Critique Sweet Home : la série d’horreur Netflix est une claque visuelle

par Elodie Leroy

Véritable festival de monstres, la série Sweet Home sur Netflix n’est pas seulement la plus chère de l’histoire de la télé coréenne, mais aussi le divertissement choc qu’il nous fallait pour animer cette fin d’année. Coup de cœur.

L’une des meilleures séries TV de monstres vient de sortir, et elle nous vient de Corée ! Produit par Netflix et servi par la réalisation virtuose de Lee Eung Bok (Mr. Sunshine), Sweet Home a pris d’assaut le top 10 mondial de la plateforme, atteignant la 4e place en France, et ce n’est pas pour rien. Ce survival fantastique à huis clos séduit instantanément par son univers cauchemardesque, ses scènes d’action inventives et son bestiaire complètement fou, tout en donnant la part belle à un ensemble d’acteurs charismatiques. Effrayant, gore, bluffant, parfois drôle, Sweet Home était la série d’horreur à ne pas manquer en 2020.

Lee Do Hyun dans Sweet Home
Lee Do Hyun

Confinés pour survivre

Après la mort de sa famille, Cha Hyun Soo (Song Kang), un adolescent isolé, emménage dans un appartement vétuste. Un jour, une femme l’appelle à l’aide. A travers l’écran de contrôle, il assiste à la transformation de sa voisine en créature féroce. Elle n’est pas la seule personne atteinte de ce mal inconnu : dehors, une pandémie change les êtres humains en monstres. Les habitants de l’immeuble n’ont qu’une seule option possible : se barricader pour survivre.

L’univers du webtoon est décidément une source d’inspiration majeure pour les séries coréennes. On lui doit d’ailleurs en partie le développement du genre de l’horreur dans les dramas coréens, avec des œuvres telles que Kingdom, Strangers From Hell, All of us Dead et Sweet Home. Ce dernier s’inspire d’une œuvre populaire de Carnbi Kim et Hwang Young-Chan publiée en 2017 sur Naver Webtoon Corp et disponible en France.

Song Kang
Song Kang

Commandée par Netflix, la série Sweet home bénéficie aussi d’un budget de 2,4 millions de dollars par épisode, un montant record pour une série coréenne, qui surpasse celui d’Arthdal Chronicles (2 millions par épisode) et de Kingdom (1,78 million par épisode). Avec des moyens aussi conséquents, la série n’avait pas intérêt à décevoir !

Découpé en 10 épisodes, Sweet Home nous happe instantanément dans son ambiance noire et fantastique. Avec ses intérieurs crades, ses couloirs encombrés et ses habitants pittoresques, l’immeuble où réside Hyun Soo est le décor idéal pour installer une bonne dose de mystère et nous préparer au carnage qui va suivre.

Park Gyu Young

L’une des qualités de Sweet Home est l’efficacité de sa narration. Le premier épisode entre sans tarder dans le vif du sujet, puisque l’invasion se manifeste dès le premier quart d’heure. Tandis que le dispositif du huis clos se met en place, chaque personnage nous est introduit en une ou deux scènes avec ses particularités, son mal-être, au fil d’un récit choral habilement construit. Le ton joue sur l’équilibre entre l’humour décalé et l’effroi, sans jamais franchir la limite du grotesque.

Si la suspicion entre voisins et le grain de folie ambiant ne sont pas sans rappeler Strangers From Hell dans le premier épisode, le principe du groupe d’étrangers confinés dans un bâtiment évoque surtout The Mist (Frank Darabont, 2007), le film inspiré d’une nouvelle de Stephen King et où des citoyens s’enferment dans un supermarché pour échapper à une invasion de monstres. A ceci près que dans Sweet Home, les créatures ne viennent pas d’un monde parallèle, mais sont directement issues de l’humain.

Song Kang et Lee Do Hyun

Ces métamorphoses lovecraftiennes ne semblent pas dues au hasard. Chaque infecté prend la forme d’un monstre en accord avec ses désirs cachés : une femme obsédée par son régime devient une créature affamée aux dents pointues, un salaryman devient une sorte de gremlin aveugle, un vigile continue à faire ses rondes sous sa nouvelle forme… Et si un monstre sommeillait en chacun de nous ?

Un nouveau challenge pour Lee Eung Bok

Comme l’illustrent les superbes génériques du début et de fin, le bestiaire constitue l’une des attractions majeures de Sweet Home. Et autant vous dire que les concepteurs des effets visuels s’en sont donné à cœur joie pour donner vie aux idées farfelues du webtoon !

Sweet Home monstre musculeux
« Protéïne… »

La série est un véritable défi technique. Une pelletée de studios situés aux Etats-Unis, en Corée du Sud et au Vietnam ont contribué à créer cette panoplie folle de créatures mêlant maquillages et digital. Les designs du monstre musculeux et de l’araignée sortent tout droit de Spectral Motion, Inc. (Stranger Things, Hellboy) et celui du monstre aveugle, ou monstre lotus, des studios Legacy Effects (Avatar, Avengers). Les studios coréens VFX Westworld (The Battleship Island), quant à eux, ont travaillé sur la motion capture nécessaire à l’animation des bestioles. Les textures de ces derniers bénéficient aussi d’un soin méticuleux et d’un rendu organique, auxquels s’ajoutent des bruitages parfaitement répugnants.

Sweet Home doit aussi beaucoup à une photographie de toute beauté : aux noirs soutenus répondent des couleurs saturées pour créer une esthétique dark d’une richesse visuelle réjouissante. Cette gamme de couleurs renvoie à l’univers des jeux vidéo, auquel certaines scènes empruntent directement la mécanique : les moments, dans l’épisode 2, où Hyun Soo échappe au monstre aveugle pourraient constituer une épreuve dans un RPG.

Sweet Home : gremlin aveugle
« Je ne vois rien »

Pour orchestrer ce défilé monstrueux sans perdre de vue le scénario, il fallait un cinéaste visionnaire et rompu à l’art de gérer des productions ambitieuses. L’annonce du nom de Lee Eung Bok a tout de même créé la surprise : le réalisateur de Goblin et Mr. Sunshine a toujours été prompt à se lancer de nouveaux challenges, mais sa signature se définissait jusqu’à présent davantage par des envolées lyriques sur des moments romantiques. Avec la série Sweet Home, Lee Eung Bok sort de sa zone de confort et démontre qu’il a plus d’une corde à son arc.

Les images sont bluffantes, les cadrages bien pensés et les mouvements de caméra débordent d’énergie dans les scènes d’action généreusement gore qui ponctuent le récit – on notera quelques clins d’œil à des classiques, tels que The Thing (John Carpenter) ou Massacre à la Tronçonneuse (Tobe Hooper). Le réalisateur n’en oublie pas pour autant ses acteurs, dont il met joliment en valeur les visages et les expressions pour mettre l’emphase sur les émotions des personnages. C’est grâce à cette dimension humaine que le drama ne faiblit pas.

Ko Yoon Jung

Song Kang en combattant sacrificiel

A ce propos, Sweet Home doit aussi son sel à une galerie de personnages savoureux. Le scénario s’attarde sur chaque protagoniste sans aller trop loin dans la complexité, mais en leur conférant suffisamment de relief pour jeter le trouble sur certains d’entre eux. Hommes et femmes ordinaires – là encore, nous sommes proches de l’univers de Stephen King -, ces personnes lambdas cachent tous des secrets susceptibles d’en faire des bombes à retardement. Et puis, il y a ces monstres du quotidien, ceux qui n’ont pas besoin d’être contaminés pour renoncer à toute humanité. Sweet Home délivre toutefois un message positif en valorisant l’entraide, la solidarité et l’esprit de groupe comme seul moyen de survivre.

Song Kang dans Sweet Home

Song Kang

Avec ses traits juvéniles et son regard innocent, Song Kang, la révélation de Love Alarm, est un choix judicieux pour le rôle de Hyun Soo, un hikikomori que les événements vont pousser à sortir de sa tanière. Son passé nous est dévoilé par bribes au fil des épisodes, nous invitant bien souvent à reconsidérer les événements précédents. D’adolescent reclus ayant renoncé à toute vie sociale, il évolue vers la condition de combattant sacrificiel et d’ange gardien, une sorte de héros qui s’ignore et dont les actes sont voués à être ignorés. La série ouvre bien entendu la porte à une lecture psychologique de l’histoire, qui pourrait tout aussi bien se dérouler dans la tête de Hyun Soo.

Comme d’autres acteurs du drama, Song Kang s’est entraîné physiquement pendant plusieurs semaines pour tourner des scènes d’action que l’on devine complexes compte tenu de l’emploi de câbles et de l’abondance d’images digitales. Sans trop en révéler, les différentes transformations de Hyun Soo sont magnifiquement réalisées.

Lee Si Young (Sweet Home)
Lee Si Young

L’ensemble du casting est extrêmement convaincant, chacun ayant ses moments de bravoure, de Lee Jin Wook (Voice 2 & 3) qui nous envoie un charisme de dingue à chaque plan, à Go Min Si (Secret Boutique) en râleuse au grand cœur, en passant par Lee Si Young (The Guardians) en pompière badass qui sauve la mise et Lee Do Hyun (18 Again) en leader froid et calculateur. On adore également le duo improbable formé par Park Gyu Young (It’s Okay to Not Be Okay), très naturelle en artiste ratée qui se mue en femme d’action, et Kim Nam Hee (Search WWW), très digne en prêtre philosophe au sabre tranchant.

Les vétérans ne sont pas en reste, entre Kim Kap Soo (Chief of Staff) qui apporte un punch surprenant au groupe de survivants, et Kim Sang Ho (Kingdom), dont le personnage ingénieux tire parti de son handicap moteur pour en faire une force.

Kim Sang Ho (Sweet Home)
Kim Sang Ho

Une suite pour Sweet Home ?

Un mot sur l’OST de Sweet Home, qui se paie le luxe d’utiliser une chanson d’Imagine Dragons, Warriors, un titre écrit en 2014 pour la promotion du jeu vidéo League of Legends. Le drama n’oublie pas de mettre en avant des artistes coréens avec Side By Side du rappeur BewhY et Sweet Home de Yongzoo.

Et la saison 2 de Sweet Home, dans tout cela ? La fin ouverte, qui maintient le mystère sur la survie de certains personnages, réclame une suite. Pour l’instant, le statut indiqué par Netflix est « en attente de renouvellement »… Nous vous tiendrons bien entendu informés !

Elodie Leroy

Sources : Asianwiki, The Strait Times, Business Times
Photos : Netflix

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Ci-dessous, une vidéo d’explications sur les effets spéciaux de Sweet Home :

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