Photo Ha Ji Won dans Duelist

Ha Ji Won et Lee Myung Se (Duelist) : « Le défi était de revêtir les arts martiaux de toutes ces émotions »

L’actrice Ha Ji Won et le réalisateur coréen Lee Myung Se apportent un éclairage sur la conception du film Duelist et de ses scènes d’action envoûtantes. Découvrez notre entretien réalisé lors de la sortie du film en France.

Remarqué grâce à son excellent thriller décalé Sur la Trace du Serpent, Lee Myung Se est de retour avec un nouveau film surprenant, Duelist. Adapté du manhwa Damo Namsoon, Duelist est une histoire d’amour entre une femme détective, Namsoon (Ha Ji Won), et le voleur qu’elle pourchasse, Sad Eyes (Gang Dong Won). Véritable claque visuelle, Duelist raconte la romance au travers d’affrontements martiaux visuellement sublimes.

Deauville, mars 2006. Nous venons tout juste de nous installer, dans l’espace réservé aux interviews du Lounge Bar du CID, lorsque le réalisateur Lee Myung Se vient à notre rencontre. Avec décontraction, il se présente en anglais et nous serre la main, avant de nous demander le plus naturellement du monde si nous avons aimé son film. Au moment où l’interview se déroule, seule Elodie l’a vu et, par chance, elle a beaucoup aimé ! La suite se fera en coréen / français par l’intermédiaire de la traductrice Jeong Eun Jin. Très accueillante, l’actrice Ha Ji Won nous rejoint avec le sourire et répond à nos questions avec simplicité et spontanéité.

L'actrice Ha Ji-Won et le réalisateur Lee Myung-Se

Elodie & Caroline Leroy : Pourquoi avoir choisi d’adapter le manwha Damo Namsoon ? Avez-vous pris beaucoup de liberté par rapport à l’œuvre originale ?
Lee Myung Se :
Si j’ai choisi d’adapter ce manhwa, c’est parce que cette histoire était déjà très connue en Corée. Je me suis dit que c’était une excellente manière d’aborder le grand public. Cela dit, j’ai essentiellement gardé l’épisode des faux billets et le personnage de la policière par rapport à l’œuvre originale. Mais ce qui constitue le fond de ce personnage vient plutôt de mon film précédent, Sur la trace du Serpent.

Et vous, Ha Ji-Won, pour quelle raison ce projet vous a-t-il attirée ?
Ha Ji Won : J’ai toujours voulu travailler avec M. Lee, j’ai donc vu ce film comme une occasion à saisir. Lorsque j’ai eu le scénario entre les mains, l’histoire m’a tout de suite emballée, et ce qui était assez exceptionnel c’est qu’en lisant le texte, j’avais l’impression de voir les images du film et j’ai trouvé cela très intéressant. J’étais aussi très attirée par le personnage de Namsoon, qui changeait radicalement de tout ce que j’avais fait auparavant : c’est vraiment une femme de caractère. Enfin, j’ai tout de suite aimé cette expression de la romance entre Namsoon et Sad Eyes, son adversaire, à cause de ce mélange d’affrontement et d’amour, de sentiments. Pour toutes ces raisons, je voulais faire ce film.

M. Lee, le film se démarque par la composition exceptionnelle de l’image, ces couleurs et ces lumières. Pratiquez-vous les arts graphiques et quelles sont vos inspirations ?
Lee Myung Se : En fait, je ne me suis jamais essayé aux arts graphiques mais il est vrai qu’il y a des peintres que j’apprécie énormément. Réaliser ce film représentait une sorte de défi que je me suis lancé. Je pensais notamment à Matisse et à des tableaux tels que La Danse. De façon générale, j’étais très inspiré par le mouvement et les couleurs éclatantes que l’on trouve dans les œuvres de Matisse, et je voulais mettre tout cela dans mon film. J’ai aussi pensé à Manhattan de Mondrian en ce qui concerne l’équilibre de l’image. Pour résumer, Matisse m’a plutôt influencé pour les couleurs, et Mondrian pour la composition globale des images.

D’autres films coréens utilisent les arts martiaux pour l’action, mais dans Duelist, on croirait voir des scènes de danse…
Lee Myung Se : Dans les scènes d’affrontement de ce film, les arts martiaux et le combat constituent un texte. Mais il y a un autre texte en parallèle, il est sous-entendu et a trait aux émotions, qui sont en réalité les plus importantes. Le défi était de revêtir les arts martiaux de toutes ces émotions, c’était fondamental.

Ha Ji Won, vous avez beaucoup de scènes d’action dans ce film, comment vous êtes-vous préparée?
Ha Ji Won : Nous avons commencé la préparation physique environ six mois avant le tournage ! On consacrait vraiment douze heures par jour à étudier les arts martiaux, tels que le judo ou d’autres styles, mais aussi le ballet ainsi que le tango. Pour ce qui est du tango, justement, je l’ai appris avec Gang Dong Won, qui était mon partenaire dans les scènes d’action (ndlr : interprète de Sad Eyes). Mais avant d’apprendre toutes disciplines, il s’agissait aussi de se remettre en forme. Les arts martiaux comme la danse exigent une certaine condition physique de la part des acteurs.

D’autre part, comme le mouvement était très important dans le film, il fallait être capable d’effectuer les chorégraphies. De plus, comme l’a dit Monsieur Lee, il fallait pouvoir exprimer les émotions à travers le tango. C’est pourquoi la préparation était aussi longue. Ce qui était très difficile dans les scènes d’action, c’était de trouver le juste équilibre entre le tango et le combat en lui-même. D’ailleurs, nous avions une équipe de chorégraphie pour le tango et une pour les arts martiaux et elles tombaient souvent en désaccord, ce qui provoquait des discussions interminables. C’était très compliqué.

Aviez-vous déjà pratiqué les arts martiaux et la danse ?
Ha Ji Won : Oui, j’avais déjà pratiqué les arts martiaux à l’occasion d’un feuilleton que j’ai tourné à la télévision. Ce feuilleton s’appelle Damo et il part d’ailleurs de la même histoire que le film. Concernant la danse, j’avais pratiqué à titre personnel la danse de jazz. Cela m’a effectivement un peu aidée dans la préparation physique.

Comment avez-vous travaillé le personnage de la jeune femme, notamment en ce qui concerne ses attitudes et ses mimiques ? M. Lee, qu’attendiez-vous de Ha Ji Won ?
Lee Myung Se : Il est vrai que je pars toujours avec une idée du personnage, mais je ne l’impose pas à l’acteur. Je sais ce que je veux, mais l’image que j’en ai ne reste pas figée. Je retravaille toujours mon projet de personnage après avoir rencontré l’interprète. L’idée est aussi de tirer parti de ce dont l’acteur est capable et de mettre dans le personnage. C’est de cette façon qu’un personnage prend forme. Si vous voulez, il y a au départ une idée A, mais cette idée ne reste pas A jusqu’au bout, elle peut devenir B ou C selon la personnalité de l’acteur qui interprète le rôle. C’est malléable.

Ha Ji Won, quel genre de directeur d’acteurs est M. Lee ?
Ha Ji Won : En fait, Lee Myung Se ne m’a effectivement pas dit : « le personnage de Namsoon est comme ça« . En revanche, il m’a donné un devoir à faire au début : il m’a dit de trouver dix façons de marcher et dix expressions de visage différentes. Il m’a aussi précisé qu’il fallait que je tente des choses pas spécialement jolies, comme de faire des grimaces.

Pour ce qui est de la démarche, j’ai beaucoup observé les hommes et tout spécialement, dans Sur la Trace du Serpent, le personnage de Park Joon Hoon, qui marche de manière assez particulière. Mais j’ai regardé la démarche de beaucoup d’autres acteurs, par exemple Gene Kelly. J’ai même été jusqu’à observer les hommes dans la rue, pour voir comment ils se déplaçaient… (rires).

Ensuite, j’ai montré tout cela à Lee Myung Se pendant la phase préparatoire. Pendant le tournage, il me disait chaque fois si ce que je faisais correspondait ou non à ce qu’il attendait. Il fallait aussi prendre en compte les contraintes liées aux costumes et au maquillage, il y avait des choses que l’on pouvait exploiter et d’autres pas. J’ai donc fait mes devoirs et ensuite c’est M. Lee qui choisissait parmi les différentes possibilités que je lui offrais. (rires)

Comment s’est passé la collaboration avec votre partenaire Gang Dong Won ?
Ha Ji Won : Personnellement, je suis quelqu’un d’assez timide, et Gang Dong Won l’est aussi. Ce n’était donc pas facile au début. Nous devions pouvoir jouer ensemble cette relation de dualité et d’amour en même temps. Il fallait donc qu’il y ait une sorte de communion entre nous et c’est cela qui était difficile, d’autant plus que l’on se blessait souvent sur le tournage. Mais ce qui nous a énormément aidés, c’était le tango parce qu’il nous a appris à rester en corps à corps pour danser. C’est incontestablement le tango qui nous a rapprochés, qui a installé une sorte de détente entre nous et nous a permis de travailler ensemble.

M. Lee, qu’est ce qui compte le plus dans votre approche du cinéma, est-ce que vous partez des personnages ou de l’univers qui les entoure ?
Lee Myung Se : On ne peut pas dire qu’il y ait vraiment une chose qui prime entièrement sur les autres, que ce soit les personnages, l’histoire ou le contexte. Dans ce film, ce qui comptait c’était le mouvement. Il fallait que les acteurs bougent, que la caméra bouge. Il fallait que les sons, la musique et les couleurs bougent. Bien entendu, tout cela devait dégager une impression de cohérence.

Quels sont vos prochains projets ?
Lee Myung Se : En ce qui me concerne, ce sera un film d’horreur, mais je ne peux pas en dire plus pour le moment.
Ha Ji Won : Je suis en train de tourner un film qui est lui aussi adapté d’un manhwa. C’est une sorte de comédie mélodramatique dont le titre est L’idiot. Je joue une femme qui est justement amoureuse de l’idiot.

Propos recueillis par Elodie Leroy
Photo prise à Deauville par Caroline Leroy
Remerciements à Jeong Eun Jin pour la traduction

Interview réalisé pour Dvdrama.com, dont nous étions journalistes de 2003 à 2007.

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