Critique : Escape From Mogadishu, un grand film aux scènes d’action dantesques

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Gros succès au box-office coréen, Escape From Mogadishu nous entraîne dans une course folle pour la survie sur fond de guerre civile en Somalie. Découvrez notre critique du film.

Lors de sa sortie en Corée le 28 juillet 2021, Escape From Mogadishu attire massivement le public dans les salles. En un mois, il dépasse les 3 millions d’entrées malgré les restrictions liées au COVID-19, pour atteindre près de 3,6 millions de spectateurs enthousiastes en fin de parcours. Il faut dire que Ryoo Seung Wan frappe très fort avec ce thriller d’action et de survie spectaculaire, dépaysant, mais aussi très humain, dans lequel les tensions Nord/Sud s’entrechoquent avec un conflit armé dans la Somalie des années 90. Au casting, le face-à-face entre Kim Yun Seok et Heo Jun Ho fait des étincelles.

Chaos dans les rues de Mogadiscio

1991, Mogadiscio, capitale de la Somalie. La Corée du Sud fait du lobbying auprès des dirigeants africains pour obtenir son ticket d’entrée à l’ONU. En Somalie, l’ambassadeur Han Sin Seong (Kim Yun Seok) et son conseiller Kang Dae Jin (Zo In Sung) tentent d’obtenir un rendez-vous avec le président Barre, mais leurs actions sont sabotées par l’ambassadeur de Corée du Nord, Rim Yong Su (Heo Jun Ho), et son conseiller Tae Joon Ki (Goo Kyo Hwan).

C’est alors que Mohammed Farah Aidid, un chef de guerre somalien, publie un communiqué dans lequel il déclare la guerre au président Barre et somme tous les alliés de ce dernier de se rendre. Bientôt, le conflit éclate dans la capitale, plongeant les rues de Mogadiscio dans le chaos. Obligés de fuir l’ambassade de Corée du Nord, Rim Yong Su, ses conseillers et leurs familles sonnent à la porte de l’ambassade de Corée du Sud.

Inspiré de faits réels, Escape From Mogadishu est le 13e long métrage de Ryoo Seung Wan et démontre une fois de plus la volonté constante du cinéaste de se renouveler en s’imposant de nouveaux challenges. Ryoo Seung Wan est un réalisateur que nous soutenons depuis des années. A ses débuts, nous avions été scotchées par les personnages féminins charismatiques de No Blood No Tears, le parcours touchant du boxeur dans Crying Fist ou encore la virtuosité formelle de The City of Violence (voir notre interview de l’époque). Au fil des années, son style énergique s’est affirmé pour gagner en maturité, jusqu’à conquérir définitivement la critique avec des thrillers tels que The Unjust, The Berlin File ou encore Veteran.

Violence barbare et rencontre Nord/Sud

Loin des décors urbains de Séoul typiques du cinéma d’action coréen, Escape From Mogadishu est un mélange réussi de genres entre thriller politique et film de survie. Le film offre une reconstitution saisissante et sans concession de la Somalie du début des années 1990. Au travers d’une scène de manifestation rebelle particulièrement spectaculaire, la violence nous est dévoilée de manière frontale, entre les exécutions sommaires, les hommes qui mitraillent à l’aveugle du haut de leur 4×4 et les enfants armés jusqu’aux dents.

La force du film est de nous laisser entrevoir l’horreur de la situation – une ville entière se fait broyer – à travers les yeux sidérés des Coréens, qui recherchent d’abord une protection locale avant de comprendre qu’il leur faudra traverser la ville pour survivre. Loin des discours idéologiques à la sauce Hollywood, Escape From Mogadishu reste à hauteur d’homme, résolument dans l’instant. Le récit utilise ainsi le principe de l’identification pour nous faire ressentir le drame qui joue sous nos yeux : les enfants nord-coréens qui découvrent avec stupéfaction les petits Somaliens surarmés et déshumanisés ; une mère de famille sud-coréenne dont les yeux s’attardent sur une mère somalienne pleurant son enfant.

Dans cette tourmente d’une brutalité inouïe, les différences culturelles entre Sud-coréens et Nord-coréens paraissent presque dérisoires. Cette opposition est habilement utilisée pour caractériser des personnages imparfaits et attachants, qui se découvrent mutuellement et surmontent peu à peu, dans l’intensité du moment, les barrières imposées par le conflit Nord/Sud. 

Le film s’autorise à ce titre quelques traits d’humour typiquement coréens, c’est-à-dire surgissant aux moments les plus inattendus pour détendre l’atmosphère et mettre l’emphase sur l’absurdité des situations, sans pour autant entamer la charge dramatique de l’histoire.

Scène d’action dantesque

Écrit avec intelligence, le film se concentre ainsi sur ses personnages, qui nous parlent immédiatement et sont interprétés par un casting judicieux. Kim Yun Seok (The Fortress) est remarquable en ambassadeur qui découvre son propre humanisme. Son face à face avec le non moins excellent Heo Jun Ho (Missing: The Other Side) est l’un des points forts du film, faisant parfois ressembler celui-ci à un buddy movie un peu absurde, mais finalement touchant.

L’autre rencontre mémorable est celle des personnages de Zo In Sung (The Great Battle) et Goo Kyo Hwan (Deserter Pursuit), deux personnages au caractère entier dont les chamailleries dédramatisent l’opposition Nord/Sud face dans ce contexte de barbarie.

Photo Zo In Sung, Kim Yun Seok et Heo Jun Ho (Escape From Mogadishu)
Zo In Sung, Kim Yun Seok et Heo Jun Ho

Le film est construit pour nous amener à la scène qui constitue l’une de ses attractions majeures, à savoir son incroyable climax, une course poursuite effrénée en voiture au cours de laquelle les personnages traversent la ville au milieu de rebelles et de militaires décidés à les abattre.

L’expérience de Ryoo Seung Wan en tant que réalisateur d’action devient alors un énorme atout pour le film. Le cinéaste, qui sait parfaitement comment manier la caméra pour créer du mouvement, nous immerge littéralement aux côtés des personnages dans l’action. Armé d’une palette d’effets spéciaux à couper le souffle, il n’hésite pas à faire entrer et sortir la caméra d’un véhicule à l’autre au cours d’un plan étourdissant. Le contrat est rempli : la montée d’adrénaline que nous attendons tout au long du film est largement au rendez-vous.

On salue au passage le travail du chef opérateur Choi Young-Hwan (Veteran), qui tire admirablement parti de la palette de couleurs locale sans saturer inutilement les tons chauds (le film est en réalité tourné au Maroc), mais aussi le montage précis de Lee Gang Hui (le monteur de Parasite de Bong Joon Ho), qui confère à l’action une énergie et une lisibilité sans faille.

Citons enfin la palette de seconds rôles savoureux interprétés par Kim So Jin (L’Homme du Président), Kim Jae Hwa (Chief Kim), Jung Man Sik (Vagabond) ou encore Yoon Kyung Ho (My Name), qui fait un caméo à la fin du film.

Escape From Mogadishu est sélectionné pour représenter la Corée du Sud aux prochains Oscars 2022 dans la catégorie Meilleur film étranger. Il reste à espérer que le film trouvera un distributeur en France.

Elodie Leroy

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