Critique : Hellbound, le drama horrifique qui fait trembler Netflix

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Yoo Ah In est un gourou machiavélique dans Hellbound, une série coréenne imparfaite mais qui ausculte avec pertinence la montée du fanatisme dans un monde gouverné par les réseaux sociaux.

Beaucoup l’attendaient comme le messie. Disponible sur Netflix, Hellbound est la nouvelle folie du réalisateur coréen Yeon Sang Ho inspirée de son propre webtoon. Armé d’un budget conséquent et d’un casting prestigieux emmené par Yoo Ah In, ce drama dépeint une société dystopique plongée dans une dictature théocratique à la suite de phénomènes surnaturels. Si Hellbound aurait gagné à être plus travaillé sur le plan de la narration, notamment dans une première moitié trop molle, la série monte en puissance au fil des épisodes pour emporter notre adhésion. Entre fanatisme religieux, lynchage médiatique et manipulation politique, Hellbound donne à réfléchir sur le monde d’aujourd’hui.

Kim Shin Rok (Hellbound)
Kim Shin Rok dans Hellbound / Credits Netflix

Démonstration infernale

Auréolé d’une projection spéciale au Festival International du Film de Toronto en septembre dernier, le drama Hellbound a fait son entrée le 19 novembre 2021 sur Netflix à grand renfort de créatures imposantes et d’hémoglobine. Réalisée par Yeon Sang Ho, que l’on connaît surtout pour les films de zombies Dernier Train Pour Busan et Peninsula, cette série de 6 épisodes est l’adaptation de Hellbound – L’enfer, un webtoon de Yeon Sang Ho et Choi Kyu Seok (Awl) disponible en France en version papier depuis novembre dernier.

Fidèle au matériau d’origine, le premier épisode ouvre les hostilités avec une scène oppressante. Dans un café comme il en existe des milliers à Séoul, des clients consomment tranquillement leur boisson en regardant la vidéo d’un gourou sur Internet. A côté d’eux, un homme tremble de peur au milieu de la salle. Quelques minutes plus tard, trois molosses venus d’un autre monde surgissent pour massacrer le malheureux.

Il aurait dû écouter les paroles de Jung Jinsu (Yoo Ah In), l’homme de la vidéo, qui n’est autre que le leader du culte La Nouvelle Vérité (Neo Veritas dans la BD). Selon ce dernier, les victimes de ces créatures sont condamnées pour leurs péchés. Leur départ en Enfer commence par une prophétie annonçant le moment exact de leur mort. A l’heure dite, la « démonstration » s’exécute de manière implacable.

Yang Ik June (Hellbound)
Yang Ik June dans Hellbound / Credits Netflix

Le mode opératoire décrit par Jung Jinsu se répètera tout au long de la série, que la victime se trouve dans un lieu public ou isolée en pleine forêt. Les monstres exécutent-ils la volonté de Dieu, comme le prétend le gourou ? Pour le policier Jun Gyung Hun (Yang Ik June) et l’avocate Min Hye Jin (Kim Hyun Joo), la secte fait une récupération politique d’un phénomène inexpliqué. Mais lorsqu’une démonstration est diffusée en direct à la télévision, la Corée bascule dans la terreur et le fanatisme.

Sectarisme et réseaux sociaux

Dès sa sortie, le drama a pris la tête du classement mondial des séries sur Netflix, profitant de l’engouement suscité par les séries coréennes depuis le phénomène Squid Game. Il faut dire que ce mélange de thriller dystopique et d’horreur offre son content de scènes gore servies par des effets spéciaux de qualité. L’histoire entre également en résonance avec les préoccupations de notre époque en mettent en scène la montée de l’extrémisme dans une société envahie par les réseaux sociaux.

Kim Hun Joo (Hellbound)
Kim Hyun Joo dans Hellbound / Credits Netflix

Si les familles se retrouvent dans les discours illuminés que Jung Jin Su débite d’une voix monocorde sur YouTube, les jeunes s’emballent pour les dénonciations fachos de La Pointe de Flèche, un groupe de casseurs personnifié par un clown gueulard qui sévit sur Teen Tok (en référence à Tik Tok). Dans tous les cas, le business du péché est une valeur sûre pour soumettre les masses. Le chapitre consacré à Park Jung Ja (Kim Shin Rok), une simple mère de famille devenue paria du jour au lendemain, nous rappelle également que la misogynie est le fonds de commerce du radicalisme religieux.

Avec Hellbound, Yeon Sang Ho continue également d’explorer un thème déjà présent dans The Cursed, sa première série en tant que scénariste, où des internautes convoquaient des démons à travers une communauté en ligne pour maudire des individus. Dans Hellbound, les personnes ayant reçu une prophétie font l’objet d’une chasse aux sorcières. Les citoyens réclament leur damnation avant même de connaître leur supposé « péché ».

Won Jin Ah (Hellbound)
Won Jin Ah dans Hellbound / Credits Netflix

La série relie aussi cette chasse aux sorcières à la spectacularisation de la mise à mort par les médias. Le propos évoque un autre drama coréen sorti cette année, The Devil Judge, dans lequel un juge rétablit les châtiments barbares en faisant de son tribunal un reality show interactif. Là où The Devil Judge légitime ces exécutions publiques de manière écœurante, Hellbound délivre au contraire un point de vue intelligent, engagé et humain à travers le regard des personnes qui résistent à cette nouvelle forme d’oppression.

De manière ironique, ces deux séries arrivent au cours d’une année 2021 marquée par une série d’affaires de lynchage médiatique de célébrités du showbiz coréen. Ces dernières étaient accusées par des internautes anonymes de harcèlement scolaire remontant aux années collèges (les affaires Ji Soo, Park Hye Soo, Jo Byung Gyu, etc.), ce qui leur a valu des torrents de haine sur le web malgré l’absence d’éléments concrets. La réalité rejoint parfois la fiction.

Une seconde partie plus percutante

Sur le fond, Hellbound atteint son but en apportant une réflexion sur le monde d’aujourd’hui. Une preuve de plus de plus la capacité des dramas coréens à capturer l’air du temps à la faveur de fictions originales – une caractéristique qu’ils partagent avec les séries américaines. Dans l’exécution, en revanche, la série de Yeon Sang Ho n’est pas exempte de quelques faiblesses.

Park Jung Min (Hellbound)
Park Jung Min dans Hellbound / Credits Netflix

Le drama est à ce titre découpé en deux chapitres de qualité inégale. Le premier, qui se concentre sur l’enquête menée par le policier Jun Gyung Hun, patine pendant trois épisodes et réserve une issue frustrante. La narration maladroite laisse également trop peu de place au développement des personnages principaux, qui se résument bien souvent à un seul trait de caractère.

La seconde moitié du drama s’avère plus intense que la première. D’une part, elle propose de sympathiques scènes d’action, ce qui manquait cruellement au chapitre précédent. D’autre part, elle s’articule autour du drame de deux jeunes parents touchés par la malédiction, une affaire qui permet à la série de gagner en puissance dramatique pour s’achever dans un climax spectaculaire et émouvant.

Sous l’emprise de Yoo Ah In

Au casting, on reste marqué par la prestation habitée de Yoo Ah In (Burning, #Alive) dans le rôle de Jung Jinsu. Avec son regard énigmatique, sa voix grave et sa gestuelle posée, l’acteur travaille sa performance dans le moindre détail et compose un personnage de manipulateur qui fait froid dans le dos. On n’a aucun mal à imaginer que des citoyens terrorisés par l’idée de recevoir une condamnation à mort à n’importe quel moment puissent tomber sous son emprise.

Yoo Ah In (Hellbound)
Yoo Ah In dans Hellbound / Credits Netflix

L’actrice Kim Hyun Joo (Watcher) apporte quant à elle son charisme naturel au rôle de l’avocate Min Hye Jin, en plus de faire preuve d’un bel investissement dans les scènes d’action. Son personnage aurait néanmoins gagné à être développé de manière plus subtile. Nous pensons notamment à cette scène maladroite, dans l’épisode 5, où un autre personnage raconte les états d’âme de la jeune femme, alors qu’il eut été plus parlant de les suggérer à travers des scènes dramatiques. Le résultat est que nous restons un peu à distance de ce personnage malgré son rôle clé dans l’histoire.

La seconde partie du drama est surtout portée par l’interprétation convaincante de Park Jung Min (Deliver Us From Evil), attachant dans le rôle de Bae Young Jae, un père de famille qui tente désespérément de protéger sa famille. Won Jin Ah (She Would Never Know) s’avère un peu desservie par son rôle de mère en dépression, mais le personnage prend un peu de relief dans le dernier épisode. Enfin, Ryu Kyung Soo (Lovestruck in the City) est parfait en diacre au look de travailleur d’ONG et au sourire démoniaque.

Ryu Kyung Soo (Hellbound)
Ryu Kyung Soo dans Hellbound / Credits Netflix

Une suite en préparation

Sans rien dévoiler, le dénouement de Hellbound laisse clairement présager d’une saison 2. Interviewé par Variety, Yeon Sang Ho a donné quelques indices : « Mon partenaire Choi Kyu Seok et moi-même avons décidé que la suite de l’histoire serait d’abord racontée à travers le webtoon ; quant à la possibilité de l’adapter en série live, c’est un sujet dont nous devons encore discuter. » Espérons que les discussions avec Netflix démarreront bientôt et qu’elles seront fructueuses.

En attendant, nous pouvons toujours aller confesser nos péchés sur le site de La Nouvelle Vérité lancé par la production de la série !

Elodie Leroy

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