Critique : Voice, un drama ultraviolent avec Jang Hyuk et Lee Ha-Na

par Elodie Leroy

Prenant, haletant, le drama Voice surpasse la plupart des séries procédurales occidentales sur le plan du suspense. On n’est pas prêt d’oublier le psychopathe glaçant qu’affrontent Jang Hyuk et Lee Ha Na.

Les meilleurs thrillers noirs coréens sont décidément à la télévision ! Spécialiste du genre, la chaîne OCN repousse les limites de la noirceur et de la violence avec Voice, un drama de 16 épisodes diffusé entre le 14 janvier et le 12 mars 2017. Voice met en vedette Jang Hyuk et Lee Ha Na dans une quête de vérité prenante, soutenue par un scénario intelligemment construit développant de vrais thèmes de fond. L’approche du genre, qui change le visage de la série procédurale, insuffle ce qu’il faut d’humanité pour donner un sens à ce déchaînement de violence.

Golden Time et intervention d’urgence

Moo Jin-hyuk (Jang Hyuk) est un flic dont le caractère incontrôlable lui vaut le surnom de « crazy dog ». Sa vie a basculé trois ans plus tôt, lorsque sa femme a été assassinée par un tueur sanguinaire.

L’ouverture de l’épisode 1 annonce la couleur : le meurtre de l’épouse de Jin Hyuk est aussi épouvantable que spectaculaire. Une femme vit ses derniers instants, seule face à un monstre sanguinaire au sourire carnassier, dans une ruelle crasseuse et isolée… Ce crime est suivi du meurtre odieux d’un flic au bord de la retraite et qui a le malheur de patrouiller dans le secteur.

Victimes collatérales de ce psychopathe sans visage qui a massacré un de leurs proches, deux flics tenteront tout au long du drama de le démasquer. Mais l’homme est protégé par un système de corruption complexe qui atteint les plus hautes fonctions de la police.

Lee Ha Na dans ‘VOICE’ (OCN, 2017)

Kang Kwon Joo (Lee Ha Na) est une flic endurcie qui a assisté trois ans plus tôt, par téléphone, au meurtre de son père par le même assassin. Kwon Joo possède un talent particulier : une acuité auditive hors du commun.

Convaincue que les 15 premières minutes suivant un appel de détresse sont cruciales, elle milite pour créer le call center « Golden time », qui reçoit les appels à l’aide des civils. Malgré les dénigrements de ses chefs et de ses collègues masculins, Kwon Joo finit par y parvenir et par recruter Moo Jin Hyuk, malgré les doutes de ce dernier à son égard.

Empathie pour les victimes

A un rythme effréné, le drama Voice alterne entre les affaires indépendantes mettant en scène des sauvetages de victimes d’agressions ou d’accidents, et les intrigues développant le fil directeur à la série, qui s’articule autour des méfaits du tueur psychopathe.

Jang Hyuk dans ‘VOICE’ (OCN, 2017)

Les premiers sauvetages s’avèrent impressionnants : cependant que Kwon Joo tente de rassurer les victimes et de décrypter les sons transmis par le téléphone, Jin Hyuk et son équipe de terrain cherchent frénétiquement le lieu du crime dans les quartiers pauvres ou les bas-fonds de la ville.

La puissance dramatique de la narration et la précision de la réalisation confèrent à Voice un sentiment d’urgence permanent et une véritable force émotionnelle.

La valeur ajoutée des dramas coréens par rapport aux séries policières américaines réside dans leur capacité à mettre le spectateur en empathie avec les victimes.

Cette faculté ressortait déjà au cinéma dans les thrillers coréens des années 2000, tels que The Chaser (Na Hong Jin), et s’exprime plus que jamais dans les séries policières d’aujourd’hui, que ce soit dans les thrillers noirs comme Missing Noir M ou les productions plus grand public comme You’re All Surrounded.

Les dramas coréens parlent des victimes, là où les séries américaines parlent des criminels (à l’exception peut-être de New York : unité spéciale). Voice constitue une belle démonstration de l’approche du genre à la coréenne : chaque vie, chaque histoire individuelle compte ; aucune mort ne laisse indifférent.

Au fil des sauvetages, Voice dévoile la face cachée de la société sud-coréenne, à l’instar d’un drama comme God’s Gift: 14 Days. De l’adolescente kidnappée par un sadique à l’enfant caché dans un lave-linge pour échapper à sa mère violente, en passant par le patient d’hôpital psychiatrique au bord du suicide, les affaires abordent des thèmes forts tels que les maltraitances subies par les handicapés mentaux ou la cruauté envers les sans-abri.

A l’exception de l’histoire de la vieille dame, qui m’a semblé un brin too much, toutes les autres s’avèrent tristement réalistes, même lorsqu’elles dépassent les bornes de l’horreur.

Lee Ha Na ou la force tranquille

Quant au fil directeur de Voice, c’est-à-dire la quête de vérité de Jin Hyuk et Kwon Joo sur la mort de leur proche respectif, son originalité réside surtout dans l’association entre les deux personnages principaux, un homme et une femme, et la manière dont ils vivent l’enquête ensemble et séparément.


Habituellement, dans ce style d’histoire, l’histoire personnelle du personnage féminin finit toujours par s’effacer derrière celle du personnage masculin. Ce n’est pas le cas dans Voice : chacun apporte sa contribution à l’enquête et chacun vit un face-à-face personnel avec le tueur. L’alchimie fonctionne à merveille entre les deux acteurs.

Jang Hyuk (Chuno) déborde de charisme et d’intensité, et Lee Ha Na (Unking Ladies) surprend par la force tranquille qu’elle dégage, avec son regard perçant et sa voix douce. Un vrai contre-emploi pour cette actrice qui nous avait plutôt habitués à des rôles comiques ou romantiques !

Mo Tae Gu, le nouveau Korean psycho

S’agissant du tueur psychopathe… Parlons-en ! Le scénario ménage son effet : d’abord représenté sous forme de silhouette sans visage, tel un dieu de la mort, le personnage n’est véritablement dévoilé qu’à mi-parcours, révélant peu à peu toute sa perversion et ses tourments (entre deux scènes de bain, tout de même).

Filmé dans des intérieurs luxueux, en costume de marque, Mo Tae Gu fait un korean psycho glaçant. Son allure élégante et distinguée tranche avec la sauvagerie dont il fait preuve dans les scènes de meurtre.

Effrayant, Kim Jae Wook (Bad Guy, Inspiring Generation) se lâche complètement avec des regards de psychopathe à vous faire trembler – ce personnage vient d’intégrer ma top list des tueurs de k-drama les plus marquants (aux côtés du tueur aux codes barre de The Girl Who Sees Smells et du psychopathe de Hello Monster dans sa version ado comme adulte).

Au fait, les psychopathes écoutent-ils tous le Requiem de Mozart comme le personnage de Kim Jae Wook (dans ces fameuses scènes de bain) ? Cette musique était déjà utilisée dans Missing Noir M (on se souvient de l’intro mémorable de l’épisode 1 sur Requiem aeternam), mais aussi dans le court métrage déviant Aftermath du réalisateur espagnol Nacho Cerda (dans La Trilogie de la Mort), qui utilisait déjà le magnifique segment Lacrimosa

La censure en Corée

Lors de sa diffusion, Voice a soulevé les plaintes d’une partie du public pour son extrême violence, montrée frontalement à l’écran. Mis au pied du mur par la censure, le réalisateur Kim Hong Sun refuse alors catégoriquement de changer son montage et préfère flouter quelques plans litigieux.

La chaîne OCN respecte sa décision et accepte un changement de classification : le drama passe de 15+ à 19+ (déconseillé aux moins de 19 ans). Si les plans floutés m’ont quelque peu déconcertée au début de la série, j’ai fini par m’habituer. [Update 26/02/20] La question est de savoir si la censure sera levée dans la version diffusée sur Netflix.

Aussi violent que les films noirs coréens

Même avec quelques plans floutés, Voice reste un drama dont la violence n’a rien à envier à Old Boy : crânes éclatés, personnages crochetés dans une boucherie, cadavres en décomposition dans les placards… Le drama va encore plus loin que l’excellent My Beautiful Bride, qui atteignait déjà des sommets de brutalité, et s’inscrit davantage dans la veine de Bad Guys.

Kim Jae Wook dans ‘VOICE’ (OCN, 2017)

Il n’est pas forcément souhaitable qu’une telle violence s’exprime trop souvent à la télévision et que les dramas tombent dans le même piège que le cinéma coréen, qui en a fait un simple gimmick dont l’objectif est d’impressionner les cinéphiles dans les festivals bobos. Nous l’avons ressenti dans le dernier tiers de Man On High Heels (Jang Jin), par exemple, où un homme se faisait fracasser la tête par une porte de voiture sans que la scène n’apporte rien au développement des personnages et des thèmes de l’histoire. Toutefois, quand la violence est mise au service d’un propos, elle peut aisément trouver sa place dans une fiction.

Dans Voice, les scènes de violence n’ont rien de complaisant. Il y a quelque chose de viscéralement effrayant et d’ultime dans les scènes où le tueur abat froidement ses victimes en leur fracassant la tête avec son arme de plomb. A force d’indifférence sur le sort des plus démunis, la société a créé un monstre, un exterminateur qui non seulement assassine des êtres humains, mais annihile tout espoir en détruisant à jamais la vie de leurs proches.

J’espère donc que Voice sortira un jour dans une version director’s cut, conforme au souhait d’origine du réalisateur.

Elodie Leroy

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