Critique : The End of the World, un thriller pandémique angoissant

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Ce thriller catastrophe coréen orchestre une pandémie à grande échelle et nous tient en haleine avec une intrigue politique et un suspense prenants.

Et si la Corée du Sud était en proie à une épidémie incontrôlable, menaçant de décimer sa population ? Les organes politiques et médicaux seraient-ils capables d’enrayer la catastrophe ? Telles sont les questions posées par la série TV coréenne The End of the World, un drama réalisé par An Pan Seok et diffusé entre le 16 mars et le 5 mai 2013 sur JTBC. Inspiré du roman Infectious Disease de Baek Young Ik, cette série est véritable ovni dans le paysage des dramas actuels, ne serait-ce que pour son casting mature emmené par Yoon Je Moon et Jang Hyun Sung, The End of the World utilise le genre du thriller pandémique pour développer une intrigue politique réaliste et parler de la nature humaine. Un drama à voir pour son atmosphère anxiogène, sa mise en scène léchée et son histoire captivante.

La drama coréen The End Of The World (JTBC)

Pandémie en Corée

Lors de sa sortie en 2013, The End of the World ne rencontre pas le succès qu’il mérite malgré des critiques positives. Le drama est-il trop sombre pour un samedi soir ? Peut-être. Les scores médiocres ne sont pas sans conséquence : la chaîne décide de changer la série de slot pour la placer le dimanche soir, mais aussi de l’amputer d’une partie de son développement. Prévue pour durer vingt épisodes, The End of the World n’en fait donc que douze.

L’autre raison de cet échec commercial est que The End of the World arrive deux semaines après un autre feuilleton du même genre, The Virus (OCN). Le point de départ des deux séries – une épidémie mortelle sévit en Corée – est similaire, mais The End of the World s’oriente vers un traitement plus politique et psychologique de la pandémie.

Question de goût, j’ai préféré le drama The End of the World. Les deux surpassent de loin le récent film Contagion de Steven Soderbergh, sorti à la même période dans le monde entier, et reposait sur la même interrogation : armés de nos connaissances médicales et de nos technologies modernes, sommes-nous vraiment préparés à faire face à une pandémie ? La réponse proposée par The End of the World fait froid dans le dos.

Course contre la montre

Tout commence par un naufrage, celui du Moon Yang Ho, un bateau de pêche dont l’équipage meurt dans des conditions mystérieuses. Seul survivant, Eo Ki Young (Kim Yong Min) est parvenu à rejoindre le continent en canot. Depuis, un mystérieux virus se propage dans le pays. Ne figurant sur aucune base de données médicale, il engendre une maladie fulgurante dont le taux de mortalité est de 100%.

La gestion de crise est confiée au CDC, ou Centre pour le Contrôle et la Prévention des Maladies Infectieuses, qui se réunit pour organiser la mise en quarantaine des malades et coordonner les recherches scientifiques. Encore faudrait-il retrouver Eo Ki Young, identifié comme porteur du virus puisqu’il sème la mort sur son passage sans en avoir les symptômes.

C’est le début d’une course contre la montre pour l’équipe de Kang Ju Heon (Yoon Je Moon), chargée de l’enquête sur le terrain, et pour le Dr Yoon Gyu Jin (Jang Hyun Sung), qui doit mettre au point un médicament au plus vite afin d’éviter la catastrophe. Mais bientôt, d’autres obstacles vont se mettre sur leur chemin…

Réalisé par Ahn Pan Seok (Secret Love Affair) et écrit par Park Hye Ryeon (Wonderful Neighbors), The End of the World se définit par un ton résolument sérieux dès les premiers épisodes. L’histoire prend son temps pour installer un cadre narratif solide et une atmosphère anxiogène, qui doit beaucoup à une photographie subtile, des décors travaillés et une bande son entêtante.

Le drama délivre très vite des séquences macabres mémorables : on n’est pas prêt d’oublier l’exploration infernale du bateau et la découverte, dans des cabines sombres et crasseuses, d’amoncellements de cadavres dont l’état laisse deviner l’horreur traversée par l’équipage avant sa mort.

Malgré un rythme globalement lent, l’action est présente à l’appel, la cavale d’Eo Ki Young à travers la ville occasionnant quelques courses-poursuites énergiques. Ces ruptures de rythme laissent augurer d’une véritable montée en puissance par la suite ; une impression qui se confirmera.

Conflits d’intérêt politiques

Le découpage, bien pensé, permet de suivre sans difficulté une galerie de personnages fournie en jouant sur l’opposition entre deux univers : le bureau dans lequel se retirent les responsables et les chercheurs du CDC pour discuter de la stratégie à suivre, et le monde extérieur, où la contamination s’opère d’abord discrètement, avant de s’accélérer et de prendre une ampleur incontrôlable.

Dépêchés par le CDC sur le terrain pour enquêter, Kang Ju Heon et sa nouvelle recrue Lee Na Hyun (Jang Kyung Ah) naviguent entre ces deux mondes et saisissent le décalage entre la réalité tragique qui se joue au sein de la population, où des vies sont brisées aléatoirement, et les débats de bureaucrates qui agitent les décideurs du CDC, dont le jugement est faussé par des conflits d’intérêts politiques et des rivalités personnelles qui freinent considérablement le processus de décision.

L’une des grandes qualités de The End of the World est d’intégrer avec naturel les enjeux personnels de chacun à l’intrigue globale : à mesure que la pandémie gagne du terrain, les personnages sont confrontés un à un au deuil mais aussi à leurs propres incertitudes et frustrations.

Le virus, cette force obscure insaisissable

Face à la mort rampante, qui frappe à l’aveugle sans distinction d’âge ni de milieu, qui sera capable de conserver son intégrité sans céder à la terreur ou à l’amertume ? A partir de quand l’être humain bascule-t-il au point de modifier sa morale personnelle ?

Véritable personnage de la série, le virus apparait bientôt comme une force obscure et insaisissable, presque douée d’une volonté propre, qui s’infiltre dans toutes les failles de la nature humaine pour assurer sa pérennité et sa domination.

La dimension démoniaque du phénomène se révèle au grand jour à l’occasion d’un face-à-face glaçant entre deux scientifiques rivaux, dans un couloir tout juste éclairé par des lumières rougeoyantes. Cette scène-pivot amorce un dernier acte surprenant, dont le climax lorgne explicitement vers le cinéma d’horreur.

Les amateurs du genre identifieront d’ailleurs quelques références tout au long de la série : outre un gros clin d’œil à The Thing (John Carpenter) lors d’une séquence polaire, il y a un peu de Walking Dead dans la manière dont The End of the World utilise le genre du thriller pandémique pour parler de l’humain et de la société moderne.

Un climax de film d’horreur

Le réajustement de l’histoire induit par l’amputation de huit épisodes ne se fait pas sans heurt : l’intrigue patine un peu vers les épisodes 7 et 8, le temps que les enjeux se redéfinissent. Certains sacrifices ont manifestement été faits pour finir l’histoire de manière cohérente, la scénariste ayant visiblement misé sur le côté obscur de la série.

Ce choix se fait au détriment de la romance naissante entre Kang Ju Heon et Lee Na Hyun, qui débute de manière plutôt touchante et offre quelques moments lumineux, avant de se perdre dans la seconde partie, malgré l’alchimie entre le toujours très bon Yoon Je Moon (The King 2 Hearts) et la jeune Jang Kyung Ah (Rock Rock Rock).

Le drama n’en devient pas froid pour autant : parmi les personnages secondaires, le triangle amoureux formé par Park Joo Hee (Yoon Bok In), Kim Hee Sang (Park Hyuk Kwon) et Yoon Gyu Jin (Jang Hyun Sung) est joliment mis au service du propos de fond.

Présent la même année au cinéma dans le film Hwayi: A Monster Boy, Jang Hyun Sung tire son épingle du jeu en interprétant avec humanité et intensité le Dr Yoon Gyu Jin, excellent aussi bien dans les moments nihilistes que dans la scène d’action haletante qu’il se voit offrir vers la fin de la série.

Yoon Bok In (Secret Love Affair) ressort elle aussi en femme de principe confrontée à la jalousie de son mari et aux raisonnements absurdes de ses collègues du CDC, tandis que Kim Chang Wan (Coffee Prince, Iljimae) nous glace le sang en scientifique qui tente de tirer parti de la situation.

Sombre et réaliste, The End of the World mérite absolument d’être regardé jusqu’au bout pour son climax impressionnant, digne d’un film d’horreur.

Malgré les déboires connus par la production, Ahn Pan Seok signe un drama solide dont l’atmosphère apocalyptique n’est pas sans susciter une certaine fascination.

Elodie Leroy

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