Sorti discrètement sur Netflix, Celebrity met en vedette Park Gyu Young dans une satire à la fois légère, caustique et trépidante du milieu des influenceurs.
Vendeuse de cosmétiques en porte à porte, Seo Ari (Park Gyu Young) est une jeune femme discrète qui ne possède même pas de compte sur les réseaux sociaux. Sa vie prend néanmoins un autre tournant lorsqu’elle tombe par hasard sur Oh Min Hye (Jung Hyo Sung), une ancienne amie de lycée devenue influenceuse célèbre. Invitée par cette dernière à une soirée de stars d’internet, Ari fait sensation malgré elle et découvre par la même occasion que le monde du luxe ne la laisse pas indifférente. Elle attire notamment l’attention de Yoon Si Hyeon (Lee Chung Ah), la femme d’affaire qui gère la carrière de Min Hye et d’autres influenceuses, mais aussi du mystérieux Han Jun Kyeong (Kang Min Hyuk), le riche patron d’une société de cosmétiques.
Commence alors pour Ari une ascension fulgurante dans un fascinant monde de paillettes. Mais elle s’attire non seulement l’animosité de certaines de ses pairs, mais aussi du froid Jin Tae Jeon (Lee Dong Gun), qui n’est autre que le mari de Yoon Si Hyeon.
Il n’y a encore pas si longtemps, le terme célébrité désignait principalement des chanteurs ou des acteurs, soit des artistes qui mettaient leur talent au service d’une œuvre. Les top models ont également été adulées à une certaine époque, mais là encore, cette popularité leur venait en mettant en valeur le travail d’un créateur. Avec la montée en puissance des réseaux sociaux, n’importe qui peut désormais accéder rapidement à la gloire et à la richesse sans forcément produire quelque chose d’original. Pour cela, il suffit seulement de vendre sa propre image. Mais est-ce si simple que cela ?
A travers le parcours épique d’une jeune femme ordinaire devenue star d’Instagram, le drama Celebrity capture l’air du temps et propose au fil de ses 12 épisodes une peinture à la fois réaliste et divertissante du milieu impitoyable des stars du web, sans oublier la dimension glamour qui en est indissociable.
Ce faisant, il dresse un portrait corrosif de ces « golden girls », ces femmes jeunes et riches qui semblent passer leur temps à comparer leurs sacs à main et leurs placements dans les événements publics pour évaluer leurs « niveaux » respectifs dans l’échelle de la réussite. De manière amusante, on pense au sulfureux American Psycho de Brett Easton Ellis, dans lequel les golden boys richissimes s’évaluaient les uns les autres en comparant leurs cartes de visite ou leurs accès aux restaurants de luxe dans l’Amérique des années 80*.
Pour autant, Celebrity ne verse pas dans la caricature facile, s’attachant au contraire à dévoiler différents aspects de l’envers du décor du business des influenceuses. La créativité de Kim Cheol Kyu, réalisateur de Flower Of Evil et Confession, participe à ce titre à nous immerger dans le tourbillon de la vie de ces nouvelles héroïnes de la jeunesse, en particulier lorsqu’il s’agit de représenter visuellement l’omniprésence et l’impact des commentaires des internautes dans leur quotidien.
Sans prétendre à une analyse en profondeur, le drama met en lumière avec humour l’hypocrisie totale qui sous-tend certains posts Instagram les plus populaires, notamment avec le personnage d’Oh Min Hye, qui se vante sur son compte d’avoir le mari idéal alors qu’elle le traite comme un laquais hors caméra.
Plus sérieusement, le drama montre très bien qu’une influenceuse de plus d’un million d’abonnés représente une marque derrière laquelle il y a du monde – beaucoup de monde. Comme les artistes, Seo Ari confie la gestion de sa carrière à une agence, avec laquelle elle est d’ailleurs parfois en désaccord. Ce n’est pas tout : elle devient chef d’entreprise et travaille en collaboration avec le patron d’une usine pour faire confectionner ses produits. Elle emploie également directement sa mère et son frère, ainsi que son ancienne collègue.
Il s’agit d’une dimension particulièrement intéressante et qui n’aurait peut-être pas été explorée de manière aussi détaillée dans un film, notamment s’agissant des implications humaines de cette situation. En effet, les choix professionnels d’Ari ont un retentissement direct sur ses proches, qui s’adaptent en permanence à elle, mais aussi indirect lorsque ses ennemis mettent à exécution leurs mauvais coups à l’aveugle.
On salue à ce titre le talent d’écriture de Kim Yi Young, qui parvient à insérer son analyse documentée de l’univers des influenceurs dans une intrigue pleine de suspense, portée par des personnages très vivants. Scénariste spécialisée dans les séries historiques (Dong Yi, Hwajung et plus récemment Haechi), où les histoires sont généralement très compliquées, elle fait preuve d’une efficacité redoutable tant dans la mise en place de l’intrigue, que dans son développement entre fable moderne et thriller psychologique.
Le genre du thriller, qui désigne une histoire provoquant des sensations fortes, est évidemment adapté au parcours en dents de scie de Seo Ari dans ce monde dont les règles semblent en perpétuel changement.
Le choix de Park Gyu Young pour interpréter le rôle de Seo Ari se révèle à ce titre très pertinent. Actrice montante depuis quelques années, elle a vu sa carrière décoller en 2020 avec It’s Okay To Not Be Okay et Sweet Home, sans pour autant devenir une star. Jusqu’à maintenant, elle n’avait d’ailleurs occupé le rôle principal féminin que d’un drama, Dali and Cocky Prince. Dans Celebrity, les atouts de Park Gyu Young sont le naturel de son jeu, mais aussi le fait d’être aussi crédible en girl next door qu’en mannequin fashionista. Aujourd’hui, les projets se bousculent pour elle à l’image de ce qui arrive à son personnage, puisqu’elle est déjà annoncée au générique de cinq dramas, dont deux en tête d’affiche (A Good Day To Be A Dog et Mangnaein).
D’une manière générale, le casting de Celebrity est judicieusement choisi. Côté acteurs confirmés, Lee Chung Ah, vue récemment dans One Dollar Lawyer, joue parfaitement la carte de l’ambigüité, tandis que Lee Dong Gun, que l’on avait peu vu depuis Angel’s Last Mission: Love, fait un retour remarqué en businessman sans humanité.
S’il présente indéniablement bien en costume, Kang Min Hyuk (Oh My Ladylord) apparait cependant comme le maillon faible du casting principal en raison de son manque d’expressivité. Son personnage est néanmoins au centre de l’un des moments les plus sidérants du drama, à savoir la fameuse scène des chaussures – nous n’en dirons pas plus pour ne pas gâcher la surprise.
Parmi les acteurs secondaires, Jun Hyo Sung (Delivery Man), qui est l’ancienne leader du groupe Secret, se démarque en peste invétérée, tandis que la mannequin Han Jae In fait des débuts convaincants en jeune influenceuse caractérielle.
Le drama se paye également le luxe de nombreux caméos plutôt amusants, de Seol In Ah (Business Proposal) à Lee Junho (L’Empire du sourire) en passant par Jung Eugene (Remarriages and Desire), Lee Sang Yoon (Pandora), Jung Yoo Mi (Partners For Justice) ou encore Han Da Gam (Graceful Friends), anciennement appelée Han Eun Jung.
S’il est une obsession de notre époque connectée que Celebrity parvient à saisir avec brio, c’est celle qui consiste à vouloir attirer à tout prix l’attention sur soi, que ce soit en se pavanant sous le feu des projecteurs ou à l’inverse dans l’impunité de l’anonymat, qui offre le champ libre pour le déversement de haine à travers les commentaires. A ce titre, le leitmotiv du drama pourrait bien être cette question qui revient dans la bouche de plusieurs personnages tout au long de l’intrigue : « Non mais tu sais qui je suis, moi ? ».
Il est dommage que Celebrity manque en revanche d’audace sur la peinture de certaines dérives trash du milieu, comme la consommation de drogue et l’offre de services sexuels. De même, le caractère anti-spectaculaire de la résolution nous laisse un peu sur notre faim, surtout eu égard au suspense qui sous-tend toute l’intrigue. Mais force est de constater que dans l’ensemble, la satire frappe juste.
Disponible sur Netflix depuis le 30 juin 2023, Celebrity a rencontré un franc succès à travers le monde, se classant même en première place des séries non-anglophones durant la semaine du 3 au 9 juillet. Un exploit d’autant plus remarquable que contrairement aux séries d’action Black Knight et La Traque dans le sang, le drama a bénéficié d’une promotion presque inexistante de la part de la plateforme américaine, qu’il s’agisse de YouTube ni des réseaux sociaux. Un comble eu égard à son sujet.
Caroline Leroy
* Merci à Elodie pour la comparaison pertinente.
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