Critique : Save Me 2, chronique d’une emprise sectaire

par Caroline Leroy

Un gourou sème le chaos dans un village. Um Tae Goo se bat seul contre tous dans une série TV qui fait froid dans le dos.

En 2017, la chaîne coréenne OCN comptait dans son formidable line up de séries une œuvre au thème original, intitulée Save Me. Inspirée du webtoon Out of the World de Jo Geum San, celle-ci narrait le drame d’une famille inexorablement captée par une secte. Aujourd’hui, Save Me fait partie des rares séries de la chaîne à bénéficier d’une déclinaison en franchise, à l’instar de Voice. Toutefois, à la différence de ce dernier, elle ne se présente pas comme une suite du premier opus, mais plutôt comme le second volet d’une anthologie passionnante.

Soutenu par un casting aux petits oignons (Um Tae Goo, Cheon Ho Jin, Kim Young Min) et par une réalisation efficace, Save Me 2 apporte un chapitre consistant à son thème de fond – la mainmise d’une bande d’escrocs sur une population – et s’impose ainsi parmi les meilleurs Kdramas de 2019.

Affiche de Save Me 2

Prenant la suite de Possessed sur le créneau du mercredi/jeudi, Save Me 2 est diffusé sur OCN entre le 8 mai et le 27 juin 2019. Après Kim Sung Su, un autre réalisateur de cinéma se voit confier les rênes de cette nouvelle saison : Lee Kwon, dont le film d’horreur Door Lock est sorti dans les salles coréennes fin 2018. Il fait équipe avec Lee Seung Hoon, qui a fait ses premières armes aux côtés de Lee Jong Jae sur la série de science-fiction Duel en 2017. La scénariste Seo Joo Yeon fait en revanche ses débuts.

Dans Save Me, nous découvrions l’étendue de la puissance de la secte à travers les yeux d’une jeune femme jouée par Seo Ye Ji, qui était retenue prisonnière à l’intérieur de celle-ci. Le point de vue extérieur était apporté par ses potentiels sauveurs, des jeunes gens interprétés par Ok Taecyeon et Woo Do Hwan.

Le lien entre les deux séries est assuré par la présence de Jo Jae Yoon, qui jouait l’homme de main terrifiant du gourou de Save Me. Il reprend donc du service deux ans plus tard, pour notre plus grand plaisir, mais cette fois dans le rôle d’un flic. Un détail qui n’est pas sans importance.

En effet, plutôt que de constituer une redite du premier drama, Save Me Saison 2 aborde le thème sous un angle totalement différent. Son héros, Kim Min Cheol (Um Tae Goo), se trouve à l’extérieur du village de Wolchoori lorsque débute l’intrigue. De manière surprenante, les premiers épisodes s’attachent à exposer de quelle manière l’escroc Choi Kyung Seok (Cheon Ho Jin) approche un à un les habitants en son absence. Ces derniers – des fermiers ou des commerçants d’âge mûr pour la plupart – se trouvent alors en état de choc : ils viennent d’apprendre que leur village sera prochainement submergé par les eaux, et qu’ils sont sur le point de tout perdre.

Jouant de son aura de (faux) professeur et d’homme de loi, Choi les convainc de sa bonne foi en les aidant à obtenir la compensation financière qui leur est due.

Lorsque Kim Min Cheol foule enfin le sol de son village natal, le gourou de la secte a déjà posé les jalons de son opération d’escroquerie à grande échelle. Pour ce faire, il s’est adjoint les services d’un véritable prêtre venu de Séoul, Seong Cheol Woo (Kim Young Min), qui ne sait rien de son passé. Toutefois, cet homme d’église à l’air affable ne tarde pas à s’intéresser à Kim Young-Sun (Esom), qui n’est autre que la sœur de Kim Min Cheol.

Lentement mais sûrement, Save Me 2 nous propose ainsi d’assister aux différentes étapes de l’établissement d’un culte fabriqué de toutes pièces, en détaillant les méthodes employées par le groupe de gangsters avec le concours de ce prêtre ambigu. A ce titre, le scénario de Seo Joo Yeon peut dérouter par son parti-pris très quotidien, dénué de l’esprit romanesque de la première saison.

Il n’est qu’à voir son héros peu recommandable : lorsque nous faisons sa connaissance, Kim Min Cheol est en train de finir de purger une peine de prison pour agression. C’est un jeune homme rugueux et cynique, qui entretient des relations conflictuelles avec la police mais aussi avec sa famille. Il fait le désespoir de sa mère, et sa sœur ne lui adresse plus la parole depuis des années.

Um Tae Goo dans Save Me 2

Dans le rôle de l’anti-héros Min Cheol, Um Tae Goo s’impose comme une révélation. Cet acteur de cinéma vu dans The Great Battle (Kim Kwang Sik) et The Age of Shadow (Kim Jee Woon) prête à son personnage un mélange de sauvagerie et de détermination, qui reflète parfaitement sa double dimension de délinquant et de justicier.

Face à lui, Cheon Ho Jin (Man To Man, Chicago Typewriter) campe un prédicateur particulièrement roublard, jouant de son air de paternel bienveillant pour mieux nous faire frémir avec les rictus qu’il réserve à ses ennemis.

Le casting principal se complète d’Esom (Because This Is My First Life, The Third Charm), convaincante en jeune femme désabusée, et surtout de Kim Young Min (My Mister, Crash Landing On You), excellent dans la peau du prêtre instable aux intentions impénétrables, dont les séances de transe mystique forment quelques-uns des morceaux de bravoure du drama.

A travers les mésaventures tristement crédibles de ses protagonistes, Save Me 2 montre de manière éloquente avec quelle facilité il est possible de faire vaciller la lucidité de personnes censées et pragmatiques.

Pour asseoir sa domination mentale, Choi utilise ainsi les faiblesses de chacun : les vieux amis qui n’arrivent plus à s’entendre, le mari désespéré par l’annonce de la mort prochaine de sa femme, le père maladroit qui ne s’en sort pas avec sa fille adolescente… Fort de ces informations, il parvient à leur faire admettre les balivernes les plus invraisemblables, comme utiliser de l’eau bénite pour soigner un cancer en phase terminale, ou s’installer dans un campus cinq étoiles pour se rapprocher du paradis. Il est à préciser que la série ne porte pas de regard condescendant sur les provinciaux : nous apprenons que l’escroc a également maintenu sous sa coupe un professeur d’université érudit.

Jo Jae Yoon dans Save Me 2

La série montre également avec quelle rapidité les situations d’emprise psychologique disloquent tous les liens qui existent entre les personnes, même les plus étroits.

A ce propos, l’une des scènes marquantes de Save Me 2 consiste en un règlement de comptes verbal particulièrement violent entre Min Cheol et l’épicier Chil Sung (Jang Won Young). Découvrant que cet homme, qui représentait jusque là son seul soutien face au rejet des villageois, semble avoir basculé pour de bon dans la secte, Min Cheol tente une ultime fois de le raisonner : celui-ci lui balance alors sans filtre ses quatre vérités, le regard glacial, montrant que l’amitié n’est rien face aux fausses croyances.

On retient également ce moment surréaliste où les villageois fanatisés frappent un à un la mère de Min Cheol, jusqu’à ce que celle-ci, d’abord pétrifiée puis reconnaissante, accepte de traiter son propre fils de « Satan ».

Kim Young Min dans Save Me 2

Outre la réalisation sobre et soignée du drama, la qualité du casting secondaire mérite d’être saluée, tant les acteurs se fondent dans la peau de ces personnages ordinaires, de Jan Won Young (Voice), précédemment cité, à Im Ha Ryong (Mama Fairy and the Woodcutter), en passant par Woo Hyeon (The Light In Your Eyes), Kim Soo Jin (Watcher), Oh Yeon Ah (Priest) et bien sûr Jo Jae Yoon (Sky Castle), qui entretient une relation intéressante avec Um Tae Goo durant toute l’intrigue.

Les derniers épisodes, intenses, apportent une conclusion satisfaisante à cette histoire à la fois extraordinaire et banale. C’est avec une sorte de stupeur mêlée de pitié que l’on accueille les derniers plans, l’esprit encore plein de ce tableau vivant de la folie humaine.

Le caractère réaliste de Save Me 2 explique probablement que le Christian Council of Korea ait tenté, en vain, d’en faire interdire la diffusion. Raison de plus pour accorder à ce drama singulier et percutant l’attention qu’il mérite.

Caroline Leroy

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