Possession, triangle amoureux et scènes de combat sont les ingrédients de ce sageuk fantastique avec Jung Junho. Découvrez notre critique de The Legend of the Evil Lake, disponible en France en DVD.
ARCHIVE – Dans la Corée féodale, la reine Chinsong de la dynastie Silla tombe amoureuse du général Biharang. Mais celui-ci préfère Jaunbie, une jeune fille ordinaire. Jalouse, la reine ordonne qu’on la mette à mort. Pour échapper à ses assassins, Jaunbie se jette dans un lac maléfique et devient une entité aux pouvoirs redoutables. Remake par Lee Kwang Hoon d’un film de Shin Sang-Ok datant de 1969, The Legend of Evil Lake est un divertissement honnête qui vaut pour ses scènes d’action réussies et une intrigue romanesque, mais qui aurait gagné à se détacher de ses influences pour imposer son style.
Esprit du lac et triangle amoureux
La scène introductive plante son décor en 57 avant notre ère, à l’aube du royaume de Silla, qui ne comprend alors que la partie sud-est de la Corée (il s’agrandira par la suite et unifiera tout le territoire au VIIe siècle). Ce prologue met en scène le premier roi de la dynastie Silla dans son combat contre un clan rebelle. Lorsque sa bien aimée est tuée sans pitié, ce dernier déchaîne ses pouvoirs. Mais le roi réussit à enfermer son esprit dans un lac, devant lequel il plante son épée.
Année 896, fin du règne des Silla. Jaunbie (Kim Hyo-jin), une simple paysanne, fuit un groupe d’hommes qui tente de l’assassiner et trouve l’épée maudite sur son chemin. Nous découvrons également Biharang (Jeong Jun-Ho), un valeureux général au service de la reine Chinsong (Kim Hye-ri). Cette dernière en pince pour lui, ce que les intrigants de la cour voient d’un mauvais œil, mais le militaire lui préfère la jolie paysanne.
Le triangle amoureux entre et la romance naïve de Biharang et Jaunbie vont s’entrechoquer avec une sombre histoire de possession et d’épée.
Dès lors que Jaunbie est possédée par l’esprit malin, The Legend of Evil Lake change de ton : les deux amants deviennent ennemis et l’histoire vire à la tragédie. Ce virage se traduit par un changement d’approche dans les scènes d’action : plutôt réalistes au début du film, elles prennent une tournure beaucoup plus fantaisiste, avec une certaine dose de gore. La jeune fille ne lésine pas sur le découpage de bras et de têtes, quand elle ne tranche pas ses adversaires en deux – elle-même se fait d’ailleurs bien dérouiller lors des combats.
L’action chorégraphiée par Yuen Tak
Lors de sa sortie en 2003, The Legend of Evil Lake surfe sur la mode des collaborations Corée/Chine dans le genre du sageuk de fantasy – le plus emblématique de cette série de collaborations est Bichunmoo (de Kim Young-jun), réalisé trois ans plus tôt. Ici, les chorégraphies sont supervisées par Yuen Tak, que les amateurs de cinéma de Hong Kong connaissent pour être le collaborateur de longue date du célèbre chorégraphe Corey Yuen Kwai. Les deux hommes ont notamment œuvré sur sur Fong Sai Yuk, qui nous offrait son content de scènes d’action virtuoses et inventives.
Dans Legend of Evil Lake, le chorégraphe chinois signe des scènes d’action élégantes qui mêlent envolées et affrontements au sol, à mains nues ou au sabre, le tout sublimé par de jolies effets visuels. Ces combats utilisent à merveille les costumes des acteurs – le savoir-faire chinois est à l’œuvre – et s’inscrive dans un style visuel harmonieux.
Le soin accordé à l’image est d’ailleurs constant tout du long du film et la photographie met en valeur les visages des acteurs. Là encore, la production convoque un talent venu de l’Empire du Milieu : Lu Yue, le directeur de la photographie, faisait déjà des merveilles dans Shanghai Triad de Zhang Yi Mou.
The Legend of Evil Lake n’est pas exempt de défauts. Le premier problème réside dans des références trop appuyées avec des classiques du cinéma, avec lesquels le film ne soutient pas la comparaison. Nous verrons ainsi quelques emprunts à Gladiator (Ridley Scott) dans la première bataille avec Biharang, mais aussi à Jiang-hu (Ronny Yu), pour l’esthétique de l’action dans la dernière demi-heure.
La comparaison est également inévitable avec Bichunmoo, un autre sageuk fantasy réalisé à la même période, et qui résultait également d’une collaboration Chine-Corée. Les tentatives de reprendre les ingrédients qui ont fait le succès de Bichunmo s’avère maladroite. Contrairement au film de Kim Young-jun, qui s’autorisait plus de délire et d’excès, The Legend of Evil Lake manque de scènes flamboyantes et demeure trop classique.
Kim Hyo Jin, Kim Hye Ri : le règne des actrices
Le plus gros défaut du film est le manque d’investissement de son acteur principal. C’est d’ailleurs sur ce plan que le film souffre le plus gravement de la comparaison avec Bichunmoo : si Shin Hyun-jun transperçait l’écran, Jeong Jun-Ho, quant à lui, peine à s’imposer, faute de charisme et de ce petit je-ne-sais-quoi qui confère à un acteur la capacité à endosser un premier rôle.
Les actrices s’avèrent en revanche plutôt bien choisies : Kim Hyo-jin, dont c’est le tout premier rôle (elle avait 18 ans) interprète avec conviction le revirement à cent quatre-vingt degrés de son personnage, et Kim Hye-ri (la reine) entretient habilement l’ambiguïté du sien.
A l’arrivée, The Legend of Evil Lake est un sageuk fantasy divertissant et de bonne facture, mais ne restera pas dans les mémoires. On en retient tout de même quelques éclats dans les scènes d’action et un souffle lyrique apporté par la composition musicale de Lee Dong Jun.
Elodie Leroy
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