temps perdu avec vos enfants, de remettre à leur place les rapaces qui se disputent votre héritage, ou préféreriez-vous vivre une romance avec une jeune personne, comme si c’était la première et la dernière fois que vous goûtiez au miracle de l’amour ? Mr. Back nous entraîne dans une aventure qui a tout pour nous plaire : de la comédie, de la romance, du drame, le tout saupoudré d’un peu de fantastique, que demander de plus ? Dommage que la sauce ne prenne pas, malgré les bonnes prestations de Shin Ha Gyun et Lee Joon.

Mr. Back narre les péripéties de Choi Go Bong (Shin Ha Gyun), soixante-dix ans, PDG acariâtre d’un grand conglomérat d’hôtels qu’il dirige d’une poigne de fer. Il manifeste le plus grand mépris pour son frère et sa sœur, des intrigants qui restent dépendants de lui. Un jour, il croise Eun Ha Soo (Jang Nara), une jeune femme désintéressée.

Le destin les réunira un peu plus tard dans un mystérieux accident aux conséquences extraordinaires, puisque Choi Go Bong se réveille le lendemain… dans le corps d’un homme de trente ans! Désireux de profiter de sa nouvelle jeunesse, il se rebaptise Choi Shin Hyung et réintègre sa propre compagnie afin de remettre de l’ordre dans sa succession et discipliner son fils et unique héritier, Choi Dae Han (Lee Joon). Mais à peine Eun Ha Soo vient-elle de se faire embaucher dans l’hôtel, qu’il tombe amoureux d’elle…

Diffusée entre le 5 novembre et le 25 décembre 2014 sur MBC, la série Mr. Back s’appuie sur un prétexte fantastique qui apparaît comme une sorte de Big inversé – le célèbre film de Penny Marshall avec Tom Hanks, pas le médiocre drama de 2012 avec Gong Yoo. Le pitch n’est pas non plus sans rappeler le film coréen The Devil’s Game, réalisé par Yoon In Ho en 2008, dans lequel le même Shin Ha Gyun campait un pauvre hère contraint d’échanger de corps avec un vieil homme démoniaque joué par Byun Hee Bong.

Le fait est que Mr. Back commence bien, avec son lot de surprises et de quiproquos. On rit même assez souvent durant ses premiers épisodes, qui exploitent avec brio les situations engendrées par la métamorphose de son imprévisible anti-héros. Obligé de se faire passer pour son propre fils caché, Choi Go Bong, devenu Choi Shin Hyung, laisse parfois échapper quelques propos et manières qui étonnent quelque peu de la part d’un homme jeune. Mais ce sont évidemment ses interactions hautes en couleur avec son fils Dae Han, désormais à peine moins âgé que lui, qui engendrent les situations les plus ubuesques et les plus comiques.

Avec une bonne dose de maquillage, Shin Ha Gyun fait un septuagénaire bougon et cassant à souhait, avant de se glisser avec aisance dans la peau d’un trentenaire énergique et légèrement allumé. Il ne se prive pas au passage pour se montrer une fois de plus un peu exhibitionniste, mais qui s’en plaindrait ?

On retient notamment cette scène hilarante où, revenue en coup de vent dans la demeure de Choi Dae Han pour y déposer un objet, Eun Ha Soo aperçoit par hasard, à travers la vitre du salon, Choi Go Bong en train de se contempler entièrement nu devant un miroir, stupéfait de se découvrir aussi jeune et vigoureux. Elle pousse bien évidemment un hurlement, pensant avoir été piégée par un pervers dans la noble demeure, et s’enfuit en courant sous le regard médusé de Choi Dae Han (celui qui l’avait convoquée au départ), concluant de manière hystérique ce moment surréaliste.

Tant que le drama joue sur le comique de situation et se concentre les manigances de Choi Go Bong/Choi Shin Hyung face aux membres de sa famille, on suit le déroulement des événements avec un certain plaisir. On est même prêt à pardonner la prestation insipide de Park Ye Jin (Queen Seondeok), raide comme un piquet, le visage figé par le botox, plus occupée à nous faire un défilé de mode qu’à s’investir dans son personnage de secrétaire ambiguë – mais si vous avez besoin d’idées pour un nouveau manteau, sachez qu’elle en porte de très beaux.

Plus savoureux sont les échanges de Choi avec son serviteur Sung Gyun Bae incarné par Lee Mun Shik, acteur dont le talent est tristement sous-exploité depuis sa magnifique prestation dans Iljimae en 2008. Malheureusement, ces éléments se retrouvent peu à peu noyés dans une romance insipide et larmoyante qui tranche avec le ton ironique du premier acte.

Au lieu de déployer son concept amusant vers des sentiers inattendus – seize épisodes, cela offre beaucoup de possibilités –, Mr. Back nous serine l’éternel couplet de l’homme mûr et endurci qui trouve sa rédemption au contact d’une pure et innocente jeune femme.

Vous l’aurez compris, Eun Ha Soo n’a pas de réelle existence propre, elle n’est qu’un instrument dans le parcours de Choi Go Bong. D’ailleurs, qui est-elle vraiment ? On connaît vaguement sa famille mais on ne sait pas grand-chose d’elle, de son passé, de ses désirs, en dehors de ce qui est directement connecté à Choi. Jang Nara (School 2013), qui est une actrice attachante, se retrouve ainsi enfermée dans un rôle stéréotypé qui ne lui convient pas.

Depuis Brain, qui fit énormément pour étendre sa popularité au-delà des frontières du cinéma d’auteur à la fin de l’année 2011, Shin Ha Gyun n’a tourné qu’un seul autre drama, All About My Romance, passé relativement inaperçu auprès du public comme de la critique. Si ce dernier possède des qualités certaines, ce que l’on retient de son échec, c’est que la comédie romantique fleur bleue n’est pas le point fort d’un acteur aussi intense que Shin Ha Gyun. Cet acteur qui, rappelons-le, ne recule devant aucune exubérance chez un cinéaste aussi extrême que Park Chan Wook (Sympathy for Mr. Vengeance, Thirst), ou chez un auteur aussi imprévisible que Jang Jin (Murder, Take One).

L’impression se confirme avec force dans Mr. Back. Censé avoir trente-quatre ans dans l’histoire (soit l’âge de sa partenaire Jang Nara), il fait en réalité largement ses quarante ans, et on a d’autant plus de mal à l’accepter dans une romance aussi puérile, qui avance à coups de risettes et de petits bisous volés.

Finalement, la vraie belle histoire d’amour de Mr. Back, c’est celle qui unit le père et le fils, Choi Go Bong et Choi Dae Han, Shin Ha Gyun et Lee Joon. Car contrairement aux autres éléments de l’intrigue, ce fil dramatique nous est déroulé intelligemment, avec précision – si l’on décide d’oublier la faute de goût qui consiste à mettre père et fils en compétition pour la même femme durant une bonne partie du drama.

La scénariste Choi Yoon Jung (Emergency Couple) manie habilement les clichés (le bourreau de travail qui ne s’est jamais occupé de son fils, le gosse de riche délaissé qui mène une vie de parasite) pour créer une relation père-fils à la fois comique, tendre et émouvante.

Vivant sous le même toit que son fils mais sous une identité différente – il est désormais son demi-frère ! – le père indigne apprend à s’intéresser à sa progéniture, tandis que le fils irresponsable trouve enfin un confident. Chacun se préoccupe pour la première fois de quelqu’un d’autre. C’est dans ces interactions-là, parfois incongrues, que Mr. Back atteint cet objectif humaniste vers lequel il lorgne constamment sans le trouver.

Au cœur de cette idylle, les acteurs eux aussi se métamorphosent. Shin Ha Gyun redevient captivant, très touchant dans la peau de cet homme qui, apprenant que ses jours sont peut-être comptés, prend conscience qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire, que cette seconde chance est un cadeau inestimable.

Quant à Lee Joon (Rough Play), il prouve une fois de plus qu’il est un jeune acteur talentueux et plein d’avenir, aussi à l’aise dans la comédie que dans le drame.

Leur face-à-face aurait mérité d’être au centre de de Mr. Back. Il est en tout cas la seule raison d’aller jusqu’au bout de ce drama par ailleurs si décevant.

Caroline Leroy

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