Lawless Lawyer doit beaucoup à son impeccable quatuor d’acteurs, qui pallie plus d’une fois les faiblesses d’un scénario trop prévisible.
Lawless Lawyer restera avant tout dans les mémoires comme le premier vrai succès commercial de Lee Jun Ki depuis lljimae, soit depuis dix ans. Dans un rôle d’avocat rebelle qui lui va comme un gant, celui-ci déploie tout son charisme et ses – nombreuses – compétences d’acteur d’action pour nous divertir. De Lee Jun Ki à Seo Ye Ji, en passant par Choi Min Soo et Lee Hye Young, qui nous régalent avec des personnages de méchants aux petits oignons, le drama se distingue par une belle interprétation, à laquelle il faut ajouter une réalisation soignée. Dommage que le scénario ne soit pas à la hauteur de ces atouts.
Bong Sang Pil (Lee Jun Ki) est un avocat au sang chaud dont le taux de réussite à la cour approche les cent pour cent. Sa motivation pour remporter toutes ses affaires ? Venger la mort de sa mère, une avocate de renom assassinée sous ses yeux quand il était enfant. Le coupable, un gangster du nom de Ah Oh Ju (Choi Min Soo), travaillait en réalité pour le compte de Cha Moon Sook (Lee Hye Young), la juge la plus respectée de la ville de Giseong. Pour parvenir à ses fins, Sang Pil recrute une jeune avocate brillante mais un peu trop franche, Ha Jae Yi (Seo Ye Ji), qui a elle aussi perdu sa mère il y a dix-huit ans, à l’époque du drame. Ensemble, les deux avocats vont tenter de révéler au grand jour la formidable corruption qui mine la ville depuis des décennies.
C’est de nouveau la chaîne tvN que Lee Jun Ki a choisi pour faire son retour sur les écrans, malgré la déception artistique et commerciale que fut Criminal Minds l’année dernière. Lawless Lawyer était diffusé tous les week-ends entre le 12 mai et le 1er juillet 2018. Tout au long des seize épisodes, le public aura répondu présent avec plus de 6,1% de moyenne d’audience, et un pic à 8,9% pour le dernier épisode, soit un score impressionnant pour un drama du câble.
Succès personnel pour Lee Jun Ki, Lawless Lawyer confirme que le réalisateur Kim Jin Min est décidément un porte-bonheur pour sa carrière. Il y a onze ans, alors qu’il peinait à se défaire de l’image androgyne qui lui collait à la peau depuis le phénomène King and the Clown, ce dernier l’avait aidé à s’imposer comme un authentique acteur d’action avec le drama Time Between Dog and Wolf. Kim Jin Min est par ailleurs un réalisateur plutôt éclectique, puisqu’on lui doit aussi l’émouvant mélodrame Marriage Contract avec Uee.
Et s’il est un domaine dans lequel Lawless Lawyer ne déçoit pas, c’est bien la réalisation. Qu’il s’agisse des scènes de jeu où les acteurs se font face, des scènes de tribunal ou des scènes d’action musclées, Lawless Lawyer est superbement mis en scène. La caméra de Kim Jin Min semble constamment à l’affût du détail, de l’expression faciale à capturer à l’écran pour rendre l’ensemble le plus vivant possible, sans jamais que son style se résume à de l’esbroufe. La cinématographie réaliste utilise ainsi à bon escient les effets flare pour apporter de la profondeur aux plans en extérieur notamment.
Difficile cependant d’être aussi élogieux à propos du scénario de Lawless Lawyer. L’idée de mêler trame juridique et action dans le milieu des gangsters est intéressant, et fonctionne bien jusqu’à un certain point. Le thème de la corruption des puissants est ici développé à travers les agissements d’un protagoniste en particulier, que sa position amène à concentrer tous les pouvoirs. On retrouve cette idée, récurrente dans les dramas coréens, que ceux qui défendent les valeurs les plus nobles sont les plus pourris – quelques semaines plus tôt, le thriller Children of a Lesser God en discutait à sa manière autour d’un personnage de politicien tordu à souhait.
Dommage que le scénariste Yoon Hyun Ho, qui a œuvré sur le drama Remember, et sur le film The Attorney avec Song Kang Ho, semble parfois se contenter de remplir un simple cahier des charges au lieu de chercher à surprendre le spectateur. Si les quatre personnages principaux sont plutôt bien écrits, de même que certains personnages secondaires, la trame d’ensemble est trop prévisible pour exciter notre curiosité à chaque fin d’épisode. La partie qui concerne la mère de Ha Jae Yi en particulier, ralentit considérablement l’intrigue alors qu’elle est censée en intensifier le suspense.
La résolution de l’affaire dans son ensemble est satisfaisante mais cela tient davantage à la cote de sympathie des personnages et aux performances des acteurs, qu’au déroulement du scénario lui-même. Heureusement pour Lawless Lawyer, son casting principal est l’un des plus solides que l’on ait vu dans un drama coréen d’action depuis longtemps.
On l’a dit, Lawless Lawyer est le véhicule idéal pour le sacre de Lee Jun Ki en tant que star d’action. Sa personnalité d’acteur extravertie fait des merveilles dans les scènes où Bong Sang Pil s’en va intimider ses ennemis, aussi redoutables soient-ils. Souple et rapide, il impressionne dans les scènes de baston, pour lesquelles il a suivi un sérieux entraînement en jujitsu. Il est tout aussi à l’aise au tribunal, à narguer la juge responsable de la mort de sa mère. Lee Jun Ki est célèbre pour ses scènes d’émotion, et il nous offre de beaux moments dès l’épisode 2, à l’occasion d’une scène où son personnage se lamente sur son passé.
S’il a été partie prenante de belles romances, comme Moon Lovers: Scarlet Heart Ryeo ou Arang and the Magistrate, Lee Jun Ki trouve en Seo Ye Ji sans doute la meilleure partenaire féminine de sa carrière. Les deux acteurs forment un couple de rêve à l’écran, tant sur le plan visuel que sur le plan de la complémentarité du jeu d’acteur.
Sur la pente montante depuis le thriller Save Me, Seo Ye Ji endosse avec talent son costume d’avocate tête brûlée, et se montre convaincante dans les scènes de plaidoirie. Son jeu est juste, sans fioriture, et son regard plein de détermination. De son jeu d’actrice, on retient entre autres ce plan-séquence captivant dans l’épisode 6, qui la voit s’avancer lentement vers l’homme qu’elle pense être le bourreau de sa mère, tandis que la caméra reste fixée sur son visage empreint d’une colère froide mêlée de chagrin.
L’un des points forts de Lawless Lawyer tient aussi dans ses deux personnages de méchants très réussis, aux styles radicalement opposés. Lee Hye Young (Mother) démontre une fois de plus l’étendue de son charisme dans le rôle d’une juge populaire mais corrompue, qui se fantasme en défenseuse de la justice tout en scellant le sort de ses proches collaborateurs d’un haussement de tête.
Hautaine, impénétrable ou au contraire avenante, elle fait de la juge Cha Moon Sook un monstre de sang-froid au caractère imprévisible. Le seul regret que l’on ait est l’absence de réel face à face de celle-ci avec Ha Jae Yi, dont elle est la mentor.
L’alchimie fonctionne en revanche à plein entre Choi Min Soo (Sword in the Moon, Jackpot) et Lee Jun Ki, au point de devenir l’un des attraits majeurs de Lawless Lawyer dans les derniers épisodes. Choi Min Soo nous sert une composition de personnage de gangsters comme lui seul en a le secret, un personnage tout en démesure, à la fois drôle et glaçant, que l’on ne parvient jamais à détester.
Ses échanges avec Lee Jun Ki font mouche car les deux acteurs possèdent une présence forte sans que l’un ne soit bouffé par l’autre à l’écran. Choi Min Soo, que son immense talent n’empêche pas de cabotiner parfois, trouve ici l’exacte mesure face à ce partenaire dont l’énergie contamine l’écran tout entier.
Enfin, l’actrice Yum Hye Ran (Live), qui joue le bras droit de la juge Cha Moon Sook, est tout simplement formidable en plouc hargneuse et sournoise. Sans oublier l’incontournable Ahn Nae Sang (Temperature of Love) dans le rôle de l’oncle de Bong Sang Pil alias Lee Jun Ki.
Drama d’action, drama d’acteurs, Lawless Lawyer n’est pas aussi excitant que son pitch le laissait présager, mais reste un divertissement honorable dont on se surprend à espérer une suite – un rêve qui pourrait bien se concrétiser prochainement au vu de ses dernières images, et du succès populaire de l’ensemble.
Caroline Leroy