Disponible sur Netflix le 5 avril 2024, Parasyte: The Grey délaisse les thèmes forts et le ton décomplexé du manga d’origine pour se réduire à une simple série d’action, fade et inconsistante, dont on ne retiendra que les effets visuels créatifs. Découvrez notre avis sur Parasyte: The Grey.
Un soir, de mystérieuses petites sphères tombent en nombre inconnu sur la Terre. Chacune donne naissance à une étrange bestiole dont le but est d’entrer dans le corps d’un humain pour en coloniser le cerveau. Caissière dans un supermarché, Jung Su In (Jeon So Nee) est attaquée par un parasite, mais celui-ci échoue à prendre entièrement le contrôle de son cerveau. La jeune femme et la chose sont ainsi contraintes de cohabiter, chacune devant compter sur l’autre pour survivre. Su In rencontre bientôt Seol Kang Woo (Koo Kyo Hwan), un malfrat dont la sœur a mystérieusement disparu. En parallèle, l’unité militaire The Grey, qui est dirigée par la profileuse Choi Joon Kyung (Lee Jung Hyun), traque les créatures.
Au départ, il y a Parasite de Hitoshi Iwaaki, un manga en huit volumes publié entre 1988 et 1994 dans Morning Open Shūkan puis Afternoon, deux magazines de la Kodansha, et chez Glénat en France entre 2002 et 2004. Dès les années 90, l’œuvre devient culte auprès d’un public mondial et fascine jusqu’aux plus grands réalisateurs hollywoodiens – James Cameron dit s’être inspiré du parasite Migy pour élaborer le T1000 de Terminator 2.
Autrement dit, avec Parasyte: The Grey, le réalisateur Yeon Sang Ho (Dernier Train Pour Busan, Hellbound) et son coscénariste Ryu Yong Jae (Peninsula) se frottent à un monument, une légende du manga. Quiconque ne connaît pas le matériau d’origine ne s’en douterait pas une seconde en découvrant la série. Plutôt qu’une adaptation, Parasyte: The Grey est une sorte de variation sur le manga, dont l’univers et le propos auraient été vidés de leur substance.
Les premières minutes du drama reprennent pourtant fidèlement la séquence d’ouverture de la BD. Sur des images de nature polluée, d’usines et de mégalopoles, une voix se demande combien de forêts survivraient si l’humanité diminuait de moitié. Ces questionnements, qui renvoient à la place de l’humain sur Terre et à son rapport aux autres espèces, constituaient la base d’une profonde réflexion développée dans le manga. Dans Parasyte: The Grey, la mise en cause du statut de l’humain comme sommet de la chaîne alimentaire se résume à un simple argument d’histoire d’horreur. Sur les six épisodes du drama, le scénario se cantonne à une approche résolument premier degré de cette intrigue d’invasion extraterrestre, qui vire bien trop rapidement à la lutte entre aliens et militaires pour susciter le moindre mystère.
Pour ceux qui rechercheraient une pure série d’action horrifique, il convient tout de même de reconnaitre à Parasyte: The Grey une qualité, celle d’offrir à chaque épisode son content de monstres lovecraftiens et de combats mouvementés dans lesquels les tentacules affrontent les armes militaires. L’équipe d’effets spéciaux réalise à ce titre un travail incroyable sur les transformations, c’est-à-dire les passages des morphologies humaines aux morphologies aliens, qui ne s’avèrent jamais répétitives d’une fois sur l’autre. On ne se lasse pas de voir les visages se déchirer pour déployer la vraie forme des parasites, puis se replier pour restaurer les têtes des acteurs ou actrices.
Le problème est que cet aspect constitue la seule et l’unique attraction du drama. Sur le plan de la réalisation, la série souffre des mêmes défauts que Hellbound, à savoir un manque de rythme et une difficulté à créer, à la fin de chaque épisode, des cliffhangers suffisamment forts pour donner envie de se précipiter vers la suite. Sur ce plan, Yeon Sang Ho a encore du chemin à faire pour atteindre la maîtrise d’un réalisateur comme Lee Eung Bok sur Sweet Home Saison 1, autre drama de monstres dont chaque épisode s’achevait sur une scène choc après une montée en puissance du suspense et de l’intensité dramatique. Dans Parasyte: The Grey, le suspense reste timide et aucune scène ne se démarque par sa force émotionnelle, ce qui n’est guère étonnant venant d’une série dont les personnages laissent de marbre.
Oubliez l’adolescent attachant du manga et sa première confrontation cocasse avec Migy. Su-In, l’héroïne de Parasyte: The Grey, est un personnage triste à mourir, dont le passé d’enfant battue ne laisse aucune place à la rigolade. Cette approche misérabiliste, qui renvoie aux clichés de makjang les plus éculés, annonce le ton résolument sérieux mais aussi l’absence d’audace de la série. Le changement de sexe du personnage principal donne en effet une bonne excuse aux scénaristes pour éradiquer les allusions sexuelles hilarantes qui ponctuaient les premiers échanges entre Shinichi et Migy. A la place, Parasyte: The Grey joue la carte de la psychologie de comptoir autour de l’héroïne. Si l’on est attaché aux notes d’humour du manga, la pilule a du mal à passer.
On regrette d’autant plus le caractère rébarbatif de ce personnage que Jeon So Nee (Our Blooming Youth) constitue en réalité un bon choix de casting. En un regard, elle parvient à nous faire comprendre instantanément si nous avons affaire à Su In ou à Heidi, le parasite hébergé par la jeune femme. Heidi n’a quant à elle rien d’une Migy au féminin : aussi barbante que son hôte, elle semble aussi en un rien de temps avoir tout compris à l’humanité, ce qui n’est pas très crédible dans une histoire où il est question de s’adapter à un nouvel environnement.
Le personnage masculin, Kang Woo, écope quant à lui de la mission gratifiante d’apporter quelques touches d’humour au drama, ce qui procède d’une répartition des rôles à l’ancienne venant une nouvelle fois desservir le personnage féminin. Koo Kyo Hwan (D.P.) se contente de faire ce qu’il sait si bien faire, c’est-à-dire jouer Koo Kyo Hwan, le gars décontracté qui détend l’atmosphère. L’écriture de son personnage s’avère néanmoins si indigente que l’on ne comprend pas grand-chose à son histoire personnelle et que ses réactions ne sont pas toujours cohérentes.
Les acteurs secondaires sont quant à eux plus ou moins gâtés par leur rôle. Kwon Hae Hyo (Wedding Impossible) parvient à insuffler une certaine humanité à son personnage de flic décidé à protéger Su In. En revanche, Lee Jung Hyun (Peninsula) récupère l’un des rôles de femme cheffe les plus caricaturaux vus depuis longtemps, un personnage dont la stupidité ne fait que ralentir l’intrigue, en plus d’être irritante. L’enquête qu’elle mène sur la secte Saejin, qui relève d’une volonté des créateurs de la série de greffer leurs thèmes préférés, s’avère d’ailleurs sous-exploitée.
En somme, les véritables vedettes de la série sont bel et bien les parasites et personne d’autre, ce qui aurait pu être sympathique si la série avait été plus fun et plus stylisée. Et plus gore, car en fin de compte, même la violence est édulcorée par rapport au matériau d’origine. Enfin, on ne peut s’empêcher de juger maladroit le choix de Netflix de sortir Parasyte: The Grey deux semaines après la série américaine Le Problème à Trois Corps, où il est également question de lutte contre une autre espèce, et qui s’avère autrement plus palpitante et glaçante.
Elodie Leroy
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