La série coréenne One Ordinary Day

Critique : One Ordinary Day, itinéraire glaçant d’un accusé

Porté par les performances époustouflantes de Kim Soo Hyun et Cha Seung Won, One Ordinary Day est une série à suspense saisissante doublée d’un pamphlet contre le système judiciaire coréen.

Le 27 novembre 2021, la plateforme coréenne Coupang TV inaugurait son line-up de dramas avec One Ordinary Day, un thriller juridique en 8 épisodes écrit par Kwon Soon Gyu (Jackpot) d’après la série britannique Criminal Justice, diffusée en 2008 sur la BBC, avec Ben Wishaw dans le rôle principal.

Pour relever le défi, la jeune chaîne s’offre les services de Lee Myung Woo, le réalisateur de la comédie d’action à succès The Fiery Priest, ainsi que de Kim Soo Hyun, l’acteur TV coréen le plus cher du moment. Alors que ce dernier avait déjà établi un record en percevant un salaire de 200 millions de won par épisode (146 000 euros) sur It’s Okay To Not Be Okay, son précédent drama, il fait en effet monter les enchères en empochant cette fois 500 millions de won par épisode (environ 373 208 euros) ! Le pari en vaut cependant la chandelle.

Le héros de One Ordinary Day est un étudiant modèle du nom de Kim Hyun Soo (Kim Soo Hyun). Vivant chez ses parents, il mène une vie rythmée à la fois par les cours et par les sollicitations diverses de ses camarades de promo qui ont tendance à l’exploiter.

C’est justement à leur demande qu’il quitte la maison ce soir-là en empruntant le taxi de son père. Il n’arrivera jamais à destination, détourné de son chemin par une inconnue qui l’entraine dans un trip étrange et excitant. A son réveil, la jeune femme baigne dans son sang, et Hyun Soo se retrouve accusé de meurtre.

Alors que le commissaire Park Sang Beom (Kim Hong Fa) semble décidé à l’envoyer en prison, Hyun Soo reçoit l’aide inespérée d’un avocat du nom de Shin Joong Han (Cha Seung Won). Malheureusement, ce dernier n’a pas vraiment la réputation d’être un as du barreau. Les désillusions s’enchaînent pour Hyun Soo, qui doit simultanément prouver son innocence et se faire une place dans un milieu carcéral violent et impitoyable.

Ames sensibles s’abstenir. One Ordinary Day est un drama violent. Parfois même très violent, et ce, tant dans la manière crue dont il met en scène les règlements de compte de gangsters à l’écran que dans la peinture minutieuse de la violence psychologique exercée à l’encontre de son protagoniste principal.

Reposant sur une mise en place diablement efficace, la série joue ainsi avec nos nerfs en oscillant constamment entre sentiment d’espoir et de désespoir, en accord avec les émotions extrêmes qui traversent Kim Hyun Soo. Lui qui menait une vie autonome et bien remplie, se retrouve soudain entièrement soumis au bon vouloir d’inconnus tandis que le temps s’étire désormais à l’infini.

De par sa situation sociale modeste et son absence de relations, Hyun Soo représente en effet le suspect idéal pour les défenseurs de la loi et de l’ordre, et ce, en dépit de son refus persistant à avouer le meurtre. Son avocat l’avertit d’ailleurs dès le début que la justice et la vérité n’ont plus aucune importance dès lors qu’il est devenu suspect : seule comptera désormais sa capacité à retourner les faits à son avantage.

En parallèle de la privation de liberté que vit le personnage, One Ordinary Day décortique la manière dont il est systématiquement réduit au silence dès qu’il tente de s’expliquer. Qu’il s’agisse des policiers, de la procureure ou même de l’avocate qui se propose de le défendre gratuitement, personne ne s’intéresse à ce qui lui est réellement arrivé, personne, ou presque, ne veut entendre ses mots.

Mais ce n’est pas tout. Contre toute attente, le regard doux et inoffensif de Hyun Soo lui attire l’animosité particulière du commissaire Park Sang Beom, qui reste intimement convaincu qu’il s’agit d’un masque dissimulant la pire espère de meurtrier. Grisé par la perspective d’une reconversion lucrative, c’est ainsi que ce policier proche de la retraite s’arrange avec sa conscience lorsqu’il le malmène pour parvenir à ses fins.

De son côté, la procureure Ahn Tae Hee (Kim Shin Rok) espère elle aussi obtenir une promotion significative en déployant toute son énergie pour accabler Hyun Soo.

Avec autant d’habileté que de rigueur, One Ordinary Day s’attache ainsi à démontrer comment la somme de quelques compromissions égoïstes peut précipiter un innocent dans un puits sans fond, sans que le système judiciaire n’exerce un seul instant son rôle de garde-fou. De manière intéressante, c’est au sein de la prison, pourtant si loin de son univers, que Hyun Soo parvient à acquérir un semblant de statut.

Tout au long de One Ordinary Day, Kim Soo Hyun nous fait vivre avec beaucoup d’intensité la douloureuse métamorphose de ce jeune homme craintif jeté en pâture à des brutes. Déployant une belle gamme d’émotions sans jamais en faire trop, il impressionne constamment dans les scènes difficiles, et contribue largement par sa seule interprétation à hisser la série au niveau d’une production de luxe.

A l’image de son interprétation, l’un des grands mérites de One Ordinary Day est d’éviter tout sensationnalisme. Cette sobriété se reflète dans la réalisation précise de Lee Myung Woo, ainsi que dans l’esthétique déployée à l’écran, qui est raffinée sans être tape à l’œil. Le travail remarquable effectué sur les lumières mérite d’être souligné, qu’il s’agisse du premier épisode conçu comme un trip psychédélique envoûtant et dangereux, ou des scènes carcérales sombres mais nimbées d’une subtile lumière bleutée.

D’une manière générale, le traitement des personnages se révèle très réaliste, le scénariste Kwon Soon Gyu accordant un soin particulier à la crédibilité des actions et réactions de chacun.

Si Hyun Soo représente notre point de vue, le regard de compassion que porte la série sur lui ne nous est pas asséné, mais se reflète pudiquement dans celui de ses rares alliés, à commencer par l’indécrottable avocat Shin Joong Han, interprété avec brio par Cha Seung Won (Hwayugi). Drôle et touchant, celui-ci se traine un look crade à souhait qui le rend presque méconnaissable – on n’oubliera pas de sitôt ses séances de bains de pied.

La situation de Joong Han entretient finalement quelques points communs avec celle de Hyun Soo. Comme lui, il n’appartient à aucun réseau influent, et il suscite également le mépris de ses interlocuteurs qui ne l’écoutent que d’une oreille, voire lui rient au nez. L’alchimie de Kim Soo Hyun et de Cha Seung Won constitue à ce titre indéniablement le moteur de One Ordinary Day.

Dans le rôle de la jeune juriste Seo Soo Jin, Lee Seol (When The Devil Calls Your Name) s’accorde avec naturel avec cet impressionnant duo d’acteurs et apporte au passage une fraîcheur bienvenue à la série.

Du côté des méchants, si Kim Hong Fa (Dr Romantic) est parfait dans le rôle du sinistre commissaire Park, l’actrice Kim Shin Rok (Hellbound) emporte indéniablement le morceau en procureure cynique jusqu’à la moelle, incarnant avec panache l’un des personnages les plus exécrables de l’année.

Enfin, Kim Sung Kyu (Kingdom) prête son regard magnétique à Do Ji Tae, ce détenu au visage impénétrable qui se mêle des affaires de Hyun Soo.

One Ordinary Day représente le deuxième remake de Criminal Justice, après la version américaine réalisée en 2013. Par coïncidence, une adaptation française, intitulée Une si longue nuit, était diffusée récemment sur TF1, donnant une perspective encore différente sur le thème. On est curieux de savoir quel sera le prochain pays à adapter cette histoire qui donne tant à réfléchir sur les arcanes de la justice.

Caroline Leroy

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