Song Joong Ki, l’homme qui rendait les femmes « folles »

par Elodie Leroy

Panique sur le territoire chinois : avec Descendants of the Sun, Song Joong Ki rendrait les femmes « folles », selon les autorités chinoises… Quand le sexisme devient une affaire d’état.

Depuis la sortie de Descendants of the Sun, l’alerte est donnée par les autorités chinoises : « Fans de dramas coréens, prenez garde ! Les femmes coréennes et chinoises sont malades d’amour pour l’acteur Song Joong Ki. Ce phénomène provoque un grand nombre de plaintes de la part des hommes », un avertissement qui s’accompagne d’un autre plus général : « Regarder les dramas coréens peut être plus dangereux que vous ne le pensez. Vous vous exposez à des ennuis judiciaires ».

Ce message vous semble surréaliste, absurde ? Vous ne rêvez pas, c’est bel et bien en substance le message que les autorités chinoises ont diffusé en mars dernier sur le réseau social Weibo, le fameux « Song Joong Ki Warning », cependant que le drama Descendants of the Sun distance tranquillement la barre des 2 milliards de vues sur la plateforme chinoise iQiyi, et vient de s’achever en Corée avec 35% d’audience nationale et 40% à Séoul…

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Le scandale a commencé avec un cas qui a de quoi faire rire : un homme complètement bourré aurait un soir franchi la porte d’un studio de photographie et tenté d’obliger les photographes à prendre des photos de lui « ressemblant à Song Joong Ki ». Les photographes auraient fini par appeler la police. Plutôt que d’en déduire que l’homme avait peut-être besoin d’une consultation chez le psy, les médias en ont conclu que c’était la femme qui avait un problème. Il faut dire que le fangirlisme est une maladie bien plus grave que l’alcoolisme.

Loin de calmer les femmes chinoises, cette affaire a rapidement été suivie par d’autres du même genre. Des anecdotes de toutes sortes, parfois un peu farfelues, font trembler la Chine : unetelle aurait regardé les douze premiers épisodes sans s’arrêter et à plusieurs reprises, au point que son jules aurait demandé le divorce, untel aurait demandé à des chirurgiens plastiques de lui faire la tête de Song Joong Ki, unetelle aurait contracté un glaucome après avoir regardé plusieurs épisodes (ou quand la Chine découvre des causes inédites à des maladies bien réelles)…. Bref, la Chine est sens dessus dessous avec le succès phénoménal de Descendants of the Sun.

Propulsé au premier plan d’un scandale psychiatrique national en Chine, l’acteur coréen Song Joong Ki est accusé d’augmenter les statistiques de divorce, de rendre les femmes « folles », « obsédées » ou encore « hystériques », et de leur faire oublier leurs devoirs conjugaux, voire familiaux, et de délaisser leurs pauvres maris. Face à cette attaque contre l’équilibre des familles chinoises, le Ministère de l’intérieur ne pouvait rester sans réagir et a donc publié le fameux « Song Joong Ki Warning », sorte de message de prévention contre la « Song Joong Ki Sickness ».

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Mais est-ce vraiment les femmes qui sont « folles », dans cette histoire ? Après tout, qui sombre dans la dépression, qui se précipite de manière décervelée dans les cliniques, qui demande le divorce à la moindre inquiétude ? Oui, ce sont les hommes. Si l’anecdote de la femme ayant regardé Descendants of the Sun pendant plusieurs heures d’affilée est vraie, il ne faut pas être très attachée à la signification du mariage, qui suppose de soutenir sa moitié en cas de problème (pour le meilleur et pour le pire, dit-on), pour justifier une demande de divorce avec ce motif.

Apparemment, ce sont les hommes chinois qui ne supportent pas de voir leur femme se passionner et peut-être un peu délirer sur une star, quelqu’un qu’elles n’atteindront sans doute jamais. Ce sont eux qui ne supportent pas qu’elles aient des fantasmes. Car derrière ces réactions extrêmes de la part des hommes, il y a un surtout un énorme tabou sur la libido des femmes.

Etudiantes ou mères de famille (Descendants of the Sun brasse un public très large), ces femmes chinoises se livrent à une fantaisie on ne peut plus inoffensive : aduler une star. Et qui plus est une star comme Song Joong Ki, qui a pour avantage d’avoir une image très saine, un bon QI et un talent d’acteur qui n’est plus à confirmer.

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Elles sont hystériques ? Et alors ? Mis à part lorsque l’hystérie tourne au harcèlement de star (mais dans ce cas, cela s’appelle l’érotomanie et c’est un trouble psychiatrique dont les femmes comme les hommes peuvent être atteints), devenir fan d’un acteur et regarder en boucle ses films ou séries n’a jamais fait de mal à personne. Si excès il y a dans ce fangirlisme, au point de briser un couple, permettez-moi d’affirmer que le couple devait déjà accumuler pas mal de problèmes auparavant.

En somme, l’« hystérie » des femmes chinoises vis-à-vis de Song Joong Ki est surtout le symptôme que la révolution sexuelle est en marche dans un pays qui, ne l’oublions pas, censurait encore il n’y a pas si longtemps les relations hors mariage au cinéma. Dans cette atmosphère de transformation, les dramas coréens et tous leurs acteurs, qui montrent complaisamment leur physique avantageux (tous les acteurs principaux ont leur scène de douche dans les dramas) jouent exactement le même rôle que jouait la pop anglaise en Europe dans les années 60, notamment les Beatles lorsqu’ils provoquaient l’évanouissement des jeunes filles : un rôle émancipateur.

Pas étonnant que les hommes chinois se plaignent. Ou du moins les plus conservateurs d’entre eux, car à examiner la presse de plus près, on s’aperçoit que les jeunes n’ont que faire de ce mouvement d’hystérie.

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Bref, ils sont fous, ces Chinois. Mais les Occidentaux, a priori bien plus « libérés » puisque la libération des mœurs a eu lieu bien avant, sont-ils vraiment plus tolérants ? Les hommes français, en particulier, sont-ils plus ouverts ? Pas sûr.

Dans un registre d’œuvre différent, rappelez-vous des réactions de nos chers journalistes français à la sortie du film 50 nuances de grey. Rappelez-vous des critiques au mieux sarcastiques, déversant des insultes misogynes sur le public du film. Ce fut une véritable campagne de dénigrement massif à laquelle nous avons assisté. Au mépris de toute déontologie, un journaliste a même été jusqu’à dévoiler (sur la radio Europe1) comment s’était déroulé la projection de presse. Il fallait abattre ce 50 nuances de grey qui rendait les femmes folles… Bien sûr, la différence est que notre gouvernement ne s’en est pas mêlé !

C’est le syndrome Madame Bovary, en somme. Les femmes, ces êtres irrationnels et faibles d’esprit, doivent être préservées d’idées néfastes que certaines œuvres pourraient leur mettre dans la tête. Alors avant de se moquer des Chinois, balayons devant notre porte. En France, les autorités ne se mêlent plus de ce genre de phénomène. Mais les mentalités, elles, ont la vie dure.

En attendant, réjouissons-nous pour Song Joong Ki et Song Hye Kyo, un bien joli couple de série qui mérite amplement son succès. Et amusons-nous devant cette mauvaise foi des autorités chinoises, dont l’avertissement témoigne manifestement d’une jalousie envers le succès des productions coréennes, et ce, même lorsque celles-ci sont en partie financées par une entreprise chinoise. S’il n’y a pas une véritable campagne contre la Corée derrière tout ça, je ne m’y connais pas ! Bien entendu, comme la Chine n’est pas à une contradiction près, le remake chinois de Descendants of the Sun est actuellement en préparation…

Elodie Leroy

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