ARCHIVE – Fighter In The Wind raconte les premières années de la quête de perfection de Mas Oyama, qui fonda l’école de karaté Kyokushinkai. L’acteur Yang Dong Geun (Adresse Inconnue) endosse le rôle de ce personnage réel, à l’époque où celui-ci se trouve bafoué dans son honneur de Coréen. Comme la plupart des biographies portées au cinéma, Fighter in the Wind n’échappe pas à certains clichés romanesques, sous forme ici d’une histoire d’amour aussi inutile qu’ennuyeuse. Fort heureusement, le film ne se résume pas à une romance mielleuse, loin de là, et réserve quelques moments de bravoure.
1945. Apprenant que l’armée japonaise recrute des pilotes, Choi Bae Dal, jeune Coréen adepte des arts martiaux, s’embarque clandestinement pour Tokyo pour s’apercevoir rapidement qu’il n’est pas le bienvenu. Alors qu’il vit dans la peur constante de voir son identité démasquée par les Japonais, il rencontre par hasard un autre jeune Coréen du nom de Chun Bae, avec lequel il se lie d’amitié. Mais les deux hommes sont capturés par le redoutable Kato, yakuza de son état et maître en arts martiaux, qui inflige à Choi sa première lourde défaite. Quotidiennement humilié par les Japonais, Choi n’aura d’autre choix pour regagner sa dignité que de perfectionner son art du combat afin de devenir le meilleur de tout le Japon…
Librement inspiré de la vie tumultueuse de Mas Oyama qui fonda en 1964 l’organisation de Karaté Kyokushin, Fighter in the Wind est un film d’aventures empreint de lyrisme qui ne fait pas toujours exactement dans la dentelle. On y retrouve certes les personnages qui ont marqué la vie du véritable Choi, tels que le Coréen Beom Su, incarné ici par Jeong Du Hong (acteur, cascadeur et responsable de la plupart des scènes d’action du cinéma coréen, rien que ça), qui alliait une exceptionnelle maîtrise des arts martiaux à une sagesse remarquable. Toutefois, Su ne fait qu’un passage éclair dans Fighter in the Wind, au profit du personnage de Yôko, la jeune geisha que Choi sauve par hasard des mains d’odieux Américains.
Il existe un contentieux autour de Choi, futur Mas Oyama – dont l’idole n’était autre que le grand Miyamoto Musashi – qui, bien que né en Corée du Sud, est considéré comme Japonais au Japon. La volonté du réalisateur Yang Yun Ho est clairement de rétablir la vérité sur ce personnage emblématique de la lutte du peuple coréen contre les puissances colonisatrices : Choi était bel et bien coréen, un fait surligné au marqueur durant toute la première partie de Fighter in the Wind. Choi Bae Dal (Yang Dong Geun) essuie les humiliations particulièrement gratinées d’une belle brochette de Japonais tous plus vicieux les uns que les autres et qui ne cessent de le traiter de « sale Coréen ». Ce n’est pas tout, Choi se retrouve aussi aux prises avec les brutes américaines qui importunent lâchement les femmes japonaises dans la rue.
Comme la vérité dépasse toujours de très loin la fiction, on n’accusera pas Yang Yun Ho de misérabilisme éhonté : nul doute que de telles choses se sont produites et continuent de se produire ailleurs à l’heure qu’il est. Cette accumulation de scènes gêne plutôt par son caractère trop ouvertement démonstratif : on a vite compris que si le réalisateur insiste sur ces épreuves terribles, c’est afin de nous montrer en quoi ce sont précisément elles qui vont forger le grand homme que deviendra Choi quelques années plus tard.
Pourtant, en dépit de cette entrée en matière besogneuse, Fighter in the Wind se savoure avec un plaisir continu. Le mérite en revient tout d’abord à l’interprète de Choi Bae Dal, Yang Dong-Geun, jeune acteur de 25 ans vu entre autres dans Address Unknown (Kim Ki Duk) et dont le jeu tout en retenue est aux antipodes de ce que l’on pouvait craindre au sujet d’un personnage aussi légendaire dans le milieu des arts martiaux qu’Oyama. Doux comme un agneau au quotidien, relativement nunuche avec sa petite amie, le Choi de Yang Dong Geun se métamorphose en combattant enragé dès qu’il s’y voit contraint par la folie de ses ennemis.
L’autre point fort de Fighter in the Wind, justement, réside dans la mise en scène des affrontements de karaté. Pour une fois, nous avons droit à du vrai karaté, à coups de superbes yokogeri et autre uramawashigeri décochés à la vitesse de l’éclair, et non à des acrobaties ninja déguisées en pseudo-combats d’arts martiaux pour faire « spectaculaire » – le karaté pouvant paraître a priori moins cinégénique que le kung fu, par exemple. Les mouvements sont secs, rapides et violents, comme l’illustre cette très belle scène filmée en grand angle où Choi, revenu de sa retraite dans les montages arides, revient défier les membres d’un dôjo pour tous les étaler un à un.
Joliment filmé et photographié, bien rythmé et servi par une excellente interprétation, Fighter in the Wind est un film aussi candide que son héros, une qualité ambivalente qui constitue à la fois son défaut le plus repérable et sa principale force. Un film attachant, en somme.
Caroline Leroy
Article publié sur DVDRama.com le 9 novembre 2005
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