Kim Da Mi et Son Seok Ku forment un tandem de légende dans une série policière écrite de main de maître et somptueusement réalisée. Coup de cœur.
Alors qu’elle était encore adolescente, Yoon Ena (Kim Da Mi) s’est retrouvée être le seul témoin du meurtre de son oncle, qui s’occupait d’elle depuis la mort de ses parents. L’enquête la met hors de cause, mais un policier du nom de Kim Han Saem (Son Seok Ku) reste persuadé de sa culpabilité.
Dix ans plus tard, Ena exerce le métier de profileuse au sein de la Police métropolitaine de Séoul. Dans ce cadre, elle vient apporter son expertise à l’unité 2 des Crimes violents du commissariat de Hangang de Séoul, dirigée par le capitaine Yang Jung Ho (Kim Sung Kyun). C’est ainsi qu’elle croise de nouveau le chemin de Han Saem, qui travaille dans cette équipe aux côtés notamment de Choi San (Hyun Bong Sik), Ro Su Gwang (Kwak Ja Young) et Ahn Young Ha (Cha Woo Jin).
Au détour d’une affaire, Ena et Han Saem découvrent cependant des indices rappelant le meurtre de l’oncle d’Ena. Ils décident de résoudre le mystère pour de bon.
Dix jours seulement après sa sortie, la série Nine Puzzles s’imposait comme le titre coréen le plus vu dans le monde cette année sur Disney Plus. Mieux, il s’agit du second plus gros succès coréen sur la plateforme américaine après l’indétrônable Moving. Ces données se basent sur les chiffres obtenus dix jours après la sortie de ses premiers épisodes. La série sont en effet sortie en trois fois : six épisodes le 21 mai, trois le 28 mai et les deux derniers le 4 juin.
Cette performance constitue un tour de force lorsque l’on sait à quel point Disney ne fait strictement rien pour promouvoir son contenu coréen hors d’Asie. Inutile de dire que ce succès a tôt fait de profiter aux deux stars, puisque Kim Da Mi et Son Seok Ku se classent depuis la fin mai parmi les acteurs coréens générant le plus de buzz selon l’organisme Good Data.
L’un des plaisirs de Nine Puzzles – et sans doute l’une des clés de son succès international – vient d’abord de son style unique qui fusionne les romans policiers classiques à l’occidentale et la sensibilité coréenne, avec notamment une caractérisation très vivante des personnages. On apprécie les références discrètes mais percutantes à Agatha Christie ou James Ellroy, ainsi que ces moments paranoïaques en mode Cluedo où chaque personnage devient suspect à son tour.
Le réalisateur de cinéma Yoon Jong Bin, qui dirige son deuxième drama après le thriller Narco Saints, fait preuve d’une inventivité constante dans sa mise en scène, dans les scènes d’enquête comme dans les échanges purement dialogués. Sa manière dynamique et imagée de représenter le travail du profiling donne lieu à des moments captivants. Rien que le fantastique générique de début est amené avec un sens de la dramaturgie saisissant. L’ambiance de la série doit également beaucoup au travail impressionnant réalisé sur les lumières et les décors – même les plus banals.
Un autre point fort du drama réside sans conteste dans son scénario. Contrairement à nombre de séries coréennes actuelles, Nine Puzzles n’est pas l’adaptation d’un webtoon. Il s’agit d’une création originale de la scénariste Lee Eun Mi, qui avait déjà démontré son talent en matière de suspense avec le drama fantastique Tunnel, sorti en 2017. Elle se surpasse ici avec une intrigue remarquablement construite, qui progresse selon un rythme soutenu tout en laissant le temps au spectateur de savourer chaque nouveau rebondissement.
Car des rebondissements, il y en a. Chacun des onze épisodes de Nine Puzzles apporte son lot de surprises et de déductions, s’achevant généralement sur un climax palpitant, qui donne furieusement envie de voir la suite. La scénariste suit son idée jusqu’au bout, en nous invitant à considérer tous les points de vue comme le permet le symbole du puzzle. Si la série captive de bout en bout, c’est bien par la force de son intrigue et non par le biais de la surenchère ou du sensationnalisme.
De même, la violence est présente – on parle tout de même d’une affaire de meurtres en série – mais elle est principalement reléguée au hors champ, ce qui n’en atténue nullement la portée mais ne distrait pas de l’essentiel : l’enquête.
Et pour mener cette enquête, Nine Puzzles met certainement en scène l’un des duos de policiers les plus cultes et attachants de ces dernières années. Un duo dans la droite lignée des plus grands tandems du genre, rien que ça.
La complémentarité de Yoon Ena et Kim Han Saem est illustrée par leur caractérisation même : alors que que celle d’Ena s’appuie sur le drame qui a frappé sa jeunesse et le traumatisme qui en découle – elle a perdu la mémoire de ce moment -, le personnage de Han Saem se définit par rapport à ses relations du quotidien – on ne sait pas grand-chose de son passé.
Leurs échanges incessants, qu’ils soient sur un ton sérieux ou sur celui de l’humour, contribuent ainsi grandement à rythmer la série, fonctionnant même comme une sorte de dialogue intérieur qui stimule l’imagination du spectateur.
La superbe alchimie – y compris visuelle – entre Kim Da Mi et Son Seok Ku donne corps à cette dynamique et représente évidemment l’un des éléments phares qui expliquent l’engouement autour de Nine Puzzles.
Kim Da Mi, qui n’avait pas tourné de drama depuis la comédie romantique Our Beloved Summer en 2021-2022, compose avec brio un personnage de profileuse de génie faussement enfantine, qui dissimule ses émotions derrière un flegme à toute épreuve. Depuis ses expressions faciales captivantes jusqu’à son style vestimentaire singulier, elle est Ena jusqu’au bout des ongles et donne résolument le ton du drama.
De son côté, Son Seok Ku se montre très présent sur les écrans, puisqu’on l’a vu simultanément dans la romance fantastique Heavenly Ever After, et l’année dernière dans le thriller A Killer Paradox. Pourtant, il parvient à surprendre avec une interprétation intense, qui alterne entre retenue et émotivité, et participe pleinement à l’ancrage réaliste de la série.
Parmi les acteurs secondaires, Kim Sung Kyun (The Fiery Priest 2) se démarque avec un rôle ambigu auquel il apporte comme à son habitude plusieurs dimensions. On apprécie aussi les performances de Hyun Bong Sik (Destined with You) en nouvelle recrue d’âge mûr, et du duo de psychiatres joué par Park Gyu Young (Squid Game 2) et Roh Jae Won (Doubt).
Par ailleurs, on ne peut s’empêcher de penser que le réalisateur a fait manifestement jouer ses relations (au hasard, de Narco Saints) puisque Nine Puzzles affiche une impressionnante collection de caméos. De Lee Sung Min (A Bloody Lucky Day) à Lee Hee Jun (Karma) en passant par Ok Ja Yeon (Gangnam B-Side), il y a plus d’acteurs connus que de seconds rôles réguliers.
Alors que l’intrigue policière se base par essence sur un puzzle d’indices à réunir, il est particulièrement intelligent d’avoir pris le concept à la lettre pour en faire la structure et le motif d’une série à part entière. A bien des égards, Nine Puzzles constitue l’un des plus beaux hommages à ce genre si populaire.
Nine Puzzles est sorti sur Disney+ entre le 21 mai et le 4 juin 2025.
Caroline Leroy