Critique Rugal, sur Netflix : les playboys surhumains sont désœuvrés

par Caroline Leroy

Armé de ses yeux bioniques, Choi Jin Hyuk combat le mal absolu dans Rugal, un drama d’action qui ne décolle jamais.

On aurait aimé y croire. Une série de SF délirante et bourrée de scènes de combat, issue de l’une des chaînes les plus passionnantes du paysage TV coréen ? Rugal recelait bien des promesses, que venaient compléter ses visuels accrocheurs dévoilant Choi Jin Hyuk et Park Sung Woong dans un style très comic book. La chute est d’autant plus rude. Scénario minimaliste, personnages à peine esquissés, réalisation peu inspirée, le nouvel actioner d’OCN semble se résumer à la seule mise en scène visuelle d’un concept. Un programme un peu léger pour une série qui compte seize épisodes d’une heure.

L'affiche de Rugal

Rugal, ça parle de quoi ?

Alors qu’il enquête sur une affaire impliquant l’organisation criminelle Argos, le policier d’élite Kang Ki Beom (Choi Jin Hyuk) est la cible d’assassins qui lui crèvent les yeux après avoir tué sa femme. Accusé de meurtre, Ki Beom tente de s’enfuir de l’hôpital où il a été transféré. Il est cependant intercepté par une organisation gouvernementale du nom de Rugal, qui lui greffe deux yeux bioniques.

Sans l’avoir choisi, Ki Beom se retrouve membre d’une équipe d’intervention spéciale composée de Han Tae Woong (Jo Dong Hyuk), Song Mi Na (Jang Hye In) et Lee Gwang Cheol (Park Sun Ho). Ensemble, ils œuvreront dans l’ombre pour combattre Argos, dirigé par l’infernal Hwang Deuk Gu (Park Sung Woong).

Choi Jin Hyuk dans Rugal (OCN)
Choi Jin Hyuk dans Rugal (OCN)

Basé sur un webtoon signé Rilmae et adapté à la télévision par le scénariste Do Hyun, Rugal était diffusé sur OCN entre le 28 mars et le 17 mai 2020, et proposé simultanément sur Netflix. Bien que les séries coréennes de science-fiction soient de plus en plus courantes, Rugal introduit un héros d’un genre nouveau, le cyborg, qui était jusqu’à présent plutôt réservé aux fictions américaines (L’Homme qui valait trois milliards, Robocop) et japonaises (Ghost in the Shell). A cela s’ajoute le principe de l’équipe de choc d’individus aux pouvoirs surhumains à la X-Men et autres super-héros de comics.

Bien que son budget ne soit pas connu, Rugal bénéficie ainsi de toute évidence de moyens importants, à en juger par le nombre et la qualité de ses effets spéciaux digitaux. Il a également été révélé que le drama était entièrement préproduit et que ses seize épisodes avaient nécessité rien moins que sept mois de tournage.

La fadeur du résultat final a donc de quoi étonner, voire laisser pantois, et ce, même en faisant preuve d’indulgence.

Les quatre fantastiques coréens

Le premier épisode, consacré à la prise de conscience de Kang Ki Beom de son état d’homme « augmenté » et à sa rencontre avec ses futurs coéquipiers, fait pourtant illusion. Même si l’univers déployé sous nos yeux ne semble pas d’une grande richesse, Choi Jin Hyuk (The Last Empress) est convaincant dans la peau de cet homme désemparé et contraint de s’adapter autant à ses yeux surpuissants qu’à son nouvel environnement.

L’humour est également au rendez-vous lorsqu’il tente de faire ses preuves face à ses nouveaux coéquipiers et entraineurs, entre corps à corps musclés et scènes de fan service dans des bains supposés régénérants.

D’une manière générale, le casting des héros de Rugal est plutôt réussi. A l’exception de Choi Jin Hyuk, la plupart ne sont pas des stars. Pourtant, ils se révèlent tout à fait à leur place, de Jo Dong Hyuk (Brain) en du chef d’équipe inflexible à Jang Hye In (Graceful Family) en combattante agile, en passant par Park Sun Ho (A Poem A Day) en flower boy bionique.

Rugal : Jung Hye In

Quand le scénario manque à l’appel

Le problème est que leur travail n’est jamais soutenu par des enjeux dramatiques suffisants pour susciter davantage qu’un peu de curiosité. Malgré une esthétique BD sympathique reposant sur des couleurs pétantes, les missions se suivent et se ressemblent, sans temps fort ni émotion. Les personnages ont beau accumuler les interventions, ils donnent l’étrange impression de ne rien faire tout au long de la série, si ce n’est zoner dans les couloirs de leur base secrète.

En parallèle se dessine une trame de fond des plus basiques impliquant un grand jeu d’élimination au sein de l’organisation Argos, manipulée par le cruel Hwang Deuk Gu. A cela s’ajoutent des histoires d’expériences interdites que le scénariste n’arrive jamais à rendre intrigantes, gâchant le potentiel de ses personnages les uns après les autres, comme ce flic changé en monstre malgré lui, interprété par Kim Da Hyun (Warrior Baek Dong Soo).

L’écriture des personnages, qui constitue habituellement le point fort des dramas coréens quel que soit leur genre, fait cruellement défaut dans Rugal, au point qu’on a l’impression de ne pas vraiment connaître Kang Ki Beom et ses amis lorsque se clôt l’intrigue. Dans cet océan de monotonie, l’actrice Jung Hye In est celle qui parvient le mieux à nous attacher à son personnage.

La pauvreté générale d’écriture se reflète avec plus de force encore chez les antagonistes, qui se succèdent sans qu’on ait le temps – ni souvent l’envie – de les connaître.

Méchant en roue libre et action décevante

Le duo formé par le super méchant Hwang Deuk Gu et la millionnaire Choi Ye Won (Han Ji Wan, vue dans Search WWW) aurait pu faire quelques étincelles entre de meilleures mains. Il se révèle cependant être une déception complète, tant la jeune femme se retrouve réduite à l’état de faire-valoir malgré ses grands airs.

Quant à Park Sung Woong, que l’on a connu subtil (The Smile Has Left Your Eyes) ou drôle (Man To Man), il se livre dans Rugal à un festival de cabotinage sans interruption, visiblement bien décidé à mettre à rude épreuve les nerfs du spectateur.

L'acteur coréen Park Sung Woong

Au final, Rugal n’offre ni le mystère ni la complexité de scénario attendus d’une série de science-fiction. Pire, le drama n’offre aucun moment de fun. Le réalisateur Kang Cheol Woo, qui a dirigé My Secret Romance en 2017 pour OCN, ainsi que le film Real Fiction avec Kim Ki Duk en 2000, ne semble jamais vraiment croire au potentiel de son sujet.

Même les scènes d’action, qui constituent l’une des attractions majeures de la série, ne sont pas à la hauteur des attentes, alors que les acteurs possèdent manifestement les compétences requises en la matière.

L’inaptitude du réalisateur à filmer les affrontements se ressent particulièrement avec Jo Dong hyuk, qui avait démontré ses talents de combattant dans les scènes d’action musclées de Bad Guys. A la différence de celles-ci, les affrontements de Rugal sont illisibles et sans saveur. La faute à un montage bâclé qui ne met jamais l’emphase sur les mouvements et prive le spectateur des chorégraphies exécutées par les acteurs.

En misant tout sur la cool attitude et rien sur le scénario, Rugal s’inscrit dans la veine de Kill It, autre drama flashy et creux, diffusé un an plus tôt presque jour pour jour sur OCN. Les super-héros coréens méritaient mieux.

Caroline Leroy

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