Dans ce drama coréen décalé, un compositeur de K-pop pactise avec le Diable pour gagner le succès et l’éternelle jeunesse. Notre avis sur ces deux premiers épisodes mouvementés…
Diffusé depuis le 31 juillet 2019 sur tvN, When The Devil Calls Your Name réunit de nouveau les acteurs Jung Kyoung Ho et Park Sung Woong, un an après Life On Mars, dans une histoire aux accents faustiens. Servi par un humour décalé, un casting réjouissant et des effets spéciaux réussis, When The Devil Calls Your Name nous embarque dans son univers fantaisiste dont les codes empruntent directement au film Phantom of the Paradise, tout en délivrant une satire pertinente du monde de l’Entertainment coréen.
Synopsis : Ha Rib (Jung Kyoung Ho) est un auteur/compositeur de tubes musicaux qui doit son talent et son succès à un pacte passé avec le Diable. Lorsqu’il reçoit une notification signalant que son contrat arrive bientôt à échéance, il imagine des plans rocambolesques pour échapper à son sort et entuber le Diable (Park Sung Woong). Il fait également la connaissance d’une jeune artiste, Kim Yi Kyung (Lee Seol), qui prétend être l’autrice de plusieurs de ses œuvres.
Comme nous vous l’expliquions dans notre dossier Dramas coréens 2019 : nos plus grosses attentes, When The Devil Calls Your Name inspire la curiosité pour son sujet faustien et son casting, mais aussi parce qu’il s’agit du nouveau drama du réalisateur Min Jin Ki, qui avait prouvé avec Circle: Two Connected Worlds sa capacité à donner vie à un scénario riche et tortueux.
Les teasers angoissants de When The Devil Calls Your Name laissent planer un certain mystère sur le scénario, voire sur le genre du drama. La série ressemble-t-elle à un thriller, à un drama d’épouvante ou son orientation est-elle plus romantique ?
Quand la musique appelle le Diable
Au vu de l’argument potentiellement effrayant de l’histoire, l’humour décalé qui caractérise le premier épisode pourra dérouter dans un premier temps. L’installation du cadre scénaristique s’avère cependant très fun et efficace, soutenue en cela par un montage bien rythmé. L’action avance d’ailleurs significativement au cours de ces deux épisodes qui ne perdent pas de temps avec des sous-intrigues inutiles.
Nous faisons ainsi la connaissance de Ha Rib, compositeur célèbre et arrogant dans le présent, artiste raté et mendiant dans le passé. Nous découvrons aussi son entourage professionnel et personnel, ainsi que les événements improbables qui l’ont conduit à la situation critique dans laquelle il se trouve en 2019.
La performance exubérante de Jung Kyoung Ho (Cruel City, Missing Nine), qui est comme un poisson dans l’eau dans ce rôle haut en couleurs, participe beaucoup à rendre ces deux premiers épisodes divertissants. Aussi couard et égoïste soit Ha Rib, on ne peut empêcher de trembler avec lui à mesure que l’échéance de son contrat avec le Diable se rapproche.
Si l’humour est donc largement au rendez-vous, conférant parfois au drama un ton surréaliste, le scénario de When The Devil Calls Your Name a plus d’un tour dans son sac.
Soutenue par des effets spéciaux digitaux fort bien réalisés, l’ambiance s’altère ainsi subtilement pour s’orienter davantage vers le thriller avec l’entrée en scène de Mo Tae Kang, acteur à succès célèbre pour ses rôles de psychopathes charismatiques, et qui s’avère être en réalité le Diable en personne.
Les face-à-face entre les deux personnages sont savoureux et le personnage de Mo Tae Kang, qui est interprété par le charismatique Park Sung Woong (The Smile Has Left Your Eyes), parvient à inspirer tour à tour la crainte et le rire – le mélange repose aussi bien sur les dialogues que sur les expressions énigmatiques de l’acteur. Son point de vue est également utilisé pour mettre à jour la lâcheté et la cupidité de Ha Rib.
Hommage à Phantom of the Paradise
Le sujet du drama, qui fait intervenir le Diable dans le monde de la musique pop, rappelle inévitablement le film culte Phantom of the Paradise, opéra rock réalisé en 1974 par Brian De Palma et inspiré du roman Le Fantôme de l’Opéra et de la légende de Faust.
Pour avoir vu Phantom of the Paradise une bonne quinzaine de fois (c’est un de mes films préférés !), je pense pouvoir affirmer sans prendre trop de risques qu’il est le point de départ de When The Devil Calls Your Name, même si celui-ci impose son propre style.
La référence à Phantom of the Paradise est pleinement assumée, ne serait-ce qu’à travers ce le personnage d’artiste recherchant la gloire, le succès et l’éternelle jeunesse. On relèvera plusieurs clins d’œil au chef d’œuvre de De Palma, notamment lorsque Ha Rib s’adresse à son reflet dans le miroir. L’aspect même du contrat démoniaque – une énorme pile de papiers impossible à lire – rappelle également celui du contrat de Swan dans Phantom of the Paradise.
L’inspiration la plus évidente se trouve dans le schéma de relations qui s’annonce entre les trois personnages principaux, à savoir un producteur diabolique, un compositeur en situation critique et une jeune chanteuse recrutée sur audition. Comme dans le film de De Palma, cette dernière s’avère aussi être fan du travail de Ha Rib avant qu’il ne pactise avec le Diable (excellents flash backs en noir et blanc, dans lesquels Ha Rib et son complice du passé se prennent pour les Beatles !).
Nous retrouvons également le contexte de la toute-puissance des labels sur la scène musicale, le principe de l’œuvre artistique volée et le pacte qui se transmet d’un artiste à un autre.
La différence majeure tient au personnage féminin, qui n’est pas seulement une muse/interprète comme Phoenix dans Phantom of the Paradise, mais une autrice compositrice dont l’œuvre a été volée. When The Devil Calls Your Name s’affranchit donc de son modèle en redistribuant les cartes entre ses trois personnages principaux.
Les coulisses de la K-pop sous acide
En plus de modifier la donne entre les personnages et d’adopter un ton résolument moderne, le drama se réapproprie les références à Faust en ancrant son histoire dans le monde d’aujourd’hui et dans un univers typiquement coréen. Exit le hard rock du film de De Palma : les personnages de When The Devil Calls Your Name sont des acteurs de l’industrie K-pop et des hallyu stars.
L’année dernière, Hwayugi: A Korean Odyssey lançait déjà quelques piques à la K-pop à travers le personnage de Ma Wang (Cha Seung Won), qui était à la tête d’un label et dont le nom signifiait « Diable ». De manière amusante, sa secrétaire était campée par Lee El, qui fait également partie du casting de When The Devil Calls Your Name, mais en tant que CEO de label.
Offrant une véritable satire du monde de l’Entertainment coréen, ces deux premiers épisodes n’y vont pas avec le dos de la cuiller, entre l’idole décervelée qui cire les pompes d’un acteur en vue, les affaires de plagiat en série et les fan-meetings dont les performances live sont tout sauf du live.
Au monde superficiel de la K-pop, le drama oppose l’authenticité des artistes qui se produisent dans les rues et les bars du quartier de Hongdae. Le personnage de Yi Kyung, qui incarne l’intégrité artistique perdue de Ha Rib, se révèle très convaincant grâce au jeu intense et extrêmement naturel de Lee Seol, actrice prometteuse découverte l’année dernière dans Less Than Evil. Les chansons qu’elle interprète apportent également une touche de poésie au drama.
Au passage, le drama fait allusion au vol des œuvres de ces artistes de rue par ces maisons de production toutes puissantes, qui industrialisent l’art et transforment des compositions acoustiques en morceaux électroniques ultra rythmés interprétés par des idoles. Un peu comme le producteur de Phantom of the Paradise transformait les ballades émouvantes du compositeur en morceaux de hard rock interprétés par des chanteurs au style criard.
Piège ou rédemption
Vous l’aurez compris, ce démarrage de When The Devil Calls Your Name m’a fait bonne impression. L’univers, les personnages et le ton du drama sortent du lot dans le paysage télévisuel actuel. Outre une réalisation maîtrisée et des acteurs parfaitement à leur place, le drama repose sur un cadre scénaristique suffisamment solide pour inspirer confiance.
Cette impression est confirmée par la sympathique galerie de personnages secondaires interprétés par des acteurs confirmés, notamment Lee El (Hwayugi), impeccable dans son costume de femme d’affaire, Yoon Kyung Ho (Duel, Trap) en serviteur qui tremble devant son maître, et Kim Won Hae (Chief Kim, While You Were Sleeping) en patron d’un café.
Le fil directeur ne devrait pas se perdre en route comme dans le récent Abyss avec Park Bo Young, un drama qui reposait également sur l’intrusion d’un élément plus fort que la mort, mais dont la seconde moitié était une vaste fumisterie.
La seule crainte à avoir, avec ce When The Devil Calls Your Name, est que la romance qui se dessine entre Ha Rib et Yi Kyung prenne le dessus sur l’argument fantastique et que le drama perde ainsi de son originalité.
Leur relation future ne devrait pas trancher avec le canevas habituel des romances à la coréenne – il est riche, elle a du mal à joindre les deux bouts – mais suscite tout de même quelques interrogations : Ha Rib cherchera-t-il une rédemption à travers Yi Kyung ou va-t-il au contraire l’utiliser pour échapper à son sort ? Le scénario parviendra-t-il à nous surprendre jusqu’au bout ? On l’espère.
Diffusé sur tvN depuis le 31 juillet 2019, When The Devil Calls Your Name prend la suite de Search: WWW sur le créneau du mercredi/jeudi en prime time.
Elodie Leroy
Lire aussi
Angel’s Last Mission: Love : avis sur les épisodes 1 et 2