Live Report : B.A.P à Paris, un spectacle blindé d’énergie

Découvrez notre live report du concert de B.A.P. au Zénith de Paris, un show bourré d’énergie et de talent qui nous a fait passer une soirée inoubliable.

Nous vous avons déjà parlé à plusieurs reprises du groupe sud-coréen B.A.P, alias « Best, Absolute, Perfect », à l’occasion de la sortie des clips impressionnants de One Shot et Badman. Lancé en 2012 par le label TS Entertainment, le groupe B.A.P est encore jeune dans le métier mais possède déjà une identité forte et un son immédiatement reconnaissable dans le monde foisonnant de la K-Pop. B.A.P fait aussi partie des groupes coréens dont la popularité a pris très vite en Occident, ce qui explique peut-être que leur tournée mondiale, B.A.P Live On Earth 2014 Continent Tour, s’attarde dans trois villes européennes (Londres, Paris et Düsseldorf), quatre villes américaines (New York, Chicago, Dallas et Los Angeles) et deux villes australiennes (Melbourne et Sydney). Le 30 avril dernier, B.A.P avait rendez-vous avec son public français au Zénith, dans le XIXe arrondissement de notre capitale, et nous n’avons pas hésité bien longtemps pour prendre nos billets.

Les warriors de la K-pop sont-ils aussi charismatiques sur scène qu’à l’écran ? Oui et mille fois oui. La bande à Bang Yong Guk nous a offert un spectacle bourré d’énergie, habité par des chanteurs-danseurs qui envoient tout ce qu’ils peuvent avec générosité, mais aussi un show rafraîchissant grâce à un contact chaleureux entre les stars et leur public.

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Qui va voir B.A.P en concert ?

Nous arrivons sur place sur les coups de 18h et la longueur de la file d’attente fait un peu peur à voir ! Les fans étaient semble-t-il présents dès le matin – j’apprendrai par la suite que certains ont dormi sur place la nuit précédente. Pour mon second concert de K-Pop (le premier était celui de BigBang à Londres en décembre 2012), j’arrive avec au moins une certitude, celle que je ne vais pas voir le temps passer. Familière de la musique de B.A.P, je ne connais pas pour autant toutes les chansons sur le bout des doigts comme certaines des personnes que je côtoie dans la queue, mais j’attends avec impatience certains titres phares tels que Power, One Shot ou encore Hurricane, l’un de mes préférés. Je suis aussi curieuse de sentir les vibrations dans la salle pendant le spectacle.

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Quel genre de public se rend à un tel concert ? Vous découvrirez probablement des reportages sur le sujet à la télévision. J’ai d’ailleurs aperçu un ou deux journalistes réalisant des micros-trottoirs, avec sans doute leur sujet pré-écrit à l’avance. On aura certainement droit aux clichés habituels présentant les stars de K-Pop comme des « robots » exécutant des chorégraphies « au millimètre », et adulés par des ados lobotomisés. Telle est la manière dont la télévision française parle des jeunes Français d’aujourd’hui. Telle est aussi la manière dont nos médias présentent ces jeunes talents venus de Corée du Sud, et qui sont en train de réussir le pari qu’aucun chanteur français actuel ne peut prétendre relever : s’exporter dans le monde entier en chantant dans sa propre langue.

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Non, le public de la K-pop n’est pas composé d’ados victimes d’un marketing agressif. En regardant les personnes autour de moi, j’ai plutôt l’impression de retrouver un public similaire à celui de la Japan Expo, avec un cœur de cible jeune mais aussi des personnes un peu plus âgées comme moi – des fans pour certains, ou des curieux qui ont compris qu’il se passait quelque chose, en ce moment, avec cette musique. Parmi les jeunes, je découvre une forte proportion de filles mais aussi des bandes de mecs dont le style vestimentaire a des affinités avec l’univers hip hop pour les uns, rock pour les autres. J’aperçois aussi des jeunes filles ou garçons avec des looks suggérant un côté anticonformiste prononcé. Et il faut l’être au moins un peu, à cet âge-là, pour aller chercher une musique ne bénéficiant d’aucune promotion chez nous. Et pour ne pas céder à la dictature de la pop américaine. J’apprécie Pharrell Williams, mais lui voir consacrer un article sur deux dans l’actualité musicale me fait douter de l’indépendance de nos journalistes. Parmi les jeunes qui écoutent de la K-Pop, certains apprécient sans doute aussi Pharrell Williams (lequel écoute d’ailleurs de la K-Pop*, c’est là le plus drôle), mais une chose est sûre, ils ont tous compris qu’il y avait une vie en dehors de l’Occident. Ils sont allés piocher ce qui leur plaisait sur Internet, plutôt que de suivre le mouvement prescrit d’une seule voix uniforme par nos médias. Rien que pour cette raison, il faut respecter ces jeunes.

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De toute façon, le phénomène K-Pop est aussi un phénomène identitaire et communautaire. Les fans de chaque groupe musical portent un nom qu’ils se sont attribué eux-mêmes. J’avais rencontré les « VIPs » au concert de BigBang ; cette fois, je fais la connaissance des « Babys » français. Au moment du contrôle de sécurité, je pioche au passage, sans trop savoir de quoi il s’agit, une bannière avec un texte en coréen adressé à B.A.P et réalisé par les Babys. Un peu plus tard, je me surprends à la brandir de manière synchrone avec tous les fans, devant des chanteurs visiblement touchés. Ce moment fait partie des animations organisées par le fan club. En entrant dans la salle, je passe aussi devant des cartons adressés à chacun des membres du groupe B.A.P, et dans lesquels des fans déposent des cadeaux.

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En somme, assister à un tel concert fait exactement l’impression inverse de ce qui est décrit dans les reportages de Canal+ : c’est vivant, chaleureux, décomplexé. Le public se montre très prompt à participer activement et les stars de K-Pop reçoivent ces vibrations avec une certaine humilité, comme je vais m’en apercevoir tout au long du spectacle généreux que nous offriront les six jeunes gens du groupe B.A.P. Je n’ai qu’un seul regret : ne pas avoir de lighstick lumineux en forme de tête de lapin, la mascotte du groupe. Au concert de BigBang, ils en vendaient sur place, alors qu’ici, la boutique de goodies s’avère minimaliste.

We’re Hurricane ! Ambiance sur-vitaminée au Zénith

Prévu à 20h, le concert démarre quelques minutes plus tard par une introduction digne d’un film de science-fiction. Sur l’écran géant situé au-dessus de la scène, un flash d’information nous annonce qu’un OVNI vient d’être détecté dans le secteur et que six aliens ont débarqué sur la planète Terre… Après des images de modulation de fréquence et de caractères chiffrés façon Matrix, une sirène de police résonne dans la salle. Bientôt, des coups de mitraillettes éclatent dans les haut-parleurs tandis que des impacts de balles recouvrent l’écran ; puis l’image se fracasse comme une vitre et l’écran devient noir. La chanson One Shot débute dans la foulée. La salle est déjà bien chauffée à ce moment-là, mais ce n’est rien comparé aux hurlements qui se déchaînent lorsque Yong Guk, Him Chan, Dae Hyun, Young Jae, Jong Up et Zelo font leur entrée en scène. Mes oreilles souffrent un peu pendant les premières minutes mais je m’habitue très vite. Et puis, je ne peux pas vous garantir que je n’ai pas crié moi aussi de temps en temps, pendant les 2h15 qu’a duré ce concert estampillé « Paris attack!! ».

Review du clip One Shot de B.A.P

La bande à Bang Yong Guk est donc là, en chair et en os, sur la scène du Zénith, et il est environ 20h15. Furtivement, je me rappelle que le groupe n’a été formé qu’en 2011 et lancé en 2012, avec le titre Warrior (et son clip choc en mode gros durs dans un décor urbain désaffecté). Aujourd’hui, il fait déjà partie, aux côtés de ses aînés BigBang, 2NE1 ou encore Super Junior, de la catégorie très sélect des artistes de K-Pop ayant la primeur de réaliser une tournée internationale, de se frotter au public occidental au même titre que les artistes américains et européens. J’ai d’ailleurs aperçu, aux alentours de la salle, quelques journalistes et photographes coréens venus couvrir l’événement. Comme je vais m’en apercevoir, ces garçons ont largement le niveau justifiant leurs ambitions.

Yoo Young Jae dans le clip de Badman
Yoo Young Jae dans le clip de Badman

B.A.P ouvre donc les festivités sur les chapeaux de roue avec l’un de ses titres phares, One Shot. Pour rappel, le clip se présentait comme un petit court métrage dans lequel les chanteurs interprétaient des voyous, dont l’un était kidnappé par des gangsters (Young Jae, l’un des vocalistes du groupe). En séquence parallèle, les chanteurs effectuaient des chorégraphies brutales dans des décors chaotiques, voire dans une prison. L’histoire s’achevait par un gunfight sur un quai de métro désaffecté. Pas de kidnapping de Young Jae ni de gunfight sur la scène du Zénith (même si on entend quelques coups de feu !), mais les chorégraphies, elles, sont au rendez-vous, avec ces moments forts dans le refrain où les chanteurs tombent à terre de manière théâtrale pour effectuer des mouvements au ras du sol, avant de se relever en tournant et de mimer l’acte de tirer avec un fusil.

La performance du groupe est tout aussi brillante sur des titres puissants comme Bad Man, avec ses changements osés de rythme et de tonalité, le très énergique Warrior, titre de lancement du groupe, et bien sûr l’incontournable Power, avec son moment de chorégraphie surréaliste où les chanteurs vaporisent de l’air avec des bombes spray tout en dansant (ce qu’ils font aussi sur scène !). J’ai personnellement énormément apprécié leur performance ultra-testostéronée sur Bangx2, où l’on se serait soudainement cru dans un concert de hard rock, mais aussi le titre électro/hip-hop Hurricane, qui a littéralement mis le feu à la salle en nous plongeant dans une ambiance de boîte de nuit géante.

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Un peu de fan service ne fait pas de mal

Vocalement, le niveau est tout aussi bon. Yong Guk, le leader dont le charisme constaté à l’écran se confirme sur scène, et Zelo, le plus jeune du groupe, font des étincelles dans les parties rap. La justesse des parties chantées se révèle tout aussi épatante, notamment grâce à la voix puissante de Dae Hyun. Cette justesse étonne particulièrement compte tenu du caractère sportif des chorégraphies. B.A.P est le tout premier groupe de « K-Pop chorégraphiée » que je découvre en concert, et je suis époustouflée par le professionnalisme et la coordination de ces garçons, un jeu scénique appuyé par des effets de lumières qui boostent habilement l’ensemble.

Kim Him Chan
Kim Him Chan

De manière générale, les groupes coréens donnent un sens nouveau au principe du boys band (et du girls band pour les filles), voulant que les chanteurs, qui constituent en fait un ensemble vocal, se relaient au micro pendant que les autres assurent la chorégraphie. Ce passage de relai permet d’entretenir à la fois une continuité sur le plan vocal et une cohérence visuelle dans le spectacle. Je m’en aperçois très vite au cours de ce concert de B.A.P : les garçons défilent les uns après les autres au premier plan, cependant que les autres bougent avec rapidité et souplesse. Chaque fois que l’un passe le micro, il se remet à danser dans la demi-seconde qui suit, ce qui requiert une concentration sans faille. Les danses se suivent mais ne se ressemblent pas. Secondés par des back dancers irréprochables, les chanteurs enchaînent les mouvements avec une ampleur permettant d’apprécier le spectacle quelque soit l’endroit où l’on se situe dans la salle (je me trouve moi-même dans les tribunes).

Moon Jong Up
Moon Jong Up

Les costumes se révèlent tout aussi travaillés, entre les complets vestons bariolés que ne renierait pas Mika, et les blousons de cuir cloutés de bad boys. Toutefois, le défilé de mode n’est pas aussi tape-à-l’œil que chez d’autres artistes de K-Pop. Le design du groupe B.A.P est certes très pensé mais le groupe cherche clairement à se démarquer de la tendance « pretty boys » si chère aux boys bands coréens, en cultivant une image virile. La plupart des titres sont d’ailleurs très rythmés, même si le groupe excelle aussi dans les balades (Coffee Shop). Outre les coups de feu présents dans certains titres, l’une des marques de fabrique sonore du groupe est la présence de ces coups de sifflets évoquant l’ambiance d’un match de foot (certains fans dans la salle sont d’ailleurs équipés de sifflets).

Le style vestimentaire du groupe affiche logiquement une certaine sobriété, tout en gardant ce grain de fantaisie et cette touche design spécifiques aux stars coréennes (et avec laquelle aucun chanteur français ne peut rivaliser).

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Il n’empêche, B.A.P demeure un groupe de K-Pop grand public. Il nous a donc réservé quelques moments de pur fan service. C’est surtout Jong Up qui écope de cette partie : après un numéro de danse solo très élégant en costume et chapeau, il finit par enlever la veste et faire craquer sa belle chemise blanche, ce qui met littéralement la salle en transe. Un peu plus tard, Bang Yong Guk dévoilera furtivement ses abdos. Rien de vulgaire là-dedans : l’esprit reste bon enfant. Ce genre de réjouissances réservées aux filles, absolument impensables dans la pop française, est une sorte de tradition dans les concerts de K-Pop avec des stars masculines.

Cours de danse

J’avais entendu parler d’une autre curiosité propre aux concerts de K-Pop : à un moment donné, le public est invité à apprendre une petite chorégraphie. J’en fais l’expérience au concert de B.A.P : vers le milieu du show, tandis que les chanteurs se changent en coulisses, une vidéo d’origine extraterrestre nous parle d’une danse très populaire dans l’univers, une danse qui prend le contrôle de vos hormones pour répandre la joie et la bonne humeur, et pour vous rapprocher de nos voisins. La voix souligne que les expressions faciales ont une importance cruciale et la chorégraphie nous est expliquée de manière très scientifique à l’écran, cependant que deux danseurs masqués avec des têtes de cheval font la démonstration en live. Une fois que toute la salle a assimilé les mouvements, les chanteurs de B.A.P refont leur apparition sur scène pour un titre basé sur un rythme similaire, ce qui permet au public de danser avec eux. Le principe est très enfantin, mais ne boudons pas notre plaisir, il est aussi diablement séduisant.

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Les concerts de K-Pop ont aussi cela de particulier que les artistes entretiennent un contact très chaleureux avec leur public. Au concert de B.A.P, une séquence met en scène les chanteurs autour d’un minibar (le « Starbabys coffee » !). Après s’être servis en sodas, les chanteurs en apportent pour quelques spectatrices chanceuses situées dans la fosse, ce qui ne manque pas de faire quelques envieuses (j’entends des trépignements autour de moi). Si cette animation est répétée à chacun de leurs concerts, une autre se révèle spécialement dédiée au public français : chanter Aux Champs Elysées de Joe Dassin ! Une habitude chez tous les chanteurs de K-Pop en concert à Paris. Pour l’occasion, Yong Guk, Him Chan, Dae Hyun, Young Jae, Jong Up et Zelo se sont également fendus d’apprendre quelques mots dans notre langue. Certains se lancent dans des phrases entières pour raconter qu’ils ont mangé de la baguette française.

« Earth Needs You »

Si B.A.P cultive une image plus « bad boys » que la plupart des groupes masculins de K-Pop mainstream, le concert auquel j’assiste transmet en fin de compte des valeurs très positives, comme en témoignent les titres des différents chapitres du spectacle : Justice, Love, Passion, Emotion, Happiness et, pour finir, Encore (c’est-à-dire le rappel de fin du concert). En effet, les clips de B.A.P mettent certes en scène de la violence (délinquance, gunfights, etc.), mais le message consiste avant tout à démontrer à la jeunesse qu’elle se ferme des portes en empruntant cette voie. Au concert de B.A.P, on découvre parfois des images de violence sur l’écran géant qui surmonte la scène, des images suivies de messages tels que « Earth Needs Love » ou « Earth Needs You ». Le fil directeur du concert est simple, peut-être naïf, mais direct et universel.

Choi Jun Hong alias Zelo
Choi Jun Hong alias Zelo

Et après tout, a-t-on besoin d’autre chose dans un concert pop ? Dans les années 90, quand j’étais ado et que j’allais voir en salle des groupes de pop-rock anglaise, le message n’était pas si différent. A cette époque aussi, les concerts pop nous disaient que l’amour était la solution à tous les fléaux de l’humanité. Certains groupes ou artistes affichaient un visage plus politisé (U2, par exemple), mais la plupart se cantonnaient à des messages clairs et humanistes, le tout sur des mélodies faciles à mémoriser. Au passage, le leader du groupe, Bang Yong Guk, fait partie des stars de K-Pop les plus investies dans des causes humanitaires (il est membre des associations Unicef, Save the Children et World Vision). Pourtant, le message reste limpide et sans prétention et le concert nous maintient dans la bonne humeur. Rien à voir avec les leçons de morale politique à la Madonna.

Jung Dae Hyun
Jung Dae Hyun

Quand on est réunis tous ensemble dans une salle, cette simplicité a quelque chose de fédérateur et vous donne la pêche. A l’heure où les stars américaines rivalisent dans la provocation lourdingue et non-sensique (Miley Cyrus qui twerke ou qui crache sur ses fans, Lady Gaga qui se fait vomir dessus…), la K-Pop nous ramène vers des valeurs simples et peut-être plus essentielles. Le public ne vient ni pour se prouver qu’il est adulte, ni pour suivre un manifeste politique. Il vient pour applaudir, faire la fête, crier sans complexe, danser et chanter à tue-tête dans un grand mouvement collectif – quitte à prononcer quelques mots de coréen.

Le public vient aussi pour échanger avec ses stars, et sur ce plan, les chanteurs coréens sont rafraîchissants car pas encore blasés. En pleine découverte de leur public américain et européen, qu’ils n’hésitent pas à prendre abondamment en photos en fin de concert, ils abordent cet échange avec candeur et spontanéité – Dae Hyun, le dernier à quitter la scène, est visiblement ému en partant. Les « Babys » embarquent sans aucun doute avec eux plein de bons souvenirs. Moi aussi.

Elodie Leroy

*Le 9 septembre 2013, Pharrell Williams interpellait sur Twitter G-Dragon, leader du groupe BigBang, et la designer Mina Kwon pour saluer leur talent et solliciter une collaboration

Credits photos : Chung Hee Jee, bapyessir.com, myrarapop.com, @Vocal&Visual, @zelovesick, unlimited.

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