Le rappeur coréen surdoué révèle deux clips vidéo à l’esthétique léchée et au contenu explosif, extraits de son nouvel album intitulé Television.
Depuis la sortie de son premier mini-album, Gallery, en 2015, je suis convaincue que Zico est appelé à devenir très influent sur la scène musicale coréenne, et pourquoi pas dans le milieu hip hop international. A la fois rappeur, auteur/compositeur et producteur, le leader du groupe Block B possède un talent aussi affirmé qu’éclectique qui le distingue, à 25 ans seulement, de beaucoup de jeunes talents de son âge.
Avec ses six titres ciselés, son album Television, sorti le 12 juillet 2017, vient plus que jamais confirmer mon sentiment. Pour le promouvoir, il livre non pas un, mais deux clips vidéos, qui plus est deux clips qui se suivent chronologiquement.
Nous sommes ainsi encouragés à les visionner dans un certain ordre, le début de Artist se trouvant être la suite directe de Anti.
Premier des deux clips, Anti nous embarque dans un voyage au bout de la nuit, dans une épopée intérieure à l’atmosphère anxiogène, presque cauchemardesque, parcourue d’images allégoriques fortes et transcendée par une musique envoûtante et mélancolique.
On y voit Zico se faire poursuivre par une fan enragée, croquer à pleines dents une pomme pourrie alors qu’il se trouve à l’intérieur d’une baraque en feu, ou bien se confronter à son alter ego scénique dont le visage est enfoui sous une tête de lapin grotesque, sorte de réminiscence de la créature de Donnie Darko.
Ces images empreintes de brutalité latente, illustrent avec éloquence le contenu percutant de la chanson elle-même, sorte de règlement de comptes de Zico avec ses « anti-fans ». Oui, c’est bien d’eux qu’il s’agit, de ces fameux fans dont l’obsession inonde les réseaux sociaux d’un déluge de haine à l’égard de tel artiste, au moindre pet de travers de celui-ci. Comme d’autres, Zico a fait les frais de leur haine et de leur jalousie insatiables, il a encaissé les attaques gratuites pétries d’hypocrisie de ces soi-disant « fans ».
Adoptant le point de vue d’un anti-fan dans les paroles d’Anti, il décortique sans détour leur mode de pensée absurde : « Yeah, you worked hard, you faced all sorts of degradation, but your success qualified you to be reviled and insulted again ». *
Il leur dit à la face qu’il voit clair dans leur jeu, qu’il connaît leur but ultime : « Our needs are simple, you just have to mess up on one sentence, the interpretation is entirely up to me and I decide on your ideology as well ».
On ne peut pas mieux dire et je pense qu’ils et elles doivent être nombreux(ses) à partager les vues de Zico sur l’intransigeance faux-cul de ces individus. Au passage, Zico se permet de faire clairement allusion à sa brève histoire de cœur avec Kim Seol Hyun (AOA), lorsqu’il balance, désabusé : « Why did she date such an unrefined delinquent? ».
Dans sa structure, alternant rap et chant, comme dans son sujet, la chanson Anti évoque le magnifique Stan de Eminem et Dido, l’une de mes chansons préférées de la fin des années 90. Même s’il ne s’agit pas d’un échange épistolaire, on retrouve dans Anti la volonté de faire passer un message à l’être inaccessible (la « star »), et l’idée du basculement du fan dans la folie et la destruction, adoucie par la voix d’un chanteur/une chanteuse. Ici, c’est le chanteur G Soul qui prête sa voix mélodieuse et pleine d’émotion à ce refrain chanté, rendant chacune de ses interventions captivantes.
Vous l’aurez compris, Anti est une chanson à charge, un peu comme l’était One Of A Kind de G-Dragon, il y a quatre ans. Je veux dire par là que Zico, comme GD, ne se contente pas de « casser » untel ou untel le temps d’une phrase ou deux comme il est de coutume dans le rap, mais livre un propos élaboré sur un sujet délicat qui touche à la perception de sa propre image.
Le deuxième clip, Artist, constitue en quelque sorte l’antidote à l’ambiance dépressive qui émane de Anti. A présent que Zico a formulé ce qu’il avait sur le cœur, maintenant qu’il nous a révélé les méandres de son esprit parfois torturé par les paroles et les actes malveillants de ses détracteurs, Zico l’artiste peut laisser librement exploser son enthousiasme et sa créativité.
Sur un rythme endiablé, Artist nous invite en effet à découvrir l’univers de Zico tel qu’il le conçoit : un monde extravagant, ultra-coloré, dans lequel l’imagination n’a pas de limite, comme en témoignent ces plans le montrant en multiples exemplaires tel Naruto, ou encore les coiffures et colorations invraisemblables qu’il arbore tout du long.
Le clip, porté par des chorégraphies d’ensemble variées (mention aux gamines qui dansent en uniforme d’écolière), et filmé dans divers lieux en plein air à Séoul, rappelle instantanément les clips délirants de PSY. Rien de bien étonnant quand on sait que Zico a co-écrit l’un des derniers hits de PSY, I Luv It, sorti le 10 mai dernier.
On notera par ailleurs une apparition amusante de U-Kwon, partenaire de Zico dans Block B.
Le titre de la chanson, « Artist », est moins anodin qu’il n’en a l’air puisque Zico est officiellement considéré comme une idole en Corée. Il a à ce titre déjà subi les foudres de certains rappeurs underground tels que DeepFlow, Aphelia ou Dead’P, qui refusaient en 2013 de reconnaître sa légitimité dans le monde du hip hop. On peut donc imaginer que Artist constitue lui-aussi un pied de nez à une autre catégorie de détracteurs, issus cette fois du milieu professionnel.
S’affirmer comme « artiste » est profondément transgressif pour une idole de K-Pop, même pour des auteurs/compositeurs reconnus comme G-Dragon de BIGBANG ou Jonghyun de SHINee. Tout l’inverse de la mentalité française, en somme, où n’importe quel quidam débarquant à l’audition de The Voice est qualifié de « grand artiste » par les membres du jury.
Enfin, Television comprend deux autres titres parés eux aussi de clips vidéo. Tout d’abord, Bermuda Triangle, avec Dean et Crush , un hit de 2016 qui n’est disponible que dans la version CD de Television. Ensuite, il y a la jolie ballade She’s a Baby, succès instantané dans les charts coréens lors de sa sortie le 13 avril dernier. Le clip minimaliste de She’s a Baby s’accorde parfaitement avec la légèreté aérienne de la chanson, qui conclut tout en douceur la version digitale du mini-album.
Je ne saurais décidément que trop vous recommander chaudement de vous pencher sur les dernières œuvres de Zico le futur grand.
Caroline Leroy
* Traduction intégrale de la chanson disponible ici.
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