Critique : The City of Violence, un film d’action stylisé de Ryu Seung Wan

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Ryu Seung Wan délivre des scènes de combat dantesques et stylisées et donne le premier rôle au célèbre directeur des cascades Jeong Doo Hong. Découvrez notre critique du film.

Des affrontements au sabre survoltés, des personnages qui ressemblent à des héros de western, le tout dans une ambiance décontractée, voici à quoi ressemble The City of Violence, un incontournable du cinéma d’action coréen signé Ryu Seung Wan. Réalisé en 2006, à une époque où la notoriété des films coréens à travers le monde est encore relativement récente, The City of Violence se distingue par des scènes de combat brutales, ludiques et filmées avec une rare virtuosité.

Jeong Du Hong et Ryu Seung Wan dans The City of Violence

La loi du crime

Policier, Tae-Su (Jeong Doo-Hong) rentre dans sa ville natale pour assister aux funérailles de son ami de lycée Wang-Jae (Ahn Gil-Kang). Il retrouve sa bande de potes de l’époque : Seok-Hwan (Ryu Seung-Wan), Dong-Hwan (Jeong Seok-Yong) et Pil-Ho (Lee Beom-Su). Sur place, il apprend que Wang-Jae a été tué par une bande de voyous à la suite d’une altercation dans un bar. Un scénario qui le laisse sceptique. Soupçonnant l’œuvre d’une organisation criminelle, il décide de mener son enquête.

A l’époque de sa sortie, The City of Violence est à l’origine d’un buzz chez les fans de cinéma asiatique. En témoigne son passage par de nombreux festivals internationaux – Cannes, Venise, Deauville, Paris Cinéma… Il faut dire que l’objet est le nouveau long métrage d’un réalisateur alors perçu comme extrêmement prometteur : Ryu Seung Wan, à qui l’on devait déjà la comédie fantastique Arahan et le film de boxe Crying Fist. Entre-temps, Ryu Seung Wan s’est affirmé comme l’un des cinéastes majeurs de la nouvelle vague, puisque nous lui devons entre autres The Unjust, The Berlin Files ou encore Veteran.

Jeong Du Hong, directeur d'action et acteur de City of Violence
Jeong Doo Hong, directeur d’action et acteur de City of Violence

Quand il réalise The City of Violence, Ryu Seung Wan n’a que 33 ans, mais un style déjà bien affûté et bourré d’énergie. Décidé à faire un film d’action pur jus, comme il me le confie au cours d’une interview au Festival Paris Cinema, le cinéaste fait un pari osé : donner le premier rôle à Jeong Doo Hong, directeur d’action et cascadeur, avec lequel il travaille depuis No Blood No Tears en 2000. Pour ajouter un peu de difficulté à son entreprise, il s’octroie à lui-même le second rôle.

Mais au fait, qui est Jeong Doo Hong ? Personnage-clé de l’industrie locale, il est l’homme qui a donné vie au cinéma d’action coréen moderne. Nous lui devons non seulement les chorégraphies de plusieurs œuvres phares du cinéma coréen des années 2000 (Frères de Sang de Kang Je-Gyu, Musa de Kim Seong-Su…), mais aussi la création de la Seoul Action School, la toute première école de cascade sud-coréenne, qui s’est largement étendue depuis.

Pour l’anecdote, c’est à la Seoul Action School que Lee Seung Gi s’est entraîné au combat et aux cascades en voiture pour la série Vagabond. L’école est également impliquée dans le drama My Country: The New Age, comme l’expliquait l’acteur Yang Se Jong à la conférence de presse (vers 24mns de la vidéo) : avec son partenaire Woo Do Hwan, il a suivi un stage musclé de trois mois pour apprendre le maniement des armes et s’entraîner à monter à cheval. On apprend vraiment tout à la Seoul Action School.

Ryu Seung Wan dans CITY OF VIOLENCE (2006)

Baigné dans une ambiance à dominante nocturne, The City of Violence nous immerge dans une ville chaotique dans laquelle le crime organisé fait sa loi. Le film utilise le ressort classique du héros qui revient après des années d’absence dans sa ville natale. Tel un personnage de western, Tae Su est comme un outsider dans cet univers pourtant chargé de souvenirs.

A la trentaine bien sonnée, Tae Su retrouve aussi ses amis d’adolescence, avec lesquels il a fait les quatre cents coups dans le passé. Mais tout a changé : Seok Hwan travaille comme collecteur de dettes, son frère Dong Hwan peine à gagner sa vie comme professeur, Wang Jae est mort… Quant à Pil Ho, le faible de la bande, il est devenu un puissant chef de gang qui pourrait bien être à l’origine de la mort de Wang Jae.

Le scénario de The City of Violence a le mérite d’aller droit au but : rejoint dans sa quête par Seok Hwan, Tae Su veut découvrir la vérité et venger son ami. The City of Violence n’est pas de ces films de gangsters qui glorifient le monde du crime en lui associant un quelconque code d’honneur. Ici, le chef de gang est un traître avide d’argent qui a assassiné son ami d’enfance.

Vous l’aurez compris, il ne faudra pas chercher une réelle profondeur dans The City of Violence, dont les personnages demeurent sommaires. Les parties consacrées à l’enquête manquent d’ailleurs un peu de clarté et de rythme. Malgré tout, l’histoire se laisse suivre sans problème grâce à ses quelques touches d’humour, mais aussi au duo formé par Tae Su et Seok Hwan, qui possède une cote sympathie immédiate. 

Le point fort de The City of Violence, c’est l’action. Le film reçoit un électrochoc dès lors que les premiers coups de pied viennent trancher l’atmosphère urbaine mélancolique qui caractérise la première partie. Quelques insultes, un bref échange de coups avec des voyous en guise d’échauffement, et la machine est lancée.

Quand les gangsters font du hip hop

En moins de deux, Tae Su, se retrouve nez à nez, en pleine nuit, avec une bande de jeunes adeptes de taekwondo, de hip hop, de yo-yo et diverses activités affectionnées par les jeunes Coréens. Pour notre héros, le choc des générations est rude.

Mis au parfum par quelques lancers de jambe virevoltants, il est bientôt cerné et attaqué de tous les côtés par plusieurs gangs à la fois, tous identifiables par des uniformes différents (danseurs de hip hop, joueurs de hockey, lycéennes armées de battes de baseball, etc.).

La réalisation dynamique de Ryu Seung Wan joue à plein pour créer une ambiance très fun et mettre l’emphase sur la rapidité des mouvements et le mélange des genres entre hip hop et arts martiaux. Une belle réussite en matière de montée d’adrénaline et un avant-goût de ce qui nous attend par la suite.

Le climax anthologique de City of Violence

La dernière scène d’action constitue le gros morceau de The City of Violence, vers lequel tous les développements précédents convergent. S’étalant sur près d’une demi-heure, la séquence voit Tae Su et Seok Hwan traverser pièce par pièce une luxueuse résidence pour trouver le chef de gang. Bien entendu, ce dernier a disséminé un peu partout tout un tas de méchants armés jusqu’aux dents et bien décidés à en découdre.

Au mains nues, au sabre ou avec des couteaux à sushis – à chaque salle son choix des armes –, les groupes d’ennemis fondent chacun leur tour sur nos héros dans un véritable tourbillon d’action. Les coups fusent de tous les côtés à un rythme frisant parfois l’hystérie.

La mise en scène de Ryu Seung Wan fait là encore des étincelles : le cinéaste exploite chaque décor avec une créativité et un sens esthétique qui font toute la différence avec un film de baston lambda. La tuerie au poignard au milieu des portes coulissantes est l’un des meilleurs moments.

L’action, très lisible, met l’emphase sur les mouvements individuels comme collectifs et fait monter l’adrénaline avec des jeux de caméra énergiques sans être trop démonstratifs, et un montage rythmé par une bande son toujours bien employée. On saluera aussi la qualité du mixage son : les bruitages qui accompagnent les coups s’avèrent étonnamment réalistes.

The City of Violence

The City of Violence affiche pourtant des parentés évidentes avec l’univers de la bande dessinée, comme en témoignent les effets de transition originaux entre les scènes, mais aussi les looks très design des sous-fifres de Pil Ho (les quatre hommes en blanc, dont le chef est une femme).

Epaulé par le directeur de photographie Kim Yung Cheol (Failan, Peter Pan Formula) et le compositeur Bang Jun Seok (Along with the Gods), Ryu Seung Wan affirme un style intéressant. Tandis que la musique confirme les affinités du film avec le genre du western, les lumières et les couleurs sont judicieusement employés pour exprimer la rage des personnages dans les moments où l’action devient hors de contrôle.

Pour réaliser The City of Violence, Ryu Seung Wan s’est contenté d’un budget modeste de 2,4 millions de dollars, mais crée un univers visuel et sonore plus riche que bon nombre de blockbusters débordants de moyens. Ryu Seung Wan s’offre également les services d’un casting de qualité. Outre Ahn Gil Kang (Watcher, Nokdu Flower), qui apparaît dans presque tous ses films et que les amateurs de dramas connaissent bien, nous retrouvons Lee Beom Soo (The Divine Move) dans le rôle du bad guy, mais aussi l’actrice Kim Seo Hyung (Sky Castle, Nobody Knows) dans le rôle de la veuve de Wang Jae.

Enfin, on salue l’investissement admirable de Ryu Seung Wan et de Jeong Doo Hong dans cette histoire. Les deux hommes tiennent les rôles principaux alors que l’un est également chef d’orchestre du film et l’autre directeur des scènes d’action. Une sacrée performance.

The City of Violence est disponible en DVD et France.

Elodie Leroy

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