Le drama Circle: Two Worlds Connected

Critique Circle, avec Yeo Jin Goo : les thèmes décryptés

Série de science-fiction dans la pure tradition du genre, Circle projette Yeo Jin Goo dans une dystopie intelligente et captivante.

Imaginez un monde de paix où vous seriez préservés de vos émotions négatives, où vous pourriez oublier à votre guise tous vos mauvais souvenirs… Tel est l’univers dépeint dans Circle: Two Connected Worlds, un drama qui sonde à sa manière les dérives de notre époque sur fond d’intrigue de thriller. S’appuyant sur un scénario à la construction rigoureuse et rehaussé par un montage dynamique, le drama surprend notamment par sa capacité à mener tambour battant une intrigue dense sans jamais perdre de vue sa dimension humaine. Il se positionne ainsi aisément parmi les plus belles réussites de l’année 2017.

Yeo Jin Goo et Kim Kang Woo dans Circle
Yeo Jin Goo et Kim Kang Woo dans Circle (tvN)

Série en douze épisodes, Circle: Two Connected Worlds était diffusé les lundis et mardis soir à 23h sur tvN, entre le 22 mai au 27 juin 2017. Une fois n’est pas coutume pour un drama, les scénaristes sont aussi nombreux que dans une production américaine : entre Kim Jin Hee, Yoo Hye Mi, Ryoo Moon Sang et Park Eun Mi, on en compte quatre !

Quant au réalisateur Min Jin Ki, il n’a alors à son actif que des émissions de divertissement, telle que la série Blue Tower et le show SNL Korea pour tvN. Il signe par conséquent avec Circle son tout premier drama.

Le défi est de taille pour l’équipe, puisque Circle est aussi que le premier drama de science-fiction de la chaîne tvN. Si l’on ajoute à cela les exigences de production du genre, on imagine aisément une longue préparation. Or Circle a été bouclé en six mois seulement, casting compris. Ce miracle a été en partie rendu possible par un nombre d’épisodes plus restreint que d’ordinaire – la plupart des dramas coréens sont planifiés pour seize épisodes.

Gong Seung Yeon dans le drama Circle

La rigueur du scénario explique sans doute aussi la relative facilité avec laquelle le drama a été mis en place. Circle se distingue par une construction narrative très élaborée. L’intrigue se déroulant sur deux époques, chaque épisode d’une heure est divisé en deux parties d’égale durée, en parfaite synergie l’une avec l’autre.

Intitulée « BETA project », la première partie de Circle se déroule en 2017 et adopte le point de vue de Kim Woo Jin (Yeo Jin Goo), un étudiant en neurosciences. Celui-ci soupçonne son frère jumeau Kim Beom Gyoon (Ahn Woo Yeon), tout juste sorti de prison, d’être lié aux morts mystérieuses qui frappent son université. Beom Gyoon persiste en effet à affirmer que ces disparitions sont le fait d’un alien que tous deux ont côtoyé lorsqu’ils étaient enfants, et qui semble être de retour sous les traits d’une belle jeune femme, Han Jung Yeon (Gong Seung Yeon).

La deuxième partie, « Brave New World », se déroule en 2037 et nous entraîne aux côtés d’un flic ordinaire, Kim Joon Hyuk (Kim Kang Woo), qui enquête sur le kidnapping d’une jeune femme. Pour ce faire, il pénètre dans Smart Earth, un monde privilégié qui ne connaît pas la criminalité. Guidé sur place par un pacificateur du nom de Lee Ho Soo (Lee Gikwang), Joon Hyuk entreprend de résoudre simultanément le mystère de la disparition de son frère.

Les deux segments de trente minutes de Circle évoquent différents sous-genres de la science-fiction. La partie Un est dominée par une atmosphère paranoïaque typique des histoires d’invasions alien. Woo Jin vit dans le soupçon permanent. Il ne croit ni son frère, qu’il juge mentalement instable, ni sa camarade de classe Jung Yeon, ni même son professeur. Et le complot scientifique qui se dessine autour de lui semble bel et bien lui donner raison. De son côté, Beom Gyoon doute de tout le monde à l’exception de Woo Jin, dont il recherche désespérément l’approbation.

Lee Gikwang (Circle: Two Connected Worlds)

Le passage à la partie Deux se fait par la magie d’un mouvement de caméra vertical qui nous dépose au même endroit, vingt ans plus tard. Si la référence au Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley est ici explicite, on pense aussi à Un Bonheur insoutenable d’Ira Levin, face à ce monde sans violence, régi par un ordinateur caché. Dans Circle, ce dernier est désigné sous l’appellation « Human B ». Les habitants de Smart Earth vivent dans la paix grâce à une puce qui stabilise leurs émotions, le « stable care ». Mais les humains ordinaires, eux, sont abandonnés sur Normal Earth, qui n’est autre qu’une extrapolation de notre monde actuel, dévasté par la pollution.

Visuellement, Circle épate par l’authenticité de son cachet SF, qui doit beaucoup à d’habiles jeux d’éclairage à l’intérieur de pièces et des couloirs dépouillés. En dépit de partis-pris de lumières reflétant les ambiances respectives des deux parties, la cohérence esthétique de l’ensemble du drama est bluffante.

Circle fascine d’autre part par son caractère très compact, son rythme trépidant, surtout dans les premiers épisodes. On a peu de temps pour souffler, et pourtant l’exposition de l’intrigue et des personnages est d’une efficacité redoutable. L’utilisation experte du procédé du flash-back en particulier, nous permet de saisir très vite la nature des relations entre les différents protagonistes.

Yeo Jin Goo (Hwayi: A Monster Boy) est le héros de la première partie de Circle. Il pourrait en être désavantagé car chaque épisode se termine sur un cliffhanger situé dans l’année 2037. Pourtant, le jeune acteur parvient à imposer sa présence tout au long du drama. Son jeu très naturel, son investissement émotionnel palpable nous immergent instantanément dans l’intrigue.

Kim Kang Woo (Circle)

Kim Kang Woo (Missing Noir M), héros de la partie Deux, possède lui aussi une riche palette d’émotions, ainsi que cette capacité à nous embarquer avec lui, quoiqu’il advienne. Bien qu’ayant peu de scènes ensemble, Yeo Jin Goo et Kim Kang Woo forment un excellent duo d’acteurs pour nous orienter dans cette histoire complexe, où chaque détail compte.

La structure narrative inhabituelle de Circle n’est pas qu’un simple exercice de style. Il s’agit d’un parti-pris que le réalisateur Min Jin Ki décrit de manière intéressante comme une illustration du cycle de la vie (cf. Interview de Oh My News du 6 juillet 2017).

Circle raconte l’histoire émouvante de deux frères qui cherchent à tout prix à se retrouver. Enfants, Woo Jin et Beom Gyoon étaient proches et ont vécu ensemble quelque chose d’extraordinaire. Mais aujourd’hui, ils ne se comprennent plus. Leur père étant mort entre temps, leur famille est en ruines. Il faut attendre que des forces extérieures les sépare de nouveau pour que l’amour fraternel renaisse de ses cendres, et que la vie reprenne son sens.

En prenant pour fil rouge la relation forte mais conflictuelle qui unit Woo Jin et Beom Gyoon, Circle fait des sentiments humains le point de confluence entre la petite histoire et la grande. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’extra-terrestre Byul s’est invitée autrefois dans leur famille attristée par la mort de la mère. La résonance entre les deux parties de l’intrigue nous aide à décrypter quels éléments de l’histoire personnelle des protagonistes ont pu conduire à l’avènement d’un monde nouveau, à la fois séduisant et terrifiant.

Si le drama Circle propose une contre-utopie dans les règles de l’art, il le fait à travers une approche typique des thrillers coréens télévisés, qui placent les relations humaines, voire familiales, au centre de tout. Non contents de bloquer les émotions des habitants de Smart Earth, les dirigeants de l’ombre s’emploient d’ailleurs à manipuler leurs souvenirs, faussant leur histoire et leurs relations avec autrui. Étroitement lié à l’histoire des deux frères, le thème de la mémoire se retrouve ainsi peu à peu au centre de Circle.

La question est développée à travers le personnage de Lee Ho Soo, l’interlocuteur de Joon Hyuk, qui a préféré fuir sa peine plutôt que de l’affronter. Ho Soo est interprété avec talent par Lee Gikwang (Lovely Horribly), qui laisse son empreinte en l’espace de quelques scènes, et a une alchimie savoureuse avec Kim Kang Woo.

Le thème de la mémoire est aussi exploré par le biais du personnage clé de Jung Yeon, la mystérieuse étudiante qui ressemble à l’alien Byul. L’actrice Gong Seung Yeon (Introverted Boss) fait forte impression dans un rôle à plusieurs facettes, qui évolue sur les deux époques de l’intrigue et menace l’équilibre hypocrite de Smart Earth.

Entre twists de scénario imprévisibles et cliffhangers imparables, Circle ménage de nombreux moments épiques, amplifiés par une excellente bande originale. Le drama nous cueille aussi par surprise avec de vrais moments d’émotion, faisant en cela honneur au genre de la science-fiction, qui a toujours parlé de l’humain.

Le drama peut d’autre part compter sur une belle galerie d’acteurs secondaires. Ahn Woo Yeon (Strong Woman Do Bong Soon) est attachant dans le rôle de Beom Gyoon jeune, Song Hyung Kyu (Voice) inquiétant en savant fou, tandis que Han Sang Jin (Hyde, Jekyll, Me) est ambigu à souhait dans le rôle de Park Dong Gun. Sans oublier Seo Hyun Cheol (A Poem A Day) dans le rôle d’un inspecteur de police dessinateur de webtoons à ses heures.

Le monde futuriste de Circle a de quoi stimuler l’imagination, et l’éventualité d’une saison 2 a été évoquée par le réalisateur juste après la diffusion du drama. Comme toujours, le souci est de réunir la même équipe, depuis les scénaristes jusqu’aux acteurs. Mais on sent que Min Jin Ki ne serait pas contre la mise en chantier d’un tel projet, si l’opportunité se présentait. On continue de croiser les doigts…

Caroline Leroy

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