Flower of Evil (2020)

Critique : Flower of Evil réconcilie le thriller psychologique et le mélodrame

La critique de Flower of Evil, un thriller bouleversant porté par la rencontre magique entre Lee Joon-Gi et Moon Chae-Won.

Flower of Evil joue sur deux tableaux. D’un côté, la série déroule une enquête dans laquelle une vérité cache une succession de mystères ; de l’autre, elle nous fait vivre une crise de couple bouleversante. Cette ambivalence entre le thriller psychologique et le mélodrame, Flower of Evil l’assume pleinement à la faveur d’un scénario ingénieux, dans lequel les deux genres se conjuguent admirablement pour faire jaillir des émotions intenses. Servie par la réalisation tout en finesse de Kim Cheol Gyu, la série doit aussi beaucoup à ses deux interprètes éblouissants, Lee Joon Gi et Moon Chae Won. Découvrez pourquoi Flower of Evil est le thriller qu’il fallait absolument voir en 2020.

Cette critique de Flower of Evil comprend des spoilers sans révéler la fin.

Critique de Flower of Evil

Quatorze ans de mensonges

Artisan métallurgiste, Baek Hee Seong (Lee Joon Gi) est marié à Cha Ji Won (Moon Chae Won), inspectrice à la police criminelle. Elle ne croit que ce qu’elle voit ; il lui cache son identité depuis quatorze ans. Baek Hee Seong s’appelle en réalité Do Hyun Soo et il est le fils d’un tueur en série. Bientôt, l’usurpateur est rattrapé par son passé. Au même moment, son épouse enquête sur une affaire qui le classe en tête parmi les suspects.

Entre secrets, mensonges et émotions simulées, les premiers épisodes de Flower of Evil jouent la carte du thriller intimiste en cultivant l’ambivalence du personnage principal. Baek Hee Seong s’est forgé une vie factice : même ses parents ne sont pas les siens. Mari aimant, père attentionné avec sa fille, il se mue en agresseur violent lorsque son identité est découverte par une vieille connaissance – celle-ci se retrouve d’ailleurs ligotée dans la cave. L’opposition entre les scènes familiales attendrissantes et les secrets noirs de l’époux instille immédiatement au drama une atmosphère dérangeante.

Lee Joon Gi et Moon Chae Won

Découpé en 16 épisodes et diffusé sur tvN à l’été 2020, Flower of Evil aurait pu prendre la forme d’une simple machine à suspense construite autour du point de vue de l’épouse, qui vit sans le savoir avec un homme potentiellement dangereux – le pitch évoque ces thrillers américains des années 90, dans lesquels la menace venait de l’intérieur du foyer (Les Nuits Avec Mon Ennemi, Le Bon fils, etc.). Mais le drama de Kim Cheol Gyu (Mother) a d’autres desseins.

Le récit se corse lorsque l’épouse découvre le pot-aux-roses, ce qui la confronte au pire des dilemmes. Si elle dénonce son mari, elle détruit sa famille et fait le malheur de sa fille. Si elle se tait, elle brise son engagement pour la justice. Outre ces questionnements éthiques, la découverte soulève des interrogations existentielles. Sa vie de couple n’est-elle qu’une vaste mascarade ? Sa vie a-t-elle un sens ?

Moon Chae-Won (Flower of Evil)

Être le fils d’un tueur en série

A l’enquête de Ji Won pour découvrir la vérité s’ajoute celle de Hee Seong, qui n’a d’autre choix que de faire face à un passé enfoui depuis des années. Balançant constamment entre ces deux points de vue, Flower of Evil déploie une affaire criminelle tortueuse, dans laquelle l’intrigue de meurtres en série se confond avec un passé familial trouble placé sous le signe de l’emprise paternelle.

Qui est vraiment Do Hyun Soo ? Être le fils d’un psychopathe conditionne-t-il un individu à en devenir un ? Avec une habileté d’orfèvre, le scénario de Yoo Jung Hee (Naked Fireman) distille ici et là les indices permettant de cerner la personnalité complexe du protagoniste principal, dont la découverte focalisera notre attention tout au long du drama.

Le sujet de l’usurpation d’identité n’est que l’arbre qui cache la forêt. Flower of Evil tisse un récit poignant qui manie une foultitude de thèmes forts, tels que la lutte contre le déterminisme familial et la notion même d’identité.

Flower of Evil

Lee Joon-Gi face à Moon-Chae Won

L’histoire de couple de Hee Seong et Ji Won, qui occupe une place centrale dans le récit, nous est contée au fil de flash-backs dont l’agencement suit un ordre presque chronologique, à quelques retours en arrière près. Ces bribes de mémoire révèlent des moments-clés de leur chemin à deux : la rencontre dans une boutique plantée au coin d’une rue. La réaction agressive de Hee Seong à la déclaration de Ji Won. Un échange romantique sous un abri par temps de pluie. Un instant de bonheur pendant la grossesse de Ji Won. Rarement un drama aura restitué avec autant de finesse l’intimité d’un couple.

A ces moments signifiants répondent une succession de scènes de couples mémorables dans le présent, qui font basculer Flower of Evil sans crier gare dans le pur drame familial. On retient tout particulièrement la scène de ménage de l’épisode 9, au cours de laquelle Cha Ji Won enclenche une dispute pendant la vaisselle. Alors que la jeune femme exprime toute sa colère et sa douleur sans énoncer explicitement les raisons de ce déchaînement, Hyun Soo, pris au dépourvu, semble perdre pied dans son incapacité à décrypter la situation et reçoit chaque mot comme autant de coups de poignard. Plutôt que de charger la scène en effets dramatiques, le réalisateur Kim Cheol Gyoo opte pour la sobriété en laissant ses interprètes s’épanouir dans leur performance d’acteur.

Lee Joon-Gi (Flower of Evil)

Et quelles performances d’acteurs ! Lee Joon Gi (Lawless Lawyer) et Moon Chae Won (Mama Fairy And The Woodcutter) sont magistraux. Les deux acteurs se retrouvent à l’écran trois ans après le contestable Criminal Minds, qui ne leur avait guère donné l’occasion de se donner la réplique. Flower of Evil nous fait vite oublier cette déception. Entre la pureté des moments de bonheur familial, les éclats de tension psychologique et les explosions mélodramatiques, leurs échanges sont servis par des dialogues d’une incroyable qualité et élèvent Flower of Evil à un niveau supérieur aux standards habituels des thrillers télévisuels coréens.

Lee Joon Gi, qui trouve ici l’un des plus beaux rôles de sa carrière, se plonge corps et âme dans chacune des nombreuses facettes de son personnage. Il paraît habité aussi bien en mari bienveillant qu’en manipulateur ; il crève l’écran dans la froideur impénétrable comme dans la vulnérabilité. Son jeu d’acteur est admirable dans les séquences du quotidien comme dans les moments les plus extrêmes – son intensité de jeu atteint même une forme d’apothéose dans l’épisode 15.

Moon Chae Won, quant à elle, est magnifique de justesse et de sincérité aussi bien en épouse tendre et déchirée qu’en policière pugnace en quête de vérité. En plus de faire preuve d’un bel investissement dans les scènes d’action, l’actrice nous fait ressentir étape par étape le cheminement émotionnel éprouvant de Cha Ji Won, qui voit ses convictions et sa confiance mises à rude épreuve au cours de l’histoire.  Flower of Evil peut également s’interpréter à travers une lecture purement psychologique : après des années de vie commune, l’amour peut-il survivre quand les masques tombent ?

L’un des dramas les plus émouvants de 2020

Le couple est entouré d’un petit groupe de personnages secondaires qui incarnent plusieurs voies possibles pour les deux époux : celle du doute avec le flic qui suspecte le mari de sa collègue (Choi Young Joon, Hospital Playlist), celle de la recherche de vérité avec le journaliste Kim Moo Jin (Seo Hyun Woo, The Lies Within), celle de l’aliénation au passé à travers celui de la sœur Do Hae Soo (Jang Hee Jin, Babel).

En parallèle de la crise de couple se joue aussi un autre drame familial, dont le théâtre est le toit des parents adoptifs de Do Hyun Soo, une famille hantée par un fils fantôme – le vrai Baek Hee Seong est plongé dans le coma – dont la personnalité reste un mystère pendant une partie de la série.

Jang Hee Jin (Flower of Evil)

Le réalisateur fait un travail remarquable pour imprimer à ces scènes de famille une ambiance particulière, entre douleur sourde, relations dysfonctionnelles et froideur guindée. Une fois encore, il peut compter sur son sens de l’atmosphère, la précision de ses cadrages, mais aussi sur des acteurs qui se fondent dans la peau de leur personnage. A ce titre, Kim Ji Hoon (The Rich Son) apparaît transformé physiquement (il a perdu du poids pour le rôle) et délivre une performance magnétique dans un contre-emploi.

Enfin, parmi les personnages secondaires, Jung Seo Yeon (Golden Garden) est choupinette dans le rôle de la petite Eun Ha et l’acteur Seo Hyun Woo apporte un peu d’humour et de légèreté à la série dans le rôle de Kim Moo Jin. Au rang des petits défauts, on aurait aimé voir la relation entre Kim Moo Jin et Do Hae Soo évoluer différemment et le dernier épisode s’étirer un peu moins en longueur, mais ne chipotons pas.

Flower of Evil relève admirablement le défi difficile qu’il s’est posé et restera comme l’un des dramas émotionnellement les plus forts de cette année 2020.

Elodie Leroy

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