Anthologie de science-fiction, la série coréenne SF8 s’annonce passionnante. Découvrez notre avis sur le premier épisode, The Prayer, dans lequel un robot s’interroge sur la vie, la mort et le péché.
Les robots philosophent aussi, et ça fait parfois un peu peur. Très attendue des fans de séries coréennes de genre, SF8 est une succession de huit histoires indépendantes dans lesquelles les humains cohabitent avec des technologies du futur. Le premier épisode, The Prayer, fait forte impression grâce à ses questionnements éthiques et religieux, ses qualités visuelles et l’interprétation troublante de l’actrice Lee Yoo Young dans le rôle du cyborg.
Anthologie de science-fiction
Dans une clinique, les malades sont pris en charge par des robots dont le visage est conçu sur le modèle de celui d’un proche. Gan Ho Joong (Lee Yoo Young) est l’un de ces robots. Son visage est celui de Jung In (Lee Yoo Young), une femme trentenaire dont la mère est dans le coma depuis dix ans et qui traverse de sérieux problèmes financiers. Chargée de prendre soin de la mère et de la fille, Gan Ho Joong commence à ressentir une grande détresse.
SF8 est une anthologie coréenne de science-fiction qui résulte d’un projet commun entre la chaîne MBC, la Directors Guild of Korea, la plateforme de streaming Wavve et la société de production Soo Films. Le genre de la SF et le format « un épisode, une histoire » évoquent l’incontournable anthologie britannique Black Mirror, qui a déjà inspiré la série taïwanaise On Children.
De quoi parle SF8 ? Chaque opus nous immerge dans un monde gouverné par des technologies futuristes, dont l’effet sur la société humaine est potentiellement désastreux. La note d’intention annonce la couleur : dans SF8, il est question d’intelligence artificielle, de réalité augmentée, de réalité virtuelle et de robots.
Au vu du premier épisode, The Prayer, la volonté de la production est visiblement de combiner la qualité scénaristique d’une série avec les exigences de production d’un film – sur ce plan, SF8 est une belle réponse de MBC au concept Dramatic Cinema d’OCN.
Le robot qui rêvait
Aux commandes de The Prayer, le réalisateur Min Gyu Dong (The Treacherous) place la barre très haut : entre les superbes images de la ville de Séoul décorée de visions holographiques, les effets spéciaux haut de gamme et les plans d’intérieur aux lumières crépusculaires, nous avons affaire à une production somptueuse.
Ce qui surprend immédiatement, avec ce premier opus, c’est son sujet osé et son propos philosophique. Si l’idée du robot qui ressent des émotions est un classique de la science-fiction, l’intelligence du scénario réside dans la manière dont ce thème interagit avec celui de la foi, habilement amenée à travers le mythe d’Abel et Caïn, et la question difficile de l’euthanasie, qui divise la société.
Lorsque le robot-infirmière Gan Ho Joong réalise que la fille de la patiente n’est plus en état de supporter la condition de sa mère, ses deux missions entrent en contradiction, ce qui la plonge dans un gouffre de questionnements éthiques dont les conséquences seront dramatiques.
Le récit prend toute sa force lors d’un échange téléphonique entre Ho Joong et une bonne sœur du nom de Sabina (Ye Soo Jung), dont la foi et les certitudes seront ébranlées par les considérations du robot.
Lee Yoo Young fascinante
Faisant intrusion dans la logique implacable de l’intelligence artificielle, l’émotion s’apparente presque à un péché pour un être dont l’existence a pour unique vocation de répondre au besoin d’un être humain. « Et moi, ai-je été créé avec amour ? », demande le robot à l’humain, quand la nonne lui prétend que Dieu aime les hommes.
Le robot Ho Joong et son modèle Jung In sont incarnés par l’excellente Lee Yoo Young (The Lies Within, Your Honor), qui porte littéralement l’épisode The Prayer sur ses épaules. Dépressive et négligée dans le rôle de Jung In, elle dégage une perfection surnaturelle en Ho Joong, jouant de son regard profond et de sa voix douce. A la fois touchante et inquiétante, l’infirmière artificielle dégage un mélange d’innocence et d’ambivalence qui participe beaucoup au pouvoir de fascination de The Prayer.
Le casting comprend également l’actrice Ye Soo Jung (Search WWW), très convaincante dans le rôle de Sœur Sabina, ainsi que Yoon Kyung Ho (Team Bulldog: Off-Duty Investigation) en patient mentalement instable dont l’épouse, jouée par Yeom Hye Ran (When The Camellia Blooms), perd pied dans cet environnement médical déshumanisé.
A ce propos, la plupart des personnages de The Prayer sont féminins. A travers le parcours de ce robot dévoué aux autres, mais qui prend aussi conscience de son Moi, cet opus parle aussi de la difficulté de vivre quand l’existence se résume à apporter des soins à un proche. L’histoire pointe également une réalité bien d’aujourd’hui, celle de ces femmes laissées seules face aux malades, cependant que les hommes de la famille brillent par leur absence.
Captivant par son ambiance claustrophobe, ses dialogues anxiogènes et sa portée philosophique, The Prayer dévoile ses véritables intentions dans un final étrangement spectaculaire qui laisse le spectateur avec un malaise durable.
On attend les épisodes suivants avec un mélange de curiosité et d’impatience !
Elodie Leroy
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