Critique Criminal Minds, avec Lee Jun Ki : les esprits criminels sont barbants

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Lee Jun Ki pourchasse des psychopathes dans le remake coréen de la série américaine Esprits Criminels. Ça passe ou ça casse ?

Diffusé entre le 26 juillet et le 28 septembre 2017, le drama coréen Criminal Minds (tvN) s’attaque à une institution de la télé américaine, Esprits Criminels, qui a plus de dix ans d’existence et possède une solide fanbase internationale. Réalisé par Yang Yun Ho, ce remake se paie le luxe d’un casting trois étoiles avec la présence de Son Hyun Joo, Lee Jun Ki et Moon Chae Won. De nombreux ingrédients étaient réunis pour faire de ce nouveau thriller coréen un drama punchy et divertissant. Le résultat n’est cependant pas à la hauteur des ambitions.

Annoncé dans le texte, le dernier paragraphe de cette critique comporte des spoilers.

Lee Jun Ki dans le drama Criminal Minds

Kang Ki Hyung (Son Hyun Joo) est à la tête d’une équipe de profilers dont la méthode consiste à entrer dans l’esprit des criminels pour résoudre les affaires. Il recrute bientôt Kim Hyun Joon (Lee Jun Ki), un homme de terrain hanté depuis son adolescence par un meurtre non résolu, Han Sun Woo (Moon Chae Won), une femme d’action qui cache un terrifiant secret, Nana Hwang (Yoo Sun), une pro de l’informatique, Lee Han (Go Yoon), un jeune surdoué passionné de psychiatrie, et Yoo Min-Young (Lee Sun Bin), qui assure la liaison avec la presse.

Le ratage était presque parfait

Dans mes premières impressions sur la série, je pressentais déjà quelques éléments de déception, à commencer par un rythme inégal et des personnages effacés. Je nourrissais tout de même certains espoirs, ne serait-ce parce que le genre du thriller est en pleine explosion à la télé coréenne depuis quelques années et nous a offert, rien qu’en 2017, quelques pépites – par exemple, Voice et Duel, pour ne citer que ces deux-là.

Si je devais dessiner une courbe représentant l’évolution de mon implication dans la série, elle ressemblerait à un encéphalogramme pépère dans la première partie, qui s’active soudainement dans les épisodes du milieu pour s’aplatir lamentablement en fin de parcours.

Oui, Criminal Minds est un ratage, un vrai, dans les règles de l’art. Ce genre de ratage qui a le vice de créer de faux espoirs en milieu de parcours, histoire de bien accentuer la sensation de déception à la fin. J’en veux un peu au réalisateur, Yang Yun Ho (IRIS, Fighter in the Wind) de nous avoir monté ce coup-là ! Et je comprends a posteriori pourquoi son collègue Lee Jung Hyo (The Good Wife), crédité comme réalisateur au début de la diffusion, a quitté le navire dès les premiers épisodes.

A peu près tous les éléments d’attraction qui s’installent au fil de la série retombent comme des soufflés. Ou presque. Ne soyons pas injuste.

En effet, les gimmicks de la série d’origine sont tout de même respectés : la série offre son content de femmes séquestrées, sa galerie de psychopathes en liberté, ses citations philosophiques marquant la fin de chaque chapitre… La mécanique des épisodes est similaire à celle du matériau d’origine : une victime, une scène de crime, une répartition des rôles entre les personnages, une explication psychiatrique et une arrestation (ou exécution). Le tout est ponctué par les recherches informatiques effectuées par une geek trop cute, capable de savoir en un clin d’œil combien de personnes ont commandé un Big Mac dans le McDo du coin au cours de ces 20 dernières années, et d’identifier très précisément les suspects qui ont retiré les cornichons. Comme dans Esprits Criminels.

Toujours à l’image de la série d’origine, il est conseillé de ne pas s’appuyer sur Criminal Minds pour s’informer sur la psychiatrie, puisque nous retrouvons les clichés communs à toutes les séries policières US (une fois encore, le trouble dissociatif de l’identité est associé à la psychopathologie, ce qui est une erreur ! Heureusement, Kill Me, Heal Me est passé par là !).

Les épisodes se répartissent clairement en deux catégories : les loners, qui développent une affaire indépendante trouvant une résolution à la fin de l’enquête, et les épisodes développant la trame principale. La déception porte principalement sur les épisodes entrant dans la seconde catégorie, qui constituent malheureusement une part importante de la série. Il aurait été bien plus habile de donner plus d’importance aux loners comme dans la série américaine.

En outre, je me suis vite interrogée, en regardant la série, sur la pertinence de transposer rigoureusement un concept fondé sur un élément du système judiciaire américain en Corée, compte tenu des différences culturelles entre les pays. Si les policiers sont généralement glorifiés dans les séries américaines, le mal-être du flic coréen, qui s’efforce d’arrêter les criminels pour s’apercevoir qu’un simple coup de fil du procureur en chef réduit son travail à néant, fait partie des thèmes récurrents des séries policières coréennes. Il est balayé d’un revers de main dans Criminal Minds, sous prétexte qu’il s’agit d’une unité spécialisée. L’équipe de Voice formait elle aussi une unité d’élite spécialisée dans un type de sauvetage particulier. Le système coréen y était pourtant abordé avec plus de sérieux.

Crimes… et châtiment scénaristique

Admettons que le scénariste n’ait absolument pas souhaité parler de corruption, afin de rester centré sur son sujet : les esprits criminels. S’agissant des épisodes « stand alone », la qualité est parfois au rendez-vous, même si certaines affaires sont plus inspirées que d’autres.

Le drama monte en gamme lorsque le scénario injecte quelques sujets de société propres aux fictions coréennes, tels que la souffrance des couches sociales défavorisées, la violence envers les enfants ou encore la dureté envers les jeunes. L’affaire la plus prenante est ainsi celle des kidnappings d’enfants, dont le scénario emprunte des chemins tordus pour délivrer un suspense d’autant plus légitime qu’il est toujours difficile, même dans une fiction, de voir des enfants se faire maltraiter. Les enfants acteurs s’avèrent à ce titre très doués.

Une autre réussite est l’affaire d’Ahn Yeo Jin (Kim Ho Jung), la femme condamnée à mort qui refuse qu’une nouvelle enquête soit menée pour prouver son innocence. L’ambiguïté du personnage, sa relation avec Kang Ki Hyung et le jeu de l’actrice apportent un supplément d’âme à la série, qui en manque par ailleurs cruellement.

Malgré tout, l’ensemble manque singulièrement de rythme. Je ne suis pas une fan d’Esprits Criminels, dont les dénouements me déçoivent souvent par leur platitude en comparaison avec les promesses de début d’épisode. Pourtant, force est de reconnaître qu’il est difficile, dès lors que l’on pose les yeux sur cette série, de ne pas se laisser embarquer par l’efficacité de la réalisation, le montage serré et les échanges enlevés entre les personnages. Dans Criminal Minds version drama coréen, la réalisation est certes classieuse, à défaut d’être inventive, mais le montage manque de nerf et le traitement visuel de personnalité.

Il faut dire que le scénariste ne fait rien pour exciter le spectateur avec les personnages. Criminal Minds prend pourtant le parti intéressant de calquer l’équipe sur celle de la série américaine, en s’appuyant sur les personnages secondaires pour créer un sentiment de familiarité, tout en s’autorisant quelques écarts avec les personnages principaux. Jusqu’ici tout va bien. Le problème est qu’une fois l’univers installé, rien ne se produit.

Les acteurs semblent pour ainsi dire subir une véritable punition tout au long de ce drama. Lee Jun Ki (Moon Lovers) est le premier concerné : crédité à l’affiche avant Son Hyun Joo (Three Days), celui qui incarna un jour glorieusement le héros masqué Iljimae se retrouve peu à peu, à mesure que les épisodes défilent, relégué au statut d’assistant acteur. Non seulement le set up de son personnage est un vrai pétard mouillé, mais sa présence dans les scènes avec le Reaper n’a strictement aucun intérêt, si ce n’est d’accompagner son aîné en émettant ça et là quelques commentaires insipides. A l’exception d’une scène d’interrogatoire à la fin de l’épisode 17, où il déploie enfin une palette d’expressions plus complexe, rares sont les moments où son jeu d’acteur est mis à contribution pour faire évoluer l’intrigue. Compte tenu de l’intensité dont il est capable, quelle sacrilège de le voir sous-employé à ce point !

Le constat est un peu plus avantageux pour Son Hyun Joo : monolithique et froid au début de la série, Kang Ki Hyung gagne en chaleur humaine à partir de l’affaire de la condamnée à mort. Malgré tout, ce personnage ne restera pas comme un élément marquant de sa filmographie.

Moon Chae Won au chômage technique

Chez les femmes, le constat est particulièrement dramatique. L’équipe respecte certes le principe de la parité, ce qui est rarement le cas dans l’univers des thrillers coréens (même si les séries sont bien moins machistes que les films), mais les épisodes consacrés à chacune des deux femmes d’action consistent à les mettre dans des situations où elles seront séquestrées, attachées et frappées par le psychopathe du jour. Le fait que Ha Sun Woo (Moon Chae Won) s’en sorte par elle-même dans l’épisode où elle est supposée exorciser son traumatisme fait franchement figure d’alibi faussement féministe, visant à légitimer les violences sexistes dont son personnage fait l’objet.

Par ailleurs, pendant une bonne partie de la série, Moon Chae Won (Love Forecast) semble faire partie du mobilier. Du moins lorsqu’elle est présente : l’actrice principale se fait en effet plus ou moins évincer en cours de route par Lee Sun Bin (Squad 38). A plus d’une reprise, je me suis demandé où elle était passée (chez Pôle emploi ?). Moon Chae Won s’est-elle fâchée avec la production sur le tournage ? Nul ne le sait, mais il y a matière à s’interroger.

En ce qui concerne les personnages secondaires, la production semble s’être aperçue en cours de route de son immense erreur de casting en la personne de Go Yoon, qui incarne le petit génie. Non seulement l’acteur est fade et inexpressif, mais le personnage ne contribue aucunement à faire avancer les enquêtes, si ce n’est en montrant ses belles tablettes de chocolat dans l’épisode 5 – très crédible pour un rat des bibliothèques !

Finalement, la seule actrice qui tire son épingle du jeu est Yoo Sun dans le rôle de Nana, le personnage le plus attachant (le seul ?) de la série. Même si son style vestimentaire, moins fantaisiste que celui de Penelope Garcia, devient vite prétexte à un véritable défilé de mode, l’actrice parvient à trouver un ton propre à son personnage. Gauche et rigolote, un brin nunuche parfois, Nana apporte une touche d’humanité bienvenue à cette équipe sans saveur. On regrette toutefois qu’elle ne noue pas de liens consistants avec ses collègues, si ce n’est pour faire de la publicité pour les nouvelles fonctionnalités apportées par le Samsung Galaxy Note 8.

Quant au chef Baek San, il est tout de même censé reprendre le rôle de David Rossi (Joe Mantegna), présent dans la série depuis 10 saisons. Il faut croire que l’acteur Kim Yeong Chul (le patron dans A Bittersweet Life) souhaitait uniquement faire une participation de sympathie pour le réalisateur Yang Yun Ho, avec lequel il avait déjà travaillé dans IRIS (son personnage s’appelait également Baek San), car son rôle fait plutôt office de cameo. Je reviens sur son sort dans la partie spoiler en fin d’article.

R.I.P le Reaper

Le pire de Criminal Minds est atteint avec la fameuse affaire du Reaper, censée nous faire trembler comme des feuilles tout au long du drama. Annoncé comme le cataclysme qui menace de s’abattre tel un couperet sur nos héros, ce Reaper s’avère finalement être une vaste plaisanterie.

Tout d’abord, il semble que le scénariste et le réalisateur aient décidé d’un commun accord de ralentir considérablement le rythme au cours de ces épisodes. Ces derniers sont parfois tellement soporifiques qu’il est difficile de maintenir pleinement son attention, même si l’on est doté de la capacité de concentration de Shakka dans Saint Seiya. Ensuite, comme je l’expliquais dans mes premières impressions sur la série, l’amorce du duel entre Kang Ki Hyung et le Reaper est tellement similaire à l’original que l’intrigue devient vite sans surprise. En outre, le développement de cette histoire se déroule sur une période de temps trop restreinte pour restituer l’impression d’un duel de longue haleine.

Et puis, il y a l’acteur. Une belle erreur de casting. J’ai vu Kim Won Hae dans un certain nombre de films et de dramas et il m’a toujours semblé extrêmement convaincant jusqu’ici, que ce soit en tueur à gages glaçant dans Nine: Nine Times Time Travel, en petit chef mesquin mais attachant dans Drinking Solo, dans ses deux rôles complètement allumés dans Strong Woman Do Bong Soon ou encore en comptable dans Chief Kim. Cet acteur au registre très étendu mérite pleinement l’attention qui lui est accordée – il est tout de même présent dans environ huit dramas rien qu’en 2017. Pourtant, dans Criminal Minds, il ne se révèle pas convaincant une seule seconde. Pire, je l’ai trouvé risible.

Le problème, avec ce Reaper coréen, est qu’il est parfois difficile de garder son sérieux devant le cabotinage de l’acteur. Pour être honnête, dès que le personnage tentait de faire de l’humour, je ne pouvais m’empêcher de penser à ses deux personnages de Strong Woman Do Bong Soon – alternativement à l’un ou l’autre, d’ailleurs. A la décharge de l’acteur, que pouvait-il faire d’autre que cabotiner ? La réalisation est d’une telle fadeur et les dialogues d’une telle vacuité que chaque situation paraît désespérément sans envergure.

Si l’on ajoute à ces éléments un dénouement fumeux que je détaille dans la dernière partie (qui comprend des spoilers), l’affaire du Reaper m’a littéralement achevée et définitivement découragée d’espérer une saison 2.

Cette dernière partie comporte des spoilers

Un dénouement fumeux

Le traitement réservé à ce personnage, qui était censé être le méchant charismatique de service, en dit long sur la considération que lui a accordée le réalisateur : notre Reaper finit ses jours dans le brouillard ! Vous ne rêvez pas, le climax du dernier épisode, qui est censé mettre en scène un choc de titans entre Kang Ki Hyung, Kim Hyun Joon et le Reaper, se déroule dans une pièce sombre et enfumée. Le résultat est particulièrement inélégant : le spectateur peine à distinguer ce qui se produit à l’écran, les éclairages sont laids et le dénouement improbable.

A noter que le personnage de Lee Jun Ki fait preuve d’une dextérité spectaculaire : cependant que ses deux compagnons de cellule se livrent à un corps à corps sans merci (et pas franchement sexy), Hyun Joon tire dans le tas, complètement à l’aveuglette, mais parvient à cribler de balles le psychopathe sans toucher un cheveu de son collègue. La dernière fois que j’ai vu une scène de ce genre, c’était dans Top Secret, la comédie culte de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker. J’en suis restée sans voix, entre l’envie de rire et la stupéfaction.

A la recherche du chef disparu

Mais au fait, qu’en est-il du chef Baek San ? Comme je vous l’ai dit, je soupçonne que la présence de Kim Yeong Chul relève davantage de la participation amicale que de la véritable volonté d’incarner un personnage. Du moins, je l’espère : le bonhomme finit ligoté et bâillonné, filmé de loin par une caméra de surveillance ! Non seulement le personnage n’a droit à aucune scène de funérailles, alors que nous avons tout de même fait connaissance avec sa fille (que le réalisateur a bien pris soin de filmer sous toutes les coutures, dans sa belle robe blanche), mais sa fin ne fait même pas l’objet d’une mention dans le dernier épisode. Aux oubliettes, le patron !

Quant à moi, c’est cette série que je vais vite oublier.

Elodie Leroy

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